Ousmane Gaoual Diallo : « Le président Mamadi Doumbouya est populaire…le peuple lui fait appel et il va incarner cette volonté »
CONAKRY- Le Gouvernement guinéen persiste et signe. La transition ouverte le 05 septembre 2021 ne sera pas close le 31 décembre 2024, comme cela avait été convenu dans un accord conclut avec la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Dans la seconde partie de l’interview qu’il nous a accordée, Ousmane Gaoual Diallo donne les raisons de ce « glissement » en perspective. Le porte-parole du Gouvernement revient aussi sur l’éventuelle candidature du Général Mamadi Doumbouya ainsi que sur les enquêtes en cours concernant les cas de kidnapping comme Foniké Mengué, Mamadou Billo Bah…et du journaliste Habib Marouane Camara. Exclusif !!!
AFRICAGUINEE.COM : Pourquoi la transition ne s’arrêtera pas le 31 décembre 2024 ?
OUSMANE GAOUAL DIALLO : Parce que les conditions de son arrêt ne sont pas prévues. Nous avons déjà abordé une autre phase qui est marquée dans l’article 2 de notre charte de la transition, c’est la refondation. Selon cet article de notre charte, la refondation de l’État faisait partie des étapes de la transition et on est déjà dans cette étape-là. Il faut que les gens essayent de lire très bien les textes, au lieu de se focaliser sur des accords.
La Guinée, comme j’ai eu à le rappeler, n’est pas un pays qui se soumet au diktat d’autres institutions. Chaque évolution de notre société doit être marquée par une prise de conscience et une acceptation de la société guinéenne pour que la mise en œuvre puisse avancer, sinon c’est de la chimère. Il faut qu’on accepte ça. La démocratie est un processus, c’est une évolution importante. Si vous avez suivi il y a quatre ans le transfert de pouvoir entre le président Biden et le président Trump, personne ne pouvait imaginer que dans ce qu’on considère comme la plus grande démocratie, qu’un chef d’État battu peut dire « je ne sors pas » et mobiliser ses militants pour dire « on va tout brûler ici ». Ça s’est passé en Amérique.
Mais comme la société a suffisamment de recul et des institutions suffisamment fortes, construites sur 400-500 ans, elles ont pu résister à cela. Et c’est très important. Et ça a permis au système de ne pas vaciller. Et donc c’est un processus. Ça veut dire que même cette démocratie-là, c’est une démocratie en construction. Elle n’est pas achevée. Nous qui sommes juste au tout début de la matérialisation de cette intention démocratique, on ne peut pas avoir des existences avec des standards que d’autres ont mis 200-300 ans à construire. Ceci est très important.
Est-ce que parler de la réfondation en cette période (où le chronogramme prend fin le 31 décembre) n’est pas une manœuvre pour préparer les esprits sur une probable candidature du Président Général Mamadi Doumbouya ?
Non, vous n’avez pas compris. Je dis « dans la charte de la transition », le deuxième point de l’article 2 dit que la réfondation de l’État est une des étapes du processus de la transition. Ce n’est pas une nouvelle étape. C’est la charte qui le dit. Lisez bien la charte. Donc, on n’est pas en train de recommencer. On est en train de dérouler ce qu’on a déjà écrit et présenté au peuple de Guinée.
Oui, mais vous en tant que porte-parole du gouvernement, aviez dit au mois de février 2023 citation : « Le Président Mamadi Doumbuoya ne resterait pas un seul jour à la tête de la Guinée au-delà du chronogramme (le 31 décembre 2024) ». Qu’est-ce qui a changé entretemps M. Diallo ?
Est-ce que c’est la question de l’homme qui pose problème ? Qu’est-ce qui est important pour notre société ? Est-ce que c’est de dire que Mamadi Doumbouya est candidat ou pas candidat ? Ou bien c’est de mettre en place des mécanismes qui permettent qu’au lendemain de cette transition, notre société puisse vivre en paix et prendre en charge son développement avec des acteurs qui sont capables de collaborer de façon apaisée ? Qu’est-ce qui est important pour nous ? On entend souvent dire que les hommes en tenue ne doivent pas (gouverner)…les militaires c’est dans les casernes. Quelle est la seule démocratie au monde qui a été construite en dehors des militaires ? Elle n’existe pas. La France c’est Degaule. Aux Etats-Unis, c’est Henry Truman. Quelle démocratie se construit sans les militaires ? Ce n’est pas possible. Ce n’est pas donc la tenue qui est importante.
Qui est-ce qui a amené le multipartisme en Guinée, la liberté de la presse ? C’est feu général Lansana Conté, il était militaire non ? Donc il faut moins se focaliser sur les personnes que sur notre projet commun, notre volonté commune de vivre ensemble et de construire notre société dans la paix et dans l’harmonie. C’est ce qui est le plus important. Je pense que les Guinéens devraient faire la part des choses.
M. le ministre, l’évidence est là. Toutes ces mobilisations, tous ces mouvements font preuve de soutien en tout cas à une candidature du président Mamadi Doumbouya, qui pourtant, s’est carrément engagé à ne pas être candidat tout comme les autres dirigeants de la Transition…
Le président est populaire. Il attire des attentions et les patriotes aussi répondent à l’appel de leur nation. Rappelez-vous Dé-gaule, qui est quand même le père de la 5ème République en France. A un moment, il a plié le bagage, il s’est retiré. Mais la nation l’a rappelé à sa responsabilité de venir continuer à bâtir. Donc de temps en temps, vous pouvez agir pour servir notre pays pas seulement en regardant votre intérêt personnel mais en regardant l’intérêt du pays.
Le peuple de Guinée fait appel à Mamadi Doumbouya. Il va incarner cette volonté-là, cette volonté populaire de faire en sorte que les chantiers ouverts soient poursuivis par lui et par les équipes qu’il a choisies. C’est très important. Cette discussion sur les personnes n’a pas beaucoup d’intérêt. Parlons du contenu, parlons des textes, parlons de notre volonté de vivre ensemble, parlons de la société que nous voulons construire ensemble demain.
Ces derniers mois on assiste à des enlèvements. Nous sommes à 5 mois depuis que les activistes Oumar Sylla (Foniké Menguè) et Mamadou Billo Bah ont été enlevés, par la suite il y a eu M. Sadou Nimaga, puis tout récemment c’est notre confrère Habib Marouane Camara. Comment expliquer-vous ces kidnappings non encore revendiqués ?
Je ne sais pas ! C’est un phénomène qui est inquiétant. Je pense que vous journaliste, il est important que vous vous rapprochiez de cette personne qui a été libérée pour savoir comment il a été arrêté, qui l’a arrêté, où il était, comment il a été libéré, etc. C’est très important. Ça, c’est votre rôle en tant que médias, parce que ça permettra aussi d’informer les gens. Je prie que toutes ces personnes-là retrouvent leur famille un jour, c’est tout ce qu’on peut formuler. Pour le reste, moi, je ne rentre pas dans la polémique. Ce que je déplore, c’est qu’à chaque fois qu’il y a ce type de phénomène qui arrive, les journalistes, les acteurs de la société civile, les partis politiques banalisent la situation. Banaliser, ça c’est de dire que c’est l’armée, c’est l’État. C’est pour ça que souvent, quand on dit enlévé, on associe ça à un homme en tenue. Pourtant, il n’y a pas de témoins. Il faut faire l’effort pour que les gens donnent les informations lorsqu’elles sont disponibles à ceux qui font les enquêtes pour aller. Et c’est très important.
Rappelez-vous lorsque l’opérateur économique a été enlevé (à Koloma), tout le monde a concouru pour donner l’information qu’il avait. Peut-être que ça a servi à le retrouver et le ramener. Et c’est très important. Lorsque l’autre opérateur économique a été tué ici (Kobaya), le lendemain, tout le monde disait que c’était des gens qui étaient des forces spéciales, c’était des gens armés, c’est des militaires. Et quand les présumés coupables ont été arrêtés, ils étaient membres de sa famille. Il faut faire attention. C’est bien de dénoncer lorsque quelqu’un ne répond pas à la maison ou qu’il est victime d’enlèvement. Mais lorsqu’on veut coûte que coûte dire que c’est des militaires, c’est tel corps qui les a enlevés, c’est des gendarmes. Là on est en train d’aller dans la construction de la polémique qui ne sert à rien à la recherche de la vérité et des acteurs. C’est très important. Il faut souhaiter que ces gens retrouvent leurs familles, saines et sauves et faire en sorte que rien ne les arrive partout où ils sont. Et c’est très important.
On pourrait comprendre l’explication pour les cas des opérateurs économiques. En revanche, pour le cas d’Oumar Sylla de Billo, ils ont été arrêtés devant des gens qui ont identifié les individus qui les ont mis aux arrêts. Ça c’est les faits monsieur le monsieur le ministre…puisqu’on a vu des témoignages.
Ce n’est pas vrai. Moi j’ai vu des vidéos circuler sur internet comme vous. Quelqu’un qui dit qu’ils étaient ensemble, qu’ils étaient arrêtés ensemble, torturés au palais, amenés à Kassa. Lui, ils se sont rendus compte qu’il était une erreur. On l’a ramené à Conakry, on l’a laissé partir, il a fait sa vidéo.
J’invite simplement à réfléchir sur ce récit. Je vais vous dire une chose. Si moi je suis un criminel et que je vienne pour faire un crime, il y a un témoin qui est là, qui me voit commettre le crime, lui-même il devient une cible. Oui ou non ? Comment vous imaginez que moi je viens commettre un crime, je vois un témoin, je l’accompagne, je commets tous mes crimes devant lui, je l’amène, je le mets dans un bateau, je le libère, je lui dis vas-y, va raconter. Il y a un problème dans ce récit. Mais quand on pose ces questions, les gens croient qu’on n’est pas sensible à la situation. Moi je pose juste des questions parce que ça m’interpelle dans la réflexion. Ce n’est pas que je ne suis pas sensible, je connais tous ces acteurs de la vie politique. À un moment ou à un autre, on s’est connus. Certains d’entre eux on a passé des moments difficiles ensemble (…). Celui qui a dit qu’il a été arrêté avec eux, qu’il était témoin, qu’il a été amené au palais, torturé, amené à Kassa, torturé mais qu’après on s’est rendu compte que lui ne fait pas partie. On le ramène à Conakry, on lui donne un truc, il prend l’avion, il part à Dakar. La première chose que j’allais vous demander de faire, c’est de lui demander de vous envoyer la copie de son passeport pour vous dire si tel jour il était à Dakar.
À coup sûr vous allez trouver qu’il était à Dakar, avant même les événements (9 juillet) à Conakry. Mais parce que quand les gens racontent ça, ils veulent donner des récits vraisemblables. Mais ça, c’était trop gros.
Même dans les cinémas, quand on voit les témoins des criminels en général, ils sont victimes, collatéraux. Mais là, le récit était un peu trop fantastique. Mais c’est pour ça que je dis de ne pas rentrer dans la polémique, de faire en sorte, et de souhaiter que d’où qu’ils soient, qu’ils retrouvent leur famille sains et saufs. Et c’est ça qu’on peut formuler, puisque nous sommes tous tributaires de l’information que les agents de sécurité et de la justice peuvent nous communiquer.
Est-ce que les autorités font vraiment le nécessaire pour essayer de retrouver ces personnes ?
Vous-même, est-ce que vous faites des efforts ? C’est-à-dire, respecter votre Etat. Est-ce que vous savez combien d’agents de sécurité et de renseignement sont mis sur ce coup-là et qui sont pris en charge par l’État pour aller rechercher des informations ? Est-ce que vous croyez que tout le monde est assis, bras croisés et qu’il n’y a rien qui se fait ? Ça veut dire quoi, faire l’effort ? Lorsque le procureur général se lève, il dit que j’ai mis en place une structure d’enquête. Ça veut dire qu’il a mobilisé des ressources financières, mobilisé des hommes et des enquêteurs. Si les résultats ne viennent pas très rapidement, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’effort. Mais l’effort n’a pas encore produit le résultat attendu. C’est très important de faire attention sur les vocabulaires qu’on emploie.
Donc, est-ce que l’État fait l’effort ? Je peux vous dire en tant que porte-parole du gouvernement que oui, l’État fait l’effort. Il fait beaucoup d’effort pour que ces gens soient retrouvés. Ils ne sont pas encore là mais l’effort est fait, comme dans beaucoup d’enquêtes.
Lorsque vous portez plainte au pénal, souvent il y a des périodes où on peut autoriser vos avocats à avoir accès au dossier du juge d’instruction pour savoir à quel niveau il est. Mais ça, ce n’est pas donné aux journalistes, ce n’est pas donné aux curieux, ce n’est pas donné à un avocat qui est mandaté par une famille. Il y a une procédure pour ça. Ce n’est pas quotidiennement que le ministre de la Justice ou le procureur général vont venir devant les médias pour dire ce qu’on a vu hier, ce n’est pas comme ça que la justice marche. Parce que malheureusement, dans ce type de cas-là, plus on garde l’information, plus on peut rendre efficace l’action, le renseignement et donner la chance à retrouver les gens sains et saufs.
A suivre !
Interview réalisé par Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Créé le 14 décembre 2024 12:34Nous vous proposons aussi
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