Mariages à distance : Le récit glaçant de H. Barry, trompée par un mari « imposteur » basé en Europe…

LABE- C’est l’histoire d’une femme qui a convolé en noce avec un sans-papier guinéen vivant en Espagne. Elle a risqué sa vie en passant par la mer pour rejoindre son homme, qui en réalité n’est qu’un imposteur de dernier degré.

Après avoir échoué deux fois son baccalauréat, H. Barry décide de s’orienter et suit une formation à l’ENI (école normale des instituteurs) de Labé. Après sa formation, la jeune dame fut orientée d’abord à Mali en tant qu’enseignante-contractuelle. Après la révolte de janvier-février 2007, elle a été engagée à la fonction publique puis mutée à Dabola, centre géographique de la République de Guinée. Entretemps, par l’entremise d’une famille voisine à la sienne à Conakry, elle entre en contact avec un homme vivant en Europe qui voulait d’elle en mariage. Les choses s’accélèrent, le mariage est scellé à Conakry dans la sobriété, en l’absence du mari, se trouvant en Espagne.

Ce mari qui lui a vendu monts et merveilles réussit à la convaincre sur l’importance de dépenser moins dans le mariage, car pour lui, le plus important est de la faire voyager pour le rejoindre en Europe. Un projet qui exige suffisamment de moyens.  Après la dot, le voyage de madame sur le vieux continent devrait immédiatement suivre mais tout se solde par des échecs à Conakry. En réalité, l’homme n’avait engagé aucun véritable projet de voyage. Les engagements n’étaient que de la poudre de perlimpinpin aux yeux.

Dame Barry est contrainte d’abandonner son métier d’enseignante qu’elle aimait tant et se rendre au Maroc à ses frais tirés de ses maigres économies. Elle a été convaincue par son époux qu’une fois à Rabat, elle aura le visa pour Madrid. Cette procédure de voyage légal qui en réalité n’a jamais existé est allé de mal en pire. Au finish, le mari encourage son épouse à passer par la périlleuse traversée par la Méditerranée afin de le rejoindre. Par miracle dame Barry arrive en Espagne le 23 juin 2012. C’est là qu’elle découvre le vrai visage de l’homme qui lui a juré un amour éternel. Tout n’est que mirage et désillusion. Aujourd’hui âgée de 43 ans, H Barry se confie à Africaguinee.com pour dit-elle sauver d’autres femmes des chimériques mariages à distance. [Première partie]

Je suis enseignante de profession

« Je suis H. Barry enseignante de profession. Je partage mon histoire vécue dans la douleur autour d’un mariage qui a foiré après avoir engagé toute mon économie pour sauver mon union avec un homme sans situation et qui a manqué de sincérité envers moi juste pour m’avoir et assouvir son appétit.

Je suis née en 1981 à Conakry, toute ma famille y vit encore sauf mon père et ma mère qui sont décédés. Je suis originaire d’une préfecture de la région de Labé. A Conakry, j’y ai fait mes études primaires et secondaires jusqu’en 12ème année. Pour avoir raté par deux fois le baccalauréat première partie en 2000 et en 2001 j’ai décidé de faire autre chose.

En 2002, je suis revenue à Labé où réside une bonne partie de ma famille proche pour faire l’ENI (école nationale d’instituteurs). En 2004 j’ai été envoyée à Mali où j’ai passé 2 ans en tant que contractuelle d’Etat. Des proches m’ont aidé à rentrer à Conakry et j’ai été affectée à l’école publique située dans un camp militaire.

J’y suis restée jusqu’en 2007. Les évènements de janvier-février de la même année m’ont trouvée sur place.  Après ce mouvement qui a abouti à la formation d’un gouvernement de consensus, j’ai été définitivement engagée à la fonction publique avec beaucoup d’autres enseignants contractuels. Une nouvelle affectation intervient, je pars à Dabola, centre géographique de la République de Guinée.  J’y suis restée jusqu’en 2012. Pendant les vacances et les congés je venais ici à Labé ou je partais à Conakry.

Mon Mariage a englouti toute mon économie et a failli me coûter la vie

Tout a commencé pendant les vacances en 2011 quand une famille voisine à Conakry m’a contactée pour me dire qu’un de ses proches est à la recherche d’une épouse. Elle m’a dit que je lui conviens, mais celui par qui elle m’a approchée n’est pas son fils direct, c’est plutôt un neveu.

C’est comme ça que le contact est né. Le monsieur a commencé à m’appeler au téléphone. Nous sommes tombés d’accord ; les familles aussi. Nous avons fait la dot en novembre 2011. Avant le mariage, il m’a dit qu’il ne veut pas de mariage pompeux et que sa préoccupation était plutôt de voir comment m’envoyer auprès de lui (en Europe). Mais le voyage ne me tenait pas du tout à cœur. Avec mon maigre salaire d’enseignante, je voulais rester au pays et l’attendre. Je ne voulais embêter personne pour un quelconque voyage. Après le mariage je suis rentrée à Dabola pour continuer mon travail.

Fausses démarches pour mon voyage en Europe

Mon mari A. I, me rappelle de venir d’urgence à Conakry pour entamer une procédure de voyage. J’ai couru durant presque tout le mois de décembre pour avoir le passeport. Les enfants avaient chômé tout ce temps. C’est l’unique fois qu’il m’a envoyé 150 euros par l’intermédiaire de quelqu’un. Cet argent devait servir aux frais de confection du sésame et toutes les démarches y afférentes.

Dès j’ai obtenu le document, il a commencé à me parler d’ambassade de France, de Belgique et d’Espagne. Il me parle de rendez-vous. Je suis restée à l’écoute comme je ne savais rien. Tous les jours il place de nouveaux arguments. Je suis restée dans ça jusqu’à la fin des congés de Noel. Mais en réalité il ne faisait rien. Il visait plutôt une autre piste que j’ignorais. C’était de me faire voyager par la mer, mais m’expliquer ce projet était difficile pour lui, c’était lourd dans sa bouche parce qu’il était conscient que je ne voulais pas voyager surtout par la voie clandestine. Il me disait souvent que tout le monde veut venir en Europe mais toi non. Janvier 2012 me trouve à Conakry sans aucune suite.

Quand je décide de rentrer reprendre mon poste, le monsieur m’oblige de mentir pour rester à Conakry

Je ne voyais pas d’issue vraiment. Je décide au moins de rentrer à Dabola pour travailler. Au même moment mon directeur d’école me dit que si je ne rentre pas dans une semaine, il me rendra à la Direction Préfectorale de l’Education de Dabola pour abandon de poste. Le monsieur m’oblige de mentir avec des faux documents de maladie qui me permettent de rester à Conakry. Il me disait que si je bouge de Conakry pour l’intérieur du pays, préparer le voyage ne sera pas évident pour nous. Un jour son cousin m’a déposé un faux document médical qui attestait que je devais suivre des soins à Conakry pour 2 mois. J’ai envoyé au directeur qui m’a enfin laissé tranquille.

L’homme continue de me tourner

Finalement je dépensais moi-même pour des courses inutiles. Il me parle d’emploi de temps chargé, quand il sera libre, il va rembourser. A chaque fois qu’on parle j’explique à nos familles. Chacun prie pour que les choses bougent. Au mois de février 2012, il me dit que ses amis auxquels il a confié mon projet de voyage ont mangé son argent et ne lui répondent plus ; Des amis que je n’ai jamais connus. Le doute s’installe en moi, parce que chaque jour il y a une nouvelle version. Mais la famille m’encourage à voyager en attendant que les lignes bougent. Il me dit de rester. Finalement je l’informe que je retourne à Dabola.

Maroc pour le visa

C’est au lendemain de ma décision finale de repartir enseigner qu’il sort l’idée d’aller au Maroc pour avoir mon visa et il fallait m’y rendre au plus vite. Je lui demande comment aller au Maroc; Il me dit : Tu vas pré-financer. J’ai grignoté ma maigre épargne du salaire dérisoire pour me rendre au Maroc par avion, destination Casablanca ! Je précise que j’ai acheté le billet d’avion à mes frais. Je bouge sous la bénédiction des parents et des proches de l’homme. Tout le monde faisait confiance au projet sauf moi, mais je ne voulais juste pas dire non aux parents, c’est pourquoi je me suis alignée.

Accueillie par un couple de passeurs guinéens

Il me met en contact avec un couple de guinéens installé dans la région de Tanger.  A Casa on m’a confiée à des gens qui m’ont envoyée à Tanger. Le couple en question m’a accueillie dans une maison où il y a un mouvement de personnes. J’ai cru à des personnes qui aident les gens à voyager par la voie légale. C’est le jour de mon départ de là que je me suis rendue compte que c’est un couple de passeurs. Jamais ils ne m’ont dit leurs noms. En ma présence ils se parlaient moins. Juste la femme appelle son mari le consul. Finalement j’ai compris que l’homme s’appelle Moussa Cissé, la Femme Oumou DIALLO. Le couple me dit qu’il me fera voyager sans doute, mais il fallait être patiente et que tout dépend d’un coup de chance. Certains voyagent vite mais d’autres retardent. Chaque soir le monsieur appelle pour me dire tout est sur la bonne voie. Je leur avais déjà remis le passeport, ils l’ont gardé.

Après 10 jours, un soir on me dit madame « Le reste du temps que vous allez faire d’ici la sortie de votre visa, vous allez manger à vos frais ». Elle me dit : l’argent que votre mari a envoyé est fini. C’était juste 100 euros pour votre dépense. Là aussi, le monsieur me dit au téléphone que lui il passe à la banque 2 ou 3 fois dans l’année. Donc de continuer à financer, qu’il note tout, il me rassure de tout rembourser jusqu’au dernier centime.

En réalité mon esprit n’y tenait plus. J’ai parlé aux parents à Conakry et à ses proches qui ont facilité l’union. On me dit courage, la vie est faite de difficultés, il faut accepter. Toi au moins il y a un projet de voyage, il y a des femmes mariées depuis 10 ans elles sont au pays. L’essentiel est que tu te retrouves à ses côtés en Europe. Qu’il ne sert à rien de se marier et rester loin l’un de l’autre me disaient-ils.

Je suis restée là jusqu’au mois de Mars 2012, on ne m’a rien dit. À tout moment, je voyais des gens débarquer dans cette famille, se présenter, mais l’idée de voyager par la mer ne m’était jamais signifiée du tout. Le voyage clandestin je n’en avais jamais connu.

Ce qui m’a empêché de comprendre aussi, de toutes les personnes notamment de jeunes et femmes qui rôdaient autour du domicile du couple, personne ne parle à l’autre de son projet et du pourquoi il est là.  Même si tu poses la question à quelqu’un, il te dit qu’il n’a aucune information de ce que tu dis.

Les uns venaient et repartaient, d’autres dormaient sur le toit du bâtiment, sur la dalle. Mais moi j’habitais dans la maison de deux pièces, je dormais sur un petit matelas mis au salon. Au début je voulais sortir marcher un peu, on m’a déconseillé avec l’argument que la police de l’immigration peut me traquer à tout moment alors que mon passeport est à l’ambassade, donc je n’ai aucune pièce sur moi pour m’identifier. Si c’est le cas, je risque d’être jetée dans le désert.

Le 23 Juin 2012, jour du départ pour l’Espagne…

C’est le jeudi 21 juin 2012, que la femme m’informe que le voyage aura lieu, de me préparer conséquemment pour le départ en direction de Rabat où je dois embarquer le samedi 23 Juin dans la soirée pour Madrid où mon mari m’attend. Elle me dit que le visa est obtenu avec le billet d’avion tous frais payés. Cette nuit le mari de la femme n’était pas là. Donc, le vendredi 22 juin (veille du voyage) je dois partir en début de soirée par Bus à Rabat.

Je cherche à parler au monsieur toute la nuit du jeudi au vendredi ; la journée aussi impossible de l’avoir au téléphone. Le matin je suis conduite à une gare de bus par la femme. J’embarque avec d’autres personnes. La femme me fait savoir que son mari est déjà parti pour régler tous les détails. Je le retrouverais à Rabat. Nous quittons Tanger par la suite.

Je me retrouve à Asilah, une ville située à moins de 50km de Tanger

Asilah est une ville de la région de Tanger, c’est à 22heures que nous y sommes arrivés. Nous sommes logés dans un bâtiment à quelques mètres d’une plage. Presque une partie de cette ville est ouverte sur les plages. Je demande pourquoi nous ne sommes pas partis à Rabat, quelqu’un qui fait partie de l’équipe d’hébergement me dit que la destination c’est ici. Ceux qui veulent continuer à Rabat doivent parler avec le chef d’équipe.

Je cherche à parler avec le chef d’équipe. On m’envoie chez le guinéen qui m’a gardé 5 mois et quelques jours à Tanger. Je dis Monsieur Cissé consul, je vous croyais à Rabat déjà, votre femme m’a fait savoir que vous y êtes parti pour tout régler avant mon arrivée. Et nous nous retrouvons à quelques pas de Tanger, parce que c’est moins d’une heure de route entre les deux villes.

Il dit madame :  Ici, c’est plus sûr que Rabat. Je vais être clair avec toi ; nous n’avons pas pu régler l’affaire à Rabat pour le Visa. Mais j’ai trouvé un moyen sûr pour toi d’être en Espagne. Asilah et le Sud de l’Espagne c’est une question de minutes même pas d’heure. Aujourd’hui nos hommes sont de garde de part et d’autre, aucun échec. Tout est sûr. Ton mari a déjà payé la traversée pour toi, dès que tu traverses, écris le numéro de ton mari sur un papier parce que ce n’est pas évident que vos appareils marchent là-bas.  Une fois que tu seras récupérée par la croix rouge dans les 3 jours qui suivront, tu auras la possibilité de joindre ton mari, il viendra te chercher. Certains centres d’immigration vous couvrent juste 3 jours seulement, après vous êtes libres de partir là où vous voulez.

Donc je te mettrai dans un bateau humanitaire, pas une pirogue, c’est zéro risque! Vous ne serez que 16 dedans. En moins d’une heure vous êtes de l’autre côté. Ton mari viendra te récupérer. Tu es déjà en Europe, c’est le but recherché. Mais tu as le choix de partir ou de rester.

La seule chose que je peux te dire, une pirogue va vous prendre sur les côtes samedi 23 juin la nuit. Vous allez retrouver le bateau humanitaire en haute mer qui vous débarque en Espagne.

Samedi matin j’explique à mon père et ma mère ce qu’on vient de me dire. Comme moi, ils étaient hésitants. Je ne croyais plus à ce qu’on me disait. La famille décide de me rappeler pour donner leur avis, nous n’avons plus parler.

Il était 15 heures déjà, l’équipe d’embarcation est venue prévenir tout le monde que c’est maintenant qu’il faut s’engager ou renoncer. Une fois sur les côtes personne ne retournera, l’embarcation sera obligatoire, sur les 16 nous n’étions que 2 femmes, une burkinabé et moi. Après tant de mois d’attente, je décide de traverser.

C’est après ma décision d’embarquer que le monsieur m’appelle via le téléphone de Moussa Cissé, le passeur. Il me dit « courage, ce n’est pas loin. L’Espagne est à portée de main, on se verra au plus vite ». Je marque mon accord encore puis on se dit aurevoir.

Direction les côtes d’embarcation

Nous avons embarqué dans de petits véhicules, environ 40 minutes après, nous sommes arrivés sur une piste sablonneuse à côté d’une petite forêt ; nous nous sommes garés quelque part. Nous qui étions dans le convoi du couple Cissé, nous étions toujours au nombre de 16. Là où nous sommes garés, il y avait d’autres personnes au moins une centaine mais qui avaient leurs équipes à part.

Moussa Cissé et les autres chefs d’équipe se sont retirés à côté avec d’autres hommes vêtus d’uniformes mais impossible pour moi de savoir si ce sont des policiers ou des militaires. En tout cas j’ai eu l’impression que ce sont eux qui gardent les côtes. Moussa et les autres passeurs ont mobilisé de l’argent qu’ils ont tendu aux hommes.

Après, deux pirogues sont sorties des arbres non loin des côtes. On les a poussées à l’eau. Il était minuit déjà. Nous de l’équipe de Moussa, nous sommes montés dans la moins grande. Trois autres hommes nous ont rejoints, un conducteur, un détenteur de GPS, muni aussi d’un Talkie-walkie et le troisième ressemblait à un technicien de moteur. Le plus grand nombre est monté dans la deuxième pirogue.

Avant de monter, Moussa a donné des codes au détenteur du GPS et du Talkie-walkie. Là, je l’ai entendu dire en bon français, ceux qui vous récupèrent ne sont pas loin ; après quelques minutes de traversée, essaye de parler au Talkie-walkie, certainement quelqu’un répondra.

Les moteurs ont été mis en marche, il fallait au moins 20 minutes entre le départ des deux pirogues, nous sommes partis en premier. Quelques minutes après j’ai cessé de voir les côtes directement mais j’apercevais les lumières de la ville d’Asilah avec les autres. Près de 30 minutes en mer, j’ai demandé au détenteur du Talkie-walkie d’appeler pour qu’ils viennent nous prendre dans le bateau. Il me dit : donc tu suivais les instructions ?

Tout s’est bien passé. Après une heure de traversée, nous avons apperçu une lumière très forte en notre direction, mais de très loin. Je demande au monsieur de parler au Talkie-walkie, il parle, aucune réponse.

A environ 500 mètres de nous, une voix venue d’ailleurs résonne dans le talkie-walkie de notre capitaine. Ils ont parlé en espagnol et en arabe, le capitaine répond en Arabe, il est mauritanien.  Nous nous approchons d’eux, le capitaine nous dit prions pour tomber sur de bonnes personnes sinon on risque d’être retourné d’où nous venons ».

A suivre !

 

Témoignages recueillis par

Alpha Ousmane Bah

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 16 août 2024 16:05

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