Maître Vincent Brengarth : « Le colonel Doumbouya doit rendre des comptes devant les juridictions françaises… »

Maitre Vincent Brengarth

CONAKRY-Le 08 septembre dernier, maitre William Bourdon et maitre Vincent Brengarth ont saisi la justice française d’une plainte contre le colonel Mamadi Doumbouya. Ces avocats accusent le président de la transition guinéenne de complicité de tortures et d’homicides volontaires. Des crimes qui auraient été commis lors des manifestations des 28-29 juillet et 17 août à Conakry.

 Sur quelle base ces avocats se sont-ils appuyés pour déclencher une telle procédure ? Quelles sont les chances de son aboutissement ? A quel niveau se situe le traitement des signalements qu’ils avaient déposé auprès de la Cour Pénale Internationale ? Maitre Vincent Brengarth a répondu aux questions d’Africaguinee.com.

AFRICAGUINEE.COM : Vous avez engagé une procédure judiciaire contre le chef de la junte guinéenne auprès d'un tribunal de Paris. Sur quoi vous vous êtes basés pour déclencher une telle action ?

MAITRE VINCENT BRENGARTH : Nous avions déjà, par le passé, été saisis par le FNDC, également par des familles (de victimes, ndlr) pour dénoncer des exactions qui avaient été commises sous le régime d'Alpha Condé.  Et, on a vu une répétition de ces mêmes exactions dans le cadre des répressions mises en œuvre par la junte militaire après les manifestations des 28 et 29 juillet et du 17 août 2022. Donc, nous avons collecté un ensemble d'éléments, à la fois des témoignages de familles, des articles de presse et l'ensemble des rapports d’Organisations non gouvernementales qui attestent des exactions qui ont été commises. C’est sur cette base là que nous avons décidé de déposer plainte en France du chef de complicité d'homicides volontaires et du chef de complicité de tortures

Quelles sont les chances d'aboutissement d'une telle plainte ? 

Aujourd'hui, personne ne conteste véritablement la brutalité avec laquelle la société civile a été traitée à l'occasion des manifestations qui ont pu survenir sur le territoire. Donc, déjà, il y a un constat factuel qui ne souffre pas de véritable contestation. Ensuite, s'agissant la participation ou non du Colonel Doumbouya, nous avons des éléments qui le suggèrent. Il a la qualité d'ancien légionnaire français, aussi parce que ses proches et sa famille ont la nationalité française et par conséquent, il doit rendre des comptes devant des juridictions françaises puisqu'il y a un principe constant en vertu duquel des juridictions françaises peuvent être compétentes à partir du moment où l'auteur présumé de l'infraction est lui-même de nationalité française.

Et à cela, il faut ajouter que quand bien même par exemple on viendrait contredire ou contester cette nationalité, il y a toujours une possibilité pour les juridictions françaises de se saisir en vertu du principe de compétence universelle qui permet aux juridictions de statuer sur les cas de crimes les plus graves dont des cas de tortures. Sur l'interrogation par rapport aux chances de succès d'une telle procédure, je pense qu'on a des éléments qui sont extrêmement tangibles qui convergent pour démontrer qu'il y a eu une conduite anormale de la part de la junte dirigée par le Colonel Doumbouya. Il y a une conduite anormale qui est attestée par des documents que nous avons produits. Il y a un faisceau d’indices aujourd’hui qui nous apparaît largement suffisant pour justifier l'ouverture d'une enquête préliminaire et que des investigations soient ordonnées par le procureur de la République.

On imagine qu'il peut y avoir des obstacles politiques compte tenu de la nature des liens que peut entretenir la France avec la Guinée. Mais il nous semble justement que le droit pénal est là pour transcender ce qui relève du politique pour examiner les faits tels qu'ils se présentent. Aujourd'hui, ils pèsent sur les juridictions françaises la capacité aussi de mettre en arrêt à la répression actuellement à l'œuvre en pouvant investiguer sur ce qui se passe. 

Est-ce que vous savez si le Colonel Doumbouya a été saisi de cette plainte ? 

Je n'en ai pas la moindre idée pour l'instant parce qu'il y a un processus qui veut que dans un premier temps, la plainte soit examinée par le procureur de la République. Celui-ci va décider s'il y a lieu d'ouvrir une enquête préliminaire ou non. C’est à lui donc de décider s'il souhaite que des investigations soient menées et parmi ces investigations il pourrait y avoir l'audition du Colonel Doumbouya.

Pour l'instant, procéduralement il n'y a pas eu communication de la plainte et il n’y aura communication que si une enquête préliminaire est ouverte et que si les magistrats souhaitent l'entendre. Maintenant, on peut penser que compte tenu d’un certain nombre d'acteurs qui peuvent intervenir dans ce dossier, il a pu avoir une communication de la plainte mais par un moyen détourné.

Précédemment, vous aviez eu à engager des actions similaires par rapport à des exactions commises dans le sillage de la réforme constitutionnelle en 2020.  Vous avez déposé une série de signalements à la CPI. A date, où est-ce qu'on en est ? 

Ce sont des signalements qui sont toujours en cours de traitement. Chacun connaît le niveau de travail auquel est confronté la Cour Pénale Internationale avec des délais d'examen qui peuvent être relativement longs. Ce que je peux vous confirmer, ce que ces signalements sont toujours en examen. C'est aussi cet examen qui a fait que nous avons préféré doubler le signalement qui avait été fait devant la CPI par une demande auprès des juridictions françaises.

J'ai pu lire différentes réactions qui avaient pu avoir sur le choix des juridictions françaises et la contestation du choix des juridictions françaises. Je tiens à préciser que si nous avions pensé que les juridictions guinéennes présentaient un degré d'indépendance suffisant, naturellement on serait tourné vers ces juridictions. Mais il est impensable d'imaginer que la justice guinéenne enquête sur des exactions qui ont pu être commises par la junte militaire.

Nous avions opéré anciennement un signalement concernant les exactions commises entre 2019 et 2020 pour que soient diligentées des enquêtes contre Alpha Condé et d'anciens responsables de son régime. Il y avait cette confiance mais force est de constater que cette confiance s’est délitée en mesure de la conservation du pouvoir (par la junte). Il y a un faisceau d’indices qui ont montré que la justice est inféodée. Donc, lorsque vous avez une justice en interne qui est inféodée, il faut que vous tourniez vers des juridictions qui peuvent être des juridictions compétentes à l'occurrence la CPI et les juridictions françaises. 

A suivre…

Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Créé le 19 septembre 2022 09:41

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