Les révélations de Bah Ousmane : « Avant de casser Kaporo, Kassory m’avait dit… »

Bah Ousmane, leader de l'UPR

CONAKRY-Dans la première partie de l’interview qu’il nous a accordée depuis Pita, Bah Ousmane président du parti Union pour le Progrès et le Renouveau (UPR), avait évoqué entre autres la chute d’Alpha Condé, les premières actions entreprises par le CNRD, notamment la récupération des domaines de l’Etat. Dans cette seconde partie l’ex ministre d’Etat aborde les premières casses de Kaporo rail et le dédommagement avorté. Il lève un coin du voile sur cette page sombre de l’histoire politique de la Guinée. Qui sont les acteurs ? Qu’est-ce qui a été l’élément déclencheur ? Pourquoi Conté avait renoncé d’indemniser les victimes ? Bah Ousmane fait des révélations croustillantes. Faut-il espérer un jour un rapprochement entre lui, Cellou Dalein Diallo et Bah Oury ? Le leader de l’UPR a donné sa position. Il aborde également l’histoire de libéralisation des ondes vers les années 2004 en Guinée.

 

AFRICAGUINEE.COM : Le CNRD est engagé dans une dynamique de récupération des domaines de l’Etat. Parmi les expulsés de leurs résidences, il y a Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo qui ont fini par céder quasiment malgré eux. Mais ils tiennent à être rétablis à travers la justice. Avez-vous eu des échanges eux ?

BAH OUSMANE : Écoutez, je ne suis pas de nature à chanter ou à danser sur les malheurs ou les difficultés que les uns et les autres rencontrent. Pour le moment, les dépositaires des pouvoirs publics actuels ont décidé que certains biens de l’Etat soient récupérés et réutilisés à d’autres fins. C’est vrai, je n’ai appelé personne d’entre eux.

En fait, nous nous souvenons de Kaporo Rails. Quand les casses ont eu lieu, ce sont nos militants qui avaient été touchés, c’est les cadres de notre parti qui avaient été conduits en prison : les Bah Mamadou ; Ousmane Diallo, Mamadou Barry et autres. Personne n’était venu compatir ou partager notre chagrin. Pourtant il y a eu des gens qui ont éprouvé de la joie suite au désastre subi par des proches de l’opposition. J’ai déjà été interrogé par rapport à cette question, je voudrais vous rafraîchir la mémoire.

En février mars 1998, les populations de Kaporo rails dans Conakry par coïncidence étaient plus des ressortissants de la Moyenne-Guinée. Ensuite parmi eux, la majorité était des militants de l’opposition UNR-PRP devenu UPR. C’était un fief imprenable de l’opposition. A cette période, le pouvoir qui était fort en ce moment a décidé un bon matin de les déguerpir. Le pouvoir a brandi des arguments selon lequel qu’il s’agissait d’une occupation était illégale. Donc, les occupants ne devraient pas être-là, alors que les familles ont construit sur des parcelles qui leur ont été vendus.

Je précise que ce sont des parcelles bien viabilisés par les services du même pouvoir. Elles sont édifiées comme un site à usage d’habitation, l’eau et l’électricité sont rendus disponibles sur le site. C’est une partie de Conakry où l’Etat percevait des impôts d’habitation comme partout en Guinée. Un bon matin volte-face, c’est une zone réservée, c’est inadmissible d’occuper les lieux, on se lève on casse tout, les familles ont été chassées. En ce moment-là, la question c’était pourquoi l’Etat a agi ainsi ? Est-ce pour nécessité de service ou des stratégies politiques ? Quoi qu’il en soit, l’histoire retiendra curieusement, des populations qui étaient opposées au régime d’alors ont été déguerpies manu militari et leurs biens détruits. Ça fait beaucoup de tort aux populations. Et la mémoire historique retiendra qu’à un certain moment donné, ces populations là aussi ont été victimes. Je suis très à l’aise de parler de ce dossier parce que j’étais témoin, acteur parmi ceux qui voulaient que la casse cesse et qu’il y ait dédommagement vis-à-vis des familles touchées.

Pour vous faire une révélation, lorsque ces évènements ont eu lieu en 1998, Février-Mars précisément, j’étais secrétaire général de l’UNR, député à l’Assemblée Nationale, président de la commission des délégations. Quand les évènements ont commencé, je me suis approché de certains membres du Gouvernement d’alors pour demander une solution à ces problèmes. De discussions en discussions j’ai rencontré Kassory Fofana, ministre des finances (d’alors), le vieux Cellou ministre conseiller. Après j’ai rencontré le président Conté pour discuter avec lui et négocier le principe de recaser toutes ces populations, ensuite trouver même un fonds pour les dédommager. Ça pris du temps, mais le président Conté avait accepté à la fin, le principe. Kassory Fofana et le vieux Cellou devraient se mettre ensemble pour dégager les voies et moyens pour la mise en œuvre de cette décision. Malheureusement, cette démarche avançait bien quand des esprits surchauffés avec certainement des immixtions dans le Gouvernement, des personnes qui ne voulaient pas entendre parler de ce dénouement, ont créé et favorisé l’incident qui a coûté la vie à un gendarme.

Quand le président Conté a appris la mort du gendarme, il est automatiquement revenu sur sa décision.  La suite on la connait. Kassory m’a appelé au téléphone pour me dire : au moment où le président veut réhabiliter les familles, un gendarme est mort assassiné sur les lieux, donc il change d’avis comme les gens ont opté pour la violence.  Il ne fera plus rien en leur faveur. Avant même cet incident, des gens sont allés dire aux deux négociateurs côté gouvernement que les citoyens avaient reçu de l’argent pour quitter les lieux avant la casse, ce qui n’était réel. Je leur ai dit que je ne suis pas informé, maintenant l’essentiel était d’aider les familles parce qu’ils ont tout perdu. Ils étaient d’accord pour le dédommagement. Malheureusement, l’incident a changé les choses en marche. Donc, à un moment où à un autre, un gouvernement peut être amené à prendre des décisions fondées ou pas mais qui laissent de traces.

Elhadj Bah Ousmane, vous ne voulez pas mettre certaines choses à la place publique, mais cette fois on va vous forcer la main. Pendant le régime d’Alpha il y a eu des exilés politiques liés notamment à l’attaque de son domicile de Kipé le 19 juillet. Vous avez aidé au retour de certains. Quelles étaient les garanties données au président et l’attitude que les exilés devraient observer une fois de retour au pays ?

C’est vrai certains sont rentrés tranquillement en Guinée en toute liberté pour retrouver leurs familles, des amis. Je ne citerai aucun nom comme vous l’attendez. Permettez-moi de garder ce petit secret. Ceux qui ont bénéficié fort heureusement de ces grâces ou ces décisions du président sont en Guinée. Depuis leur retour, ils apportent leur contribution à l’essor de la Guinée. C’est l’essentiel à mon avis. Mais dire qu’est-ce qui s’est passé pour qu’ils viennent ou qu’ils rentrent au pays, on va garder ça pour l’histoire (rires). Ce qui est évident je remercie le président Alpha Condé d’avoir eu une oreille attentive à mon égard pour accepter beaucoup de choses bien que parfois c’est son tempérament qui passe. Comme je vous dis, côtoyer un président, vous entendrez tout et vous verrez tout. Mais vous ne pouvez pas tout révéler.

Est-ce que vous parlez avec lui depuis sa sortie du pays ?

Je ne commente pas cette question

Certains souhaitent un rapprochement entre Cellou Dalein, Bah Ousmane et Bah Oury. Êtes-vous partants pour une telle idée ?

Personne ne m’a consulté dans une telle démarche. Vous savez que nous vivons un monde connecté, chacun peut faire tout sur les réseaux sociaux. Des gens m’ont ramené cette photo où j’étais avec Elhadj Cellou Dalein. Ce n’est pas nouveau ; elle a été prise en 2017 lors du décès de ma mère. Il était venu partager notre douleur en famille. Je rappelle que j’avais fait la même chose au décès de sa mère ; je me suis rendu à Dalein. C’est le social ça va. Mais si des gens nous rapprochent à travers les réseaux sociaux avec Elhadj Cellou, Bah Oury, ce n’est que le point de vue de ceux qui le font. Mais je vais dire une chose : si le rapprochement comporte du bien pour nous, je reprends encore s’il y a un bonheur pour nous dans un rapprochement et pour tout le pays ; je prie le bon Dieu qu’il le fasse pour nous. Je le dis souvent, je cherche le pouvoir depuis longtemps, je le veux pour moi c’est clair, mais si le pouvoir est prédestiné à quelqu’un d’autre, je prie qu’il soit dans les mains d’une personne qui pourra changer les choses pour nous. Je ne suis pas de nature à dire il faut absolument moi seulement.

Vous avez joué un rôle dans la libéralisation des ondes en Guinée. Comment percevez-vous les mutations enregistrées ces derniers temps dans la presse guinéenne ?

Je dois vous féliciter pour le travail que vous faites. Vous êtes partout où c’est l’essentiel ou si ça mérite d’être vu ou entendu. La démocratie et les partis politiques n’ont pas commencé hier. Tout à l’heure je vous ai parlé des années 1990 où j’étais à l’opposition. Je me souviens en juillet 2004, j’étais encore parlementaire. J’ai été envoyé en mission en Belgique auprès de la communauté européenne, c’était pour négocier le rétablissement des relations économiques entre la Guinée et l’union européenne. A l’époque, un fonds était bloqué à l’endroit de la Guinée, notre pays ne bénéficiait pas du fonds du développement économique. J’étais le seul opposant parmi les députés du PUP et des ministres.

J’étais parmi la délégation constituée à cet effet. Alors, lorsque nous sommes allés à cette rencontre, ils ont demandé quelle serait ma position. Etant un opposant à cette tribune, je pouvais dire tout. Certains avaient spéculé que j’allais faire l’opposant ou autre. Au finish j’ai été républicain. Je me souviens de ce que j’ai dit aux ambassadeurs qui étaient avec nous. J’avais dit les cadres guinéens que nous sommes dans cette délégation, nous avons l’opportunité d’avoir les trois repas par jour dans nos familles respectives mais figurez-vous que nos populations ont à peine un repas par jour, des populations qui ont cessé de se soigner, de bénéficier de l’eau potable et à certains endroits où les enfants ne peuvent pas aller à l’école. Si vous refusez de reprendre la coopération avec nous, vous risquez de faire encore beaucoup plus de victimes. Ça piqué les regards, c’est à cette occasion qu’il nous a été demandé de libéraliser l’audiovisuel en Guinée.

Je me souviens avec feu l’ambassadeur Kazaliou Baldé, Hadja Aissatou Béla Diallo, ministre de l’information, nous avons passé toute une nuit à rédiger ensemble, l’engagement que nous devions présenter le lendemain pour soutenir la libéralisation des ondes en Guinée. C’est historique, c’est nous qui avons posé ce jalon. Cet engagement était passé par nous. Et dès notre retour en Guinée, les premières décisions, RFI, BBC   Africa numéro 1, la radio gabonaise ont été libéralisées en bande FM dans la capitale Conakry, pour montrer une preuve de bonne volonté.  Sinon ces chaines étaient seulement accessibles à MW ou SW. Tout est parti comme ça. Aujourd’hui, qu’est ce qui se passe ? Nous sommes débordés de médias. Et je suis personnellement fier du travail que vous faites avec toute la multitude des médias en Guinée. Bien qu’il y ait des gens qui disent que les médias ont pris cette position ou telle autre, mais c’est ce qui fait la beauté de la vie avec la démocratie que nous avons. La presse n’est pas en reste. Félicitations à toute la presse guinéenne.

Fin !

Interview réalisée depuis Pita par

Alpha Ousmane Bah (AOB)

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 23 mars 2022 17:11

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