Dans le quotidien des ‘oubliés’ du dépotoir de Conakry : « quand il pleut, c’est l’enfer… »

CONAKRY- L’emplacement de la décharge de Dar-es-Salam est devenu de nos jours un véritable problème de santé publique. En plus de sa saturation, elle contribue à polluer l’environnement. La fumée qu’elle dégage jour et nuit expose ses riverains à des maladies pulmonaires.

Mais en saison des pluies, la situation devient encore pire pour les riverains de ce dépotoir ouvert depuis les années « 80 ». Les nombreuses initiatives entreprises jusque-là pour sa délocalisation sont restées inopérantes. Conséquences, chaque jour, des dizaines de camions continuent d‘y déverser des ordures..

Par contrainte, les riverains vivent exposés aux effets nocifs des déchets, notamment les odeurs nauséabondes et les nuages de fumée qui se dégagent sans cesse. Africaguinee.com y a fait un tour.

Ousmane Kaba riverain, vit dans ce coin depuis cinq ans. Son témoignage est pathétique.    « Je vis ici depuis cinq ans. Chaque saison des pluies est une épreuve. L’odeur qui se dégage des ordures est insoutenable. Ce sont de véritables montagnes de déchets qui s’accumulent ici. La moindre pluie fait couler une eau sale drainant de détritus dans nos concessions.  C’est une vraie souffrance au quotidien. Pratiquement nous ne pouvons rien faire dehors à cause de l’odeur.  On a du mal à respirer. La fumée qui s’échappe des déchets brûlés aggrave la situation pour nous. Vraiment les conditions de vie ici sont très difficiles ».

Alerte maximale

Ce riverain confie que faute de moyens pour partir ailleurs, ils n’ont pas le choix que de rester. « Nous ne pouvons partir ailleurs faute de moyens. Rester ici est donc une contrainte pour nous ».  

Quand il pleut pendant la nuit les riverains du dépotoir d’ordures ne dorment pas, poursuit notre interlocuteur.  « Nous sommes en alerte maximale. Le moindre bruit nous nous retrouvons dehors pour rassurer que ce n’est pas un éboulement de la montagne d’ordures ou autre chose qui est en train de s’écrouler.  Nous devrions nous sentir en sécurité   dans nos maisons, hélas nous craignons constamment un éventuel drame. Honnêtement, ce n’est pas facile pour nous. Malgré tout, c’est ici que nous vivons et éduquons nos enfants.… On n’a pas le choix ».

Ousmane Kaba lance un appel pressant au président Mamadi Doumbouya, sollicitant son aide et son soutien pour fermer le dépotoir et ouvrir un nouveau site ailleurs. « Il faut délocaliser cette décharge car notre santé et notre sécurité sont menacées au quotidien. »

Sous anonymat, un ferrailleur basé dans le même périmètre raconte ses difficultés. « Moi je suis ferrailleur. Je travaille ici, au pied de la montagne d’ordures. Chaque jour, des jeunes me proposent d’acheter des morceaux de fer ; des fils électriques, et plusieurs autres objets recyclables qu’ils ramassent au quotidien dans la décharge. Je fais le tri puis pèse ce qui m’intéresse et paie. Beaucoup d’entre eux vivent de cela. Honnêtement, la vie ici est très difficile, mais j’avoue que cet endroit est un mal nécessaire. Si jamais on délocalise cette décharge tous ces jeunes, qui y extraient des déchets solides, vont se retrouver sans repères ni source de revenus.

Je vous assure, qu’une grande partie finirait dans la rue, livrée à la délinquance et cela représenterait un danger pour la ville de Conakry. Certains de ces jeunes vivent carrément dans cette montagne d’ordures. Ils peuvent y passer deux, quatre mois, voire une année entière sans redescendre dans le quartier. Là-bas, c’est leur monde : ils y dorment, y mangent, y vivent, mais les conditions sont inhumaines. L’année dernière, dès les premières pluies, un jeune homme qui ne s’était pas lavé depuis deux ans a été touché par la pluie. Son corps, affaibli et en mauvais état, n’a pas résisté. Il est mort peu après. 

Pendant la saison des pluies, c’est encore plus compliqué. La pluie freine leur activité. Les jeunes viennent moins, et même pour moi, c’est difficile de continuer le commerce dans ces conditions. L’odeur que dégage la décharge devient insupportable avec l’humidité. Franchement, on lance un appel au gouvernement. Nous avons besoin d’aide. Ce n’est pas une vie facile, ni pour ceux qui y travaillent, ni pour ceux qui habitent autour. 

Mais ce qu’il y a de plus révoltant dans tout cela, c’est qu’au lieu d’aider les riverains à dégager cette décharge, les autorités envoient les camions pour déposer des ordures jour et nuit, sans interruption. Chaque jour, 24 heures sur 24, des dizaines de camions défilent ici pour déverser encore plus de déchets, comme si cette zone était destinée à rester éternellement une décharge à ciel ouvert en pleine capitale ».

Fatoumata Sylla vit dans la décharge. Elle explique sa souffrance pendant cette saison de pluie.

« Je vis dans cette montagne d’ordures depuis deux ans. Je n’ai pas les moyens de vivre ailleurs, et mon mari est gravement malade. C’est ici que je dors avec mes enfants et mon mari, car nous n’avons nulle part où aller. Chaque jour, du matin au soir, mes enfants et moi sortons pour ramasser du fer, des fils électriques ou des boîtes de jus. Nous vivons de cela. Tout ce que nous ramassons ici, tout ce que nous gagnons, sert uniquement à acheter de quoi manger. Mon mari, alité, est immobilisé à vie.

Je n’ai même pas les moyens de l’amener à l’hôpital. Alors, quand la pluie tombe, nous sommes obligés de dormir sous la pluie, au milieu de cette odeur nauséabonde et de tous les déchets qui pourrissent autour de nous. Les moustiques sont partout, et nous dormons parfois avec des chiens. Mais quand il pleut, même les chiens fuient pour s’abriter dans un endroit sûr. L’odeur que dégage cette montagne d’ordures est insupportable. Mais, que pouvons-nous faire ? Rien.  

Nous n’avons donc pas le choix. Pendant la saison sèche, nous nous en sortons ; même avec les fumées qui s’échappent des déchets brûlés. Mais pendant la saison pluvieuse, c’est de l’enfer. L’odeur devient insoutenable, les ordures se déversent comme si la montagne se détachait. Nous savons que c’est très dangereux, mais nous n’avons pas d’alternative. Nous demandons l’aide de Dieu, qu’Il nous soutienne et nous vienne en aide. »

En attendant une solution durable, des familles entières continuent de vivoter au pied de la plus grande décharge de Conakry, entre espoir, misère et résignation.

Haoussa Bah (stagiaire)

Pour Africaguinee.com

Créé le 21 mai 2025 09:15

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