Les confidences du Dr Zoutomou : « la mission onusienne nous a dit…’’
CONAKRY- La mission d’évaluation dépêchée à Conakry par les Nations Unies a rencontré ce vendredi 8 novembre 2024 plusieurs coalitions de partis politiques dont l’ANAD, le FNDC Politique, le RPG arc-en-ciel et autres. Que se sont-ils dit ? Quelles les préoccupations exposées par les délégués des forces vives ? Qu’est-ce la mission a promis à ce bloc opposé à la façon dont la transition est conduite ? Africaguinee.com a interrogé le Dr Edouard Zoutomou Kpoghomou, vice-président de l’ANAD qui a pris part à cette entrevue. (Interview)
AFRICAGUINEE.COM : Vous avez rencontré la mission d’évaluation des Nations Unies à Conakry. De quoi avez-vous parlé ?
Dr Edouard Zoutomou Kpoghomou : C’est suite à l’invitation du gouvernement que cette mission des Nations Unies est venue justement pour évaluer le processus électoral en cours en Guinée. Ils sont venus s’enquérir des avancées en termes d’accomplissement dans la conduite de la transition. Ensuite évaluer les aides ou l’aide que les Nations Unies peuvent apporter à ce processus. Alors, autour de la table, il y avait l’ANAD, le FNDC politique et le RPG arc-en-ciel pour ne citer que ces coalitions.
Nous avons posé le problème de façon générale. C’est à dire les problèmes auxquels on est en train d’être confrontés sur le terrain dans la conduite du processus du retour à l’ordre constitutionnel.
Les problèmes ont été clairement posés et nous pensons que la délégation a pris bonne note. Elle nous reviendra puisqu’elle aura l’occasion d’aller, consulter les autres et puis contacter les autres entités. Ce n’est pas seulement une partie qui est concernée par le processus électoral.
Qu’avez-vous dit concrètement à la mission onusienne ?
Nous avons pointé du doigt les difficultés auxquelles les formations politiques sont effectivement confrontées. Parce qu’il ne faut pas quand même se voiler la face. Nous avons dit à la délégation qu’il faut qu’il y ait un certain climat de paix et de confiance, surtout qu’on puisse intervenir.
Nous savons tous qu’on ne peut pas résoudre le problème en Guinée sans qu’il y ait un cadre de dialogue, mais alors un dialogue réel. Il faut que ce soit un dialogue franc. Il ne faut pas que ce soit un dialogue seulement pour des gens qui s’accommodent entre eux.
Nous savons que le CNRD est au pouvoir, mais pour qu’on puisse effectivement respecter les termes de l’accord dynamique qu’il a conclu avec la CEDEAO, qui fixe au 31 décembre 2024, la fin de la transition. Il faut quand même régler un certain nombre de problèmes, parmi lesquels, le problème du fichier électoral, le problème de la constitution dont on parle, parce qu’il y a une charte qui régit le fonctionnement de la transition. Pas forcément la constitution, parce qu’elle n’a même pas commencé. Il y a un avant-projet, mais il y a des questions sur des intangibilités qui auraient dû être reconduites dans l’avant-projet, mais qui n’y figurent pas. Quand même, c’est comme si on voulait laisser à la junte la responsabilité entière d’organiser les élections en sa faveur, comme elle l’entend. C’est ce que nous avons exposé clairement, et nous pensons que les notes ont été prises.
Que vous a ton répondu en retour ?
Les Nations Unies ont simplement mentionné qu’elles ont pris bonne note. Parce que ce que nous n’avons pas fait, que des déclarations orales, nous avons fait un mémorandum. Dans le mémorandum, nous avons consigné pratiquement tous les aspects de la crise qui existe, et effectivement nous avons donné aussi des pistes de solutions parce que l’important, ce n’est pas seulement de critiquer, il faut apporter des éléments, proposer des solutions. C’est ce que nous avons fait.
Au lieu de laisser les uns et les autres intervenir de façon disparate, nous avons dit que nous donnons la chance aux uns et aux autres de s’exprimer, mais le tout, au niveau des forces vives en tout cas, on a pu élaborer un mémorandum consensuel, qui reflète la vie de pratiquement toutes les parties, et qui a été effectivement remis. C’est un document de 7 pages, on ne s’attendait pas à ce que sur place, elles puissent donner des solutions, parce qu’il faut d’abord partager au moins le document.
Qu’est-ce que les membres de la mission vous ont dit par à la fin de la transition ?
Je ne peux pas dire qu’ils nous ont rassuré, parce qu’au vu quand même d’un certain pragmatisme, quand vous évaluez, nous sommes en novembre, et nous parlons du 31 décembre, ils ne peuvent pas rassurer, et ils n’ont pas pris justement l’engagement de le faire.
Mais au tour de la table, nous leur avons dit que cette date a été effectivement suggérée, elle a été adoptée, elle a été annoncée par la seule volonté du CNRD, parce que c’est le CNRD et la CEDEAO qui se sont entendus sur cette date. Nous, pour ne pas paraître comme ceux qui sont là en train d’empiéter le processus, ou alors d’empêcher qu’on puisse arriver à ce point de terminus, il fallait quand même qu’on se mette à l’écart pour permettre à cette date d’arrivée sans embûche. Donc nous l’avons fait, mais ils n’ont pas dit clairement qu’ils sont avec nous, et qu’il faut mettre fin à toute cette crise. Parce que la crise n’est pas venue comme ça subitement, elle est venue, elle a été une crise multidimensionnelle. Donc il faut qu’il y ait une approche dans le temps. Et c’est ce qu’ils sont en train de faire.
Avez-vous mentionné le cas des kidnappings et des disparitions dans votre mémorandum ?
Tout à fait. Nous avons tout mentionné. Nous avons mentionné le fait qu’il y a des leaders qui ne sont pas en sécurité. Aujourd’hui, comme vous le savez, tout ceci a commencé par le musellement de la presse. Avec la presse, on a même retiré les licences. Nous avons mentionné tout cela. Aujourd’hui, il y a des leaders qui n’osent pas sortir, qui n’osent même pas rentrer. Des leaders qui sont en exil. Nous avons annoncé tout cela, nous avons dénoncé cet aspect.
On ne peut pas parler de dialogue tant qu’il n’y a pas de confiance mutuelle. Le cas de Fonikè Menguè et de Billo Bah a été mentionné et figure en bonne place. Parce que nous avons parlé des cas de disparition et même pointé du doigt le fait qu’au niveau des autorités, on est en train de dire que ‘’les adultes ont le droit de disparaître’’.
C’est seulement en Guinée qu’on pense que les adultes doivent de disparaître. Et si les gens ne disent rien sur ce cas de disparition, cela veut dire qu’on est en train d’encourager le phénomène et nous l’avons fait.
Qu’est-ce qui vous garantit qu’avec les Nations Unies, il y aura une solution ?
Comme je le disais tantôt, les Nations Unies représentent le recours ultime. Vous savez, la Guinée est membre des Nations Unies. Donc quand il y a une requête qui vient d’un gouvernement où il y a des militaires qui viennent, il faut bien que les Nations Unies écoutent. C’est ce que le chef de la mission a essayé de porter à la connaissance de tout le monde. Ils sont venus parce qu’ils sont à l’écoute de tous les pays membres des Nations Unies qui ont des problèmes, surtout en Afrique et en Afrique de l’Ouest surtout, où il y a cette recrudescence de pouvoirs militaires. Alors, nous leur avons posé des problèmes. Encore une fois, on ne peut pas dire qu’il y a une garantie.
Mais le simple fait d’écouter ce que nous avions à apporter autour de la table, qui sont des éléments que nous pensons qui ont été convaincants, nous pensons qu’ils prendront la mesure de la crise et qu’ils apporteront effectivement la meilleure solution.
Avez-vous évoqué la campagne pour la candidature du Président de la Transition ?
Nous avons pointé du doigt justement le fait qu’on parle de processus électoral, un processus qui n’est pas annoncé. Dans la tête des gens, dans les départements politiques, nous ne sommes pas dans des campagnes électorales, parce que la campagne n’a pas été annoncée. On parle de campagne électorale quand on annonce publiquement la date de la présidentielle ou des communales et tout ça. Mais aujourd’hui, il y a cet effort de pouvoir, disons, créer davantage de confusion en faisant croire à tout le monde que le processus électoral est en cours en Guinée, alors que ce n’est pas le cas.
Nous sommes dans une transition et nous avons aussi dénoncé le fait que nous sommes dans une sorte de préparation des esprits pour accepter la candidature du général, alors que lui-même, il a dit qu’il ne se présentait pas. Selon les articles 46, 55 et 65 de la charte de la transition, une charte qu’ils ont écrite eux-mêmes, sans la participation des partis politiques. Alors, si aujourd’hui on est en train de voir qu’ils sont en train de faire le forcing pour que cette candidature soit acceptée, même si ça ne vient pas directement du président de la transition, nous savons que qui ne dit rien consent. Il n’est pas encore sorti pour dire non, ce n’est pas de lui, c’est lui en fait qui doit mettre fin à ce genre de publicité.
Entretien réalisé par Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : 00224 666 134 023
Créé le 9 novembre 2024 15:15Nous vous proposons aussi
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