Les confidences de Ousmane Kaba : « Pourquoi la CEDEAO peine à lancer l’ECO… »

CONAKRY- En juin 2021, les quinze Etats de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) avaient annoncé le lancement de leur monnaie unique ECO en 2027. Ce projet de longue date vise à accélérer l’intégration monétaire au sein du bloc régional. Mais avec les nombreux obstacles qui se dressent, il n’est pas évident que le rendez-vous de 2027 soit encore respecté. A moins de quatre ans de la rentrée probable en vigueur de cette initiative monétaire, l’économiste et homme politique guinéen Dr Ousmane Kaba relève les péripéties qui bloquent ce projet. Explications.
Au départ, ce sont six pays qui ont porté le projet de la monnaie ECO dans le but d’aboutir une intégration monétaire. Ce sont la Guinée seul pays francophone, le Ghana, le Libéria, la Sierra Leone, la Gambie, et le Nigéria.
Ces pays avaient créé la ZMAO (La Zone monétaire ouest-africaine (ZMAO), ils ont créé une banque centrale l’IMAO, (Institut Monétaire de l’Afrique de l’Ouest) dont le siège est au Ghana. L’idée c’était que la Guinée et les autres pays anglophones créent une monnaie commune. Ceci allait constituer une deuxième zone économique monétaire parce que la zone CFA existe déjà. Selon Dr Kaba, dans un deuxième temps, les deux zones vont se mettre ensemble. C’est ainsi qu’en 2015, ils étaient convenus de rendre la zone Eco viable et qu’en 2020, ils vont fusionner. Mais qu’est-ce qui s’est passé ?
« En 2009, il était prévu la mise en œuvre de l’Eco, mais ça n’a pas marché. En 2015, le projet a été encore repoussé. En 2020 encore c’était pareil parce qu’il y a des critères de convergence de monnaie qui sont une condition pour que les monnaies soient ensemble. Premièrement, on demande à ces pays de réduire le déficit budgétaire à moins de 3%. Parce que lorsque vous créez une monnaie unique, ça veut dire que vous allez mettre en commun les réserves de devises. Et si vous êtes plusieurs pays et qu’il y a un des pays qui fait un déficit budgétaire très large, il fait beaucoup de dépenses alors qu’il n’a pas de recettes, ça fait un grand trou budgétaire. Et quand c’est comme ça, le pays va financer son déficit en créant beaucoup d’argent. Si ce pays le fait, il va demander les devises que les pays ont en commun. C’est ce que les autres ne vont pas accepter.
Parce que c’est à cause de l’indiscipline (budgétaire) que ce pays a fait un grand déficit, en imprimant beaucoup d’argent. C’est une attitude qui ne peut pas marcher au sein d’une union monétaire. C’est pourquoi on impose un chiffre de déficit à tous les pays membres, ce sont les critères de convergence. Les critères de la ZMAO ont mis moins de 3% de déficit et c’est pareil pour l’Eco », explique Dr Ousmane Kaba.
Le deuxième critère ce n’est pas s’endetter au-delà de 70%. Et le troisième, il faut une inflation inférieure à 10%, pour ne pas que l’endettement augmente. « Alors il y a des pays qui sont indisciplinés, et ces pays indisciplinés sont au niveau de la ZMAO, c’est la Guinée, Sierra Léone, Libéria, Gambie, Ghana et Nigéria. Ces pays sont indisciplinés. Chaque fois qu’on dit on va créer la nouvelle monnaie, lorsqu’on regarde les documents, il se trouve que ces pays n’ont pas satisfait aux critères de convergence. On dit qu’ils ne sont pas prêts, et puis on repousse encore. C’est pourquoi on est passé de 2009 à 2015, puis 2020 et aujourd’hui la nouvelle date de création c’est en 2027 », a révélé Dr Ousmane Kaba.
Mais entretemps révèle le président du PADES, les dirigeants de l’UEMOA par l’entremise du président de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara accompagnés par le président de la France ont voulu accélérer le projet. Cela s’est matérialisé par l’annonce en 2019, des deux dirigeants ivoirien et français, Alassane Drame Ouattara et Emmanuel Macron de la fin du FCFA (le Franc de la Communauté Financière Africaine (F.CFA), au profit de l’Eco. Mais l’erreur a été où ? Selon Dr Ousmane Kaba, c’est que le président Alassane Ouattara a fait cette annonce en dehors des autres leaders de la CDEAO. Il s’est contenté de la réunion de l’UEMOA.
« C’est d’ailleurs raison pour laquelle deux semaines après le Ghana a dit qu’il n’est pas d’accord. Parce que ce qu’il faut souligner, lorsque Macron et Ouattara se sont retrouvés, ils ont dit ceci : l’Eco va avoir un taux fixe avec l’Euro, comme le CFA, ça c’est un problème. Ils ont ajouté que désormais les réserves d’échanges ne seront plus gardées à la Banque de France.
Troisièmement, la banque de France va garantir la convertibilité de l’Eco et quatrièmement, aucun Français ne siégera dans les instances de direction de l’Eco. Ce sont-là les critères de l’UEMOA pour la création de l’Eco et qui ont été entérinées par l’Assemblée nationale française. Mais dès que cela s’est passé, le Nigéria a montré son désaccord en disant qu’il ne s’agit pas de reformer le F. CFA, mais de créer une nouvelle monnaie africaine. Bref cette monnaie Eco proposée par les dirigeants de l’UEMOA a été rejetée par les pays anglophones de la CEDEAO », a expliqué l’ancien ministre de l’Économie, des Finances et du Plan (1996 à 1998).
Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
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Créé le 24 octobre 2023 18:54