Le Nimba ou déesse de la « fécondité » : Tout savoir sur le masque du « peuple baga », devenu emblème du branding Guinée…

CONAKRYLe Nimba ou N’dimba est un masque Baga, peuple de la Basse côte. Symbole d’identité culturelle, utile et plein d’histoire, il est l’un des masques les plus connus en Guinée, aujourd’hui.

Africaguinee.com est allé à la rencontre d’Ignace Bangoura, conservateur, fin connaisseur et fervent défenseur de ce patrimoine culturel baga appelé déesse de la fécondité et de la fertilité. Ignace Bangoura est également promoteur des arts et de la culture Baga. Entretien exclusif !!!

AFRICAGUINEE.COM : Où est né le masque N’dimba ? 

IGNACE BANGOURA : Les origines du N’dimba remontent au 19ème siècle. Ce masque a été scripté dans les années 1800 dans le Bagataï profond.

 Parlez-nous de son évolution…

Le N’Nimba est une propriété culturelle appartenant à l’ensemble de la communauté Baga. Il a été découvert par une femme mariée, avancée en âge mais qui avait vraiment des difficultés à donner naissance. Vous savez, généralement, la ménopause, c’est à partir de 45 ans, selon les scientifiques. Donc, cette femme avancée en âge, sans enfant est allée à la pêche. C’est là que le N’nimba est apparu devant elle. Vite attiré par la beauté de la femme, il s’est approché d’elle et lui a dit : mère, vraiment, vous êtes belle. Que puis-je faire pour vous ? Dans son for intérieur, la dame s’est demandée que lui dire. D’un coup elle lui a dit : je suis dans mon foyer, depuis belle lurette mais je n’arrive pas à concevoir. C’est ainsi que promesse lui a été faite par cette réalité spirituelle, que j’appelle ici métaphysique. « Certes tu as atteint l’âge de la ménopause mais moi, je ferai en sorte que tu aies au moins un enfant dans ton foyer conjugal’’, lui dit le N’dimba. Étant avancée en âge, cette promesse a surpris la femme. Donc, c’est pour cela que le N’dimba est appelé déesse de la fécondité et de la fertilité. Donc, c’est pourquoi la dénomination déesse de la fécondité pour les femmes qui peinent à faire des enfants dans leurs foyers. Déesse de la fertilité, parce que si vous prenez les principales activités économiques que le Baga menait, et qui justifient d’ailleurs sa migration du Foutah vers le littorale, notamment la basse côte, c’était l’agriculture. Si vous faites un classement des principales activités du baga, l’agriculture, vient en première position. Donc, le climat du Foutah ne répondant pas à ses exigences culturelles il a migré vers le littoral pour bien la pratiquer. Quand on dit masque de la fécondité et de la fertilité ; la fécondité c’est pour la procréation chez la femme, et la fertilité c’est pour le sol. Donc, c’est par le canal d’une femme que cette déesse, symbole d’identité culturelle et traditionnelle dans le Bagataï a été découvert.

Décrivez-le pour les lecteurs d’Africaguinee.com.

Voyez-vous ? ça, ce sont des seins tombants. Le N’dimba représente une femme qui allaite. Parce qu’on ne peut reconnaître une femme qu’à travers les seins. Donc, c’est la raison pour laquelle c’est une réalité. C’est-à-dire que le N’dimba a les seins tombants. Voyez-vous ces tresses ? Ce sont les tresses principales de la communauté Baga. Dans le temps, quand on donnait une fille en mariage, elle se faisait tresser ainsi par les vieilles dames. Dans le Bagataï, ces formes de tresse symbolisent la valeur, l’identité de la femme. Une femme qui doit aller dans son foyer, doit, en tout cas, se faire tresser comme ça.

Donc, c’est pour cela que vous voyez les seins tombants. Cela veut dire que la femme doit être féconde, elle doit en tout cas procréer dans son foyer parce qu’une femme n’a de valeur dans son foyer que lorsqu’elle arrive à procréer. C’est ce qui peut, au moins, lui faire un grand honneur, un grand hommage, une grande considération à l’égard de son mari et à l’égard même des membres de la famille de son époux. Donc, le N’dimba représente une femme, c’est-à-dire qui a pour vocation la possibilité d’allaiter. Le noir est la couleur du N’dimba. Tout autre masque de forme, et de couleur différente ne reflète pas l’identité culturelle du N’dimba de la communauté Baga.

 Il y a combien de catégories de N’nimba ?

Il y a deux (2) catégories de N’dimba. Il y a le N’dimba à mariage qui symbolise la fertilité de la femme dans son foyer. Et il y a le N’dimbada Achol, célébré pendant les cérémonies d’initiation. Il symbolise la montée des initiés après avoir passé les trois (3) mois consacrés à la forêt sacrée.

Donc, c’est ce N’dimba que vous voyez, avec un long bec comme ça. Voyez-vous ? Le bec est là. Donc, lui, de la manière dont il est porté, une fois qu’il est célébré, il y a une liaison entre son porteur et celui qui tient la corde. Donc, ça, c’est le Dembada Achol.

Cet autre est spécifiquement, celui du mariage. Mais si vous prenez les principales activités célébrées par ce masque, il y a le mariage, mais aussi le deuil. Vous savez, pour honorer un sage qui mourait au sein de la communauté baga, il y a des styles de percussion, accompagnés par des cantiques et des pas de danse, qu’on appelle N’dimba en deuil.  Une manière de dire que ce défunt sage est parti, mais il est confié par le collège des anciens qui l’ont déjà précédé. Suite à cela, les anciens l’accueillent dans le royaume céleste, dans le royaume éternel des anciens. Le N’dimba est schématisé en deux volets : Il y a le N’Dembada Achol, c’est un masque qui représente le bec, comme je l’ai dit au départ, et le N’dimba, déesse de la fécondité.

 Que faites-vous pour valoriser ce masque qui est aujourd’hui votre fierté ?

Nous constituons une structure de promotion et de conservation du patrimoine culturel et artistique baga. Cette structure est dénommée le FEST ART N’dimba, en abrégé, c’est-à-dire le Festival des Arts et de Danse.

La première édition s’est tenue en 2015. M. Jean-René Duba Kamara, que je remercie de passage est l’initiateur de cette ONG chargée de faire la promotion de l’identité culturelle baga, à travers notamment ce symbole. Comme le disait Amadou Hampathe Bah, « les orteils des jeunes doivent exactement se fixer sur les traces laissées par les anciens ». Donc, la seule manière de pérenniser une culture, la seule manière en tout cas de conserver les acquis culturels et maintenir l’identité culturelle, c’est de mettre en place des structures. C’est ce qui a donné naissance à cette ONG qui se charge de faire la promotion de l’identité culturelle baga à travers le N’dimba. Donc le FEST ART est en quelque sorte un festival tournant qui est célébré dans le Bagataï.

Plusieurs pays européens, exposent le N’dimba. Le savez-vous ? Si oui, êtes-vous en contact avec ces pays ?

Si vous prenez déjà les premiers missionnaires qui étaient venus dans le cadre de l’évangélisation de la religion chrétienne, ce sont eux d’abord qui ont commencé à faire la déportation de ces objets d’art vers l’Occident. Il y a des musées qui ont beaucoup de masques, notamment le musée israélien qui a été récemment créé et qui a fait l’objet d’une publication, l’objet d’une exposition durant plus d’un mois. Quand vous rentrez dans ce musée, il n’y a que les objets d’art Baga, pas seulement le N’dimba, parce que les gens ne voient que celui-ci. Autour de lui, il y a d’autres masques de réjouissance. Mais comme c’est le symbole qui est devenu aujourd’hui national, voire même international, c’est ce qui fait que pas mal de musées de par le monde connaissent la présence effective de ce masque qui est le symbole de l’identité culturelle de la communauté Baga. Vous savez, on a mis en place un comité qui est en train de travailler afin que le N’dimba soit reconnu comme un patrimoine classé parmi les œuvres reconnues par l’UNESCO.

Quel rôle ce masque joue-t-il lors des différentes cérémonies dans le Bagataï ?

Aucun mariage ne se célèbre dans la communauté Baga sans le N’dimba et sans les pas de danse N’dimba. Je vous disais tout à l’heure, il y a même un groupe culturel, venant du Bagataï, qui est là pour une activité de mariage.

Ses membres sont venus juste pour accompagner la mariée dans son foyer conjugal, tout en bénissant afin que la grâce divine l’accompagne dans sa nouvelle vie. Donc ça, c’est le premier aspect. Mais ce n’est pas le volet réjouissance seulement. Il y a aussi le volet funérailles. Et ce volet est célébré quand un sage meurt. Mais ce n’est pas de la même manière qu’une cérémonie de réjouissance.

 Le N’Nimba est aujourd’hui l’un des masques le plus connu en Guinée. Qu’est-ce que cela vous rapporte ?

Nous remercions les autorités politiques actuelles qui n’ont ménagé aucun effort pour consacrer le N’dimba comme patrimoine national. Donc, c’est une fierté pour la communauté Baga. Vous savez, ces réalités ne datent pas d’aujourd’hui. C’est depuis la Première République. C’est feu président Ahmed Sékou Touré qui d’ailleurs a donné à ce symbole sa toute première réputation. Parce que quand la communauté lui avait donné un masque, il disait que nous sommes ensemble avec vous. Voyez-vous ? Mais ce masque lui avait été dérobé dans les années 60. C’est quand il est allé à Tokyo au Japon pour une exposition universelle d’objets d’art, qu’il l’a retrouvé. Dès qu’il l’a vu il a dit, il paraît que l’œuvre que la communauté Baga m’avait donnée, c’est celle que je vois exposée sur le stand. Mais après la grande contemplation des visiteurs venus de divers horizons, certains avaient porté leurs index sur le symbole. Il était photographié, il était filmé. Il y a même qui le caricaturaient. Donc c’est à partir de là que sa réputation a commencé. C’est ainsi qu’on a commencé à connaître la manifestation de ce symbole sur les biais de banques, et son usage par les institutions culturelles, économiques et monétaires. Donc, le fait que les autorités politiques actuelles aient consacré notre symbole, notre masque comme symbole national c’est une fierté pour la communauté. On ne peut que se réjouir de cette action de grâce.

On se rappelle qu’Elhadj Mansour Fadiga, imam d’une des mosquées de Nongo avait fustigé l’utilisation du N’dimba sous prétexte qu’il est anti-religieux et est symbole d’idolâtrie. Que lui répondez-vous ?

Vous savez, l’identité culturelle, c’est le symbole de reconnaissance d’un peuple. Comme le disait le célèbre journaliste Alain Foka qu’« un peuple sans histoire est un peuple sans âme ». Le simple fait de célébrer le N’dimba au sein de la communauté, cela ne veut pas dire que c’est une divinité comme l’a pensé cet imam. Il peut dire que c’est de l’idolâtrie, mais il n’y a pas que la communauté Baga qui dispose des symboles culturels et traditionnels en matière de réjouissance. Il y a beaucoup de communautés, même à l’intérieur du pays, il y a des communautés qui ont des symboles. Donc, vous savez, s’il le dit ainsi, certainement qu’il n’a pas la maîtrise de ce que c’est une identité culturelle, parce que l’identité culturelle a toujours des symboles qu’une communauté illustre pour sa réputation.

Donc, le N’nimba est loin d’être une valeur idolâtrique, parce qu’on ne peut pas l’adorer comme nous adorons Dieu à travers les religions révélées. Ces valeurs culturelles, bien avant même l’intégration de ces religions, le monde vivait culturellement. Quand on nie nos valeurs, c’est comme si on rejette notre existence, notre fait d’être. Alors, cette question de dire qu’il n’y a d’aucuns qui pensent que c’est de l’idolâtrie le simple fait, en tout cas de se réjouir autour de ce symbole, je dirais non. Mais c’est une manière de faire la promotion culturelle des valeurs, comme le font les autres communautés à travers le monde.

 Il y en a aussi qui pensent que vous adorez le N’dimba. Qu’en dites-vous ?

Ce que j’ai à dire à ceux-ci, c’est que, ce n’est pas une divinité comme ils le pensent. Mais plutôt, c’est un symbole de réjouissance pour la communauté Baga. J’ai parlé ici de mariage. Quel est ce peuple qui peut célébrer un mariage comme si c’était un décès ? Forcément il faut manifester la joie.

Et la manifestation de la joie est signe d’identité culturelle. C’est à travers les signes qu’on peut reconnaître que oui, c’est la communauté Baga qui est en train de célébrer. C’est comme si ça se passe encore dans les autres communautés, pas la communauté Baga seulement.

Au Manding, quand il est question de célébrer le dumdumba, est-ce qu’on peut dire que ceux-là qui font le dundumba, ce sont des idolâtres ? Non ! Ce sont des valeurs d’expression culturelle qui reflètent l’image d’une communauté. Parce qu’on peut rencontrer le dundumba, sinon qu’en Haute Guinée. Donc, pour ceux-là qui le pensent ainsi, ce que je leur demande c’est de connaître que la culture, c’est une valeur d’identification de tout Homme au sein de sa société. Parce que quand quelqu’un n’est pas identifié, en aucun cas, il ne pourrait être reconnu et distingué des autres dans la diversité.

Le N’dimba est-il falsifié ?

Il y a de ces sculpteurs qui essayent de donner une autre image au N’Nimba. Le N’dimba est féminin et lorsqu’on lui donne une autre image là ce n’est plus le N’nimba. Pour représenter le N’dimba il faut que les seins soient tombants parce qu’il représente la fécondité et la fertilité chez la femme. C’est une déesse et non un Dieu. Donc en le sculptant, il faut tenir compte de la communication symbolique que ce masque reflète au sein de la culture Baga. C’est ce qui a d’ailleurs prévalu la création d’un musée au Bagataï dénommé musée communautaire des arts du Bagataï pour la toute première fois dans l’histoire. Ce musée représente une collection d’arts de la communauté et qui sera alimenté bientôt.

Une interview réalisée par Yayè Aïcha Barry

Pour Africaguinee.com 

Créé le 19 janvier 2025 12:40

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