Le diplomate Marc Fonbautier interpelle Doumbouya : « Gardez à l’esprit les promesses du 5 septembre… »

Marc Fonbaustier, ambassadeur de France en Guinée

CONAKRY-A l'occasion de la célébration de la fête nationale de la France, le 14 juillet dernier, l’ambassadeur Marc Fonbaustier a ouvert une large parenthèse sur la transition en cours en Guinée. Vis-à-vis du colonel Mamadi Doumbouya ainsi qu’à l’ensemble des autorités de la transition, Marc Fonbaustier a tenu un langage, qui certes, ne brise pas les traditionnels codes de la rhétorique diplomatique, mais franc et direct. Le diplomate leur demande de souvenir des promesses du 05 septembre (jour du coup d’Etat qui a renversé Alpha Condé, ndlr) et de veiller activement au respect des libertés fondamentales et à la paix civile. Extraits.

« Je souhaite à Monsieur le Président de la Transition, à son Gouvernement, aux Institutions de la Transition ici représentées, beaucoup de force d’âme, de courage, d’énergie et de discernement, dans cette phase fragile et complexe de l’Histoire de la Guinée, où rien n’est écrit à l’avance. Je leur souhaite de garder à l’esprit les promesses du 5 septembre, qui ont fait jaillir, dans tout le pays, dans sa Jeunesse, une grande Espérance. Je leur souhaite de veiller activement au respect des libertés fondamentales et à la paix civile, car il n’y a pas de développement possible sans la paix. Je leur souhaite de ne pas oublier, pour reprendre la formule d’un peintre des îles Canaries, Oscar DOMINGUEZ, le souvenir de l’avenir.

Car la Guinée mérite un nouvel avenir. Lorsque les richesses des profondeurs, celles du sous-sol, les richesses cachées, viendront pleinement soutenir les richesses de la surface, que sont les jeunes, les femmes, les hommes de ce beau et fier pays, alors, des forces nouvelles agiront et un vaste champ des possibles s’ouvrira. Pour ce faire, la Transition, celles et ceux qui l’incarnent, devront tenir le cap. Je forme le vœu que les dirigeants d’aujourd’hui cultivent leur esprit de responsabilité et leur sens du devoir, en gardant bien en mémoire les ombres et les lumières du passé », a lancé le diplomate français en Guinée.

Accompagnement de la Guinée en dépit du putsch

M. Fonbautier rappelle qu’après le 5 septembre et la Transition qui s’est ouverte, la France a immédiatement condamné le coup d’État et souhaité, conformément à ses traditions et à ses valeurs, un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Elle a ensuite décidé, poursuit-il, avec d’autres, le G5 et les Institutions Financières Internationales notamment, d’accompagner la Guinée dans son nouveau chemin, un chemin difficile, une voie étroite et exigeante, vers des élections libres, transparentes, démocratiques et crédibles, dans le cadre d’une nouvelle Constitution.

« Les efforts de la France, au sein de la communauté internationale, aux côtés des autres partenaires, pour aider la Guinée à surmonter ses difficultés et à franchir, avec succès, la barre d’une Transition réussie, a principalement pris quatre formes. Nous avons, en dépit de tout, maintenu nos coopérations de sécurité et de défense, car le contexte régional, lourd de menaces, exige de ne pas baisser la garde. Nous avons, en dépit de tout, poursuivi nos coopérations civiles, tournées vers les services de base, les services collectifs, au profit direct des populations. L’éducation, la santé, l’énergie, l’eau, l’égalité des genres sont des axes majeurs de notre partenariat de développement. Nous avons, en dépit de tout, incité les entreprises françaises à venir en Guinée, à y investir et à contribuer à son émergence (…) », a-t-il signalé dans son discours.

Isolement, tentation de repli…Cedeao

Au fond, la France croit, comme d’autres, en la possibilité d’une Guinée nouvelle, note l’ambassadeur. La Guinée en Transition est comme tout pays en mouvement, en devenir, à l’heure de certains choix.

« Le choix, capital, entre l’Ouvert et le Fermé. La Guinée a connu, dans le passé, des cycles faisant alterner une tendance à l’ouverture, aux échanges, à la coopération et une tendance à l’isolement ou à l’autarcie. Les tentations de repli, permises il est vrai par une monnaie en compte propre, des ressources naturelles abondantes et un port assurant une respiration systémique, peuvent se comprendre.

Mais elles feraient fi des intérêts profonds de ce pays central, en Afrique de l’ouest, ouvert à tous les points cardinaux, source de grands fleuves, bordé par six frontières, fondateur des grandes organisations africaines, porteur d’idées originales dans les enceintes multilatérales, précurseur du panafricanisme et toujours animé par un esprit fraternel de bon voisinage. Cette Guinée ouverte à son environnement régional, au monde, est celle, de mon point de vue, qui a les meilleures chances de succès.

Le choix du dialogue avec les pays voisins, ceux de la CEDEAO en premier lieu et je salue les avancées récentes, mais aussi, entre Frères et Sœurs Guinéens, parce que seul le dialogue permet la résolution pacifique des différends et la régulation dynamique d’intérêts parfois divergentsLe choix entre le statu quo et la transformation, qui permet d’ouvrir un autre chapitre, de célébrer la fierté nationale, de prospérer enfin dans une émergence trop longtemps hésitante.

Le choix entre les intérêts individuels, personnels, et l’intérêt public, qu’on appelle aussi le Bien commun et qui est bien plus que la simple somme des intérêts catégoriels. Ce sens du dépassement est sans doute la clé d’une gouvernance juste et efficace », a dit l’ambassadeur.

Les autorités de la Transition ont affiché d’emblée leur volonté légitime de recouvrer le plein exercice de la souveraineté de la République de Guinée, c’est à dire l’exercice effectif, sur la population et le territoire de la Guinée, d’une autorité politique exclusive, a fait remarquer le diplomate.

« Pour l’ambassadeur que je suis, du pays dont je viens, un pays marqué par la figure et les idées du Général de GAULLE, cette vision de la souveraineté n’est pas qu’un concept. Ce fut une force historique, qui suscite le plus profond respect et qu’il importe, pour la Guinée, de préserver comme un héritage vivant. Et c’est une exigence toujours recommencée, tant les atteintes à la souveraineté, de nos jours, peuvent prendre des formes insidieuses. Nous le savons tous, la souveraineté de l’État a des corollaires, entre autres, la responsabilité de l’État. Les choix souverains se doivent donc d’être mûris, expliqués et assumés au grand jour. La Transition est concernée par ces principes », a-t-il martelé.

A suivre…

Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Créé le 16 juillet 2022 13:14

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