Le Barreau de Guinée dénonce : « Au temps du CNDD, c’était la même chose, jusqu’à ce que… »

CONAKRY – Ce lundi matin, les avocats guinéens se sont réunis en Assemblée générale extraordinaire à la Cour d’Appel de Conakry, en réaction à l’enlèvement suivi de torture de l’ancien bâtonnier, Me Mohamed Traoré. À l’issue de cette réunion, des résolutions fortes ont été adoptées pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « grave atteinte aux droits humains et à la dignité de la profession d’avocat ».
Dans un élan de solidarité, l’ensemble du Barreau s’est ensuite dirigé vers le bureau du Procureur général près la Cour d’Appel de Conakry afin de lui faire part de ses préoccupations. Mais, à leur grande surprise, le Procureur Fallou Doumbouya a refusé de les recevoir sans demande écrite préalable, invoquant la nécessité d’une saisine formelle.
« Au temps du CNDD, nous avions été au camp, et c’était la même chose. Les magistrats nous avaient tenu le même discours, jusqu’à ce que Fernandez, alors procureur de la République près le tribunal de Mafanco, soit arrêté dans son propre bureau », a rappelé Me Faya Gabriel Kamano.
J’ai dit : l’histoire tourne, la roue de l’histoire tourne. Regardez ce qui se passe aujourd’hui au Burkina. Charles Wright, ancien procureur général près la Cour d’appel de Conakry, ancien ministre de la Justice, a été arrêté ici, humilié. C’est nous qui avons couru pour lui porter secours. Allons, ne nous décourageons pas. Dans la vie, chacun choisit son camp. Mettons-nous dans la plus grande discipline… », a-t-il lancé devant le bureau du procureur général Fallou Doumbouya.
Après cette étape, les avocats ont poursuivi leur marche vers le ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, dans l’espoir d’être reçus par le ministre Yaya Kaïraba Kaba. Là encore, la porte est restée fermée. Bien que présent dans son bureau, selon leurs constats sur place, le ministre a exigé, lui aussi, une demande écrite préalable avant toute audience.
Face à cette série de refus, Me Faya Gabriel Kamano, président par intérim du Barreau de Guinée, a exprimé sa profonde indignation devant la presse.
« Nous avons été reçus dans la salle d’attente de Monsieur le ministre de la Justice et Garde des Sceaux. Au départ, le procureur général nous a informés que le ministre n’était pas là, ce qui s’est avéré être un mensonge indigne de sa fonction. À notre grande surprise, une fois sur place, nous avons constaté que le ministre était bien présent. Sa secrétaire nous a accueillis, puis a envoyé son conseiller, qui nous a expliqué que le ministre n’accepterait de recevoir que le bâtonnier, sous prétexte que c’est lui qui avait sollicité le rendez-vous », a déclaré le porte-parole du Barreau.
Me Kamano précise que les avocats ont insisté sur le caractère exceptionnel de la situation.
« Nous lui avons dit que ce que nous vivons est exceptionnel. En tant que ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, il ne peut pas ignorer les violations des droits humains. Il devrait en faire une priorité personnelle, car cela relève de ses attributions et de sa feuille de route », a-t-il ajouté.
Le conseiller, après avoir rapporté les propos aux autorités, est revenu avec une réponse formelle : le ministre ne recevra les avocats qu’après réception d’une demande écrite.
« À partir de ce moment, les choses sont devenues claires : le ministre de la Justice fait preuve de mépris envers le Barreau. Il ne faut pas avoir peur des mots. Oui, le ministre Yaya Kaïraba Kaba affiche du mépris à l’égard des avocats. Et nous en tirerons toutes les conséquences. Ce qui est certain, c’est que pour que la justice fonctionne correctement, le ministre a besoin du Barreau », a tranché Me Kamano.
Par la suite, le président par intérim du Barreau de Guinée a réaffirmé que les résolutions adoptées ce lundi 23 juin 2025 seront rigoureusement appliquées pendant une durée de deux semaines.
« Les résolutions que nous avons prises restent en vigueur. Nous les appliquerons durant ce délai de deux semaines. À l’issue, une nouvelle assemblée sera convoquée afin de définir la suite de notre action », a-t-il rappelé aux avocats et à l’opinion nationale.
Enfin, Me Faya Gabriel Kamano a invité ses confrères au calme, dans une posture digne de leur profession :
« Nous le répétons, nous ne sommes pas des politiciens, nous sommes des avocats. Nous défendons les citoyens contre la violation des droits humains. C’est pourquoi nous demandons à chacun de rentrer tranquillement chez soi, sans slogans, dans le calme et la discipline. Nous sommes des intellectuels. Notre interlocuteur était le ministre de la Justice, qui a refusé de nous recevoir, tout comme le parquet général. Nous rentrons donc sans slogan, en silence, chacun chez soi, sans mener d’activités », a conclu le président par intérim du Barreau de Guinée.
Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
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Créé le 23 juin 2025 19:34