La présidentielle américaine et ses enjeux : Entretien avec Abdouramane Diallo, expert en géopolitique

Les américains élisent ce mardi 5 novembre 2024 leur 47ème président. Ils devront choisir entre Kamala Harris et Donald Trump, deux candidats au parcours différents que tout oppose. Pour parler des enjeux de cette élection scrutée dans les quatre coins du monde, Africaguinee.com a interrogé Abdouramane Diallo, guinéo-américain, expert en géopolitique et scénarios macroéconomiques en service chez Morgan Stanley. Il est également consultant international en géopolitique et géoéconomie.   

AFRICAGUINEE.COM : Vous avez à un moment bénéficié d’un programme de formation de leadership avec la Fondation Obama. Comment cela est arrivé ?

ABDOURAMANE DIALLO : La fondation Obama comme vous le savez, offre des programmes de formation de leadership. Chaque année ils choisissent 100 leaders pour les former, leur donner des réseaux de Network afin de faire avancer le travail au sein de leur communauté. Donc j’ai été choisi parmi ces 100.

Ce qui focalise les regards, c’est la présidentielle américaine en cours. Qu’est-ce que l’opinion peut retenir de ce scrutin ?

Il faut dire que ces élections sont historiques. Nous faisons face à des tensions, une polarisation accrue du paysage politique. Ce qui fait de cette élection historique. Nous avons un ancien président qui cherche un second mandat qui n’est pas consécutif, de l’autre côté, nous avons une femme de surcroit noire issue du camp démocrate qui ambitionne de diriger les USA. Donc, dans l’une ou l’autre situation, l’Amérique vivra un fait inédit. Au même moment, nous vivons la bipolarisation et une forte division sociale, par rapport aux enjeux politiques internationaux majeurs.

Les Etats-Unis ont accueilli une vague de migrants ces trois dernières années. Les craintes sont nombreuses partout quant à une éventuelle politique de rapatriement massif. Quelle place occupe cette question dans les programmes des deux candidats ?

Oui la question migratoire est fondamentale, essentielle et avait occupé une bonne partie des débats surtout dans les sorties de Donald de Trump qui en fait un débat à outrance. Au-delà de tout, la question de la migration reste un sujet central dans la politique américaine. Les migrants venus via le Nicaragua ont fait naître des défis majeurs en matière de politique étrangère et de droits de l’homme. C’est vrai nous avons des compatriotes africains qui sont inquiets quant à un éventuel rapatriement massif sous une nouvelle administration de Trump. Donc si Donald Trump revenait au pouvoir, il pourrait rétablir ou intensifier les restrictions sur les politiques migratoires comme il l’avait fait lors de son premier mandat.  Il pourrait procéder à des expulsions massives et imposer des restrictions de Visa d’asile. Donc il va de soi que cela suscite des inquiétudes quant aux impacts humanitaires sur les migrants et les relations diplomatiques avec les pays d’origine. Donc, si l’on demande aux migrants ils souhaiteront à l’unanimité que les démocrates continuent à gouverner le pays dans l’espoir de vivre tranquillement sur le territoire américain.

Est-ce que ces craintes sont légitimes quand on sait qu’aux USA, un président ne peut pas se lever un beau matin pour rapatrier des migrants ?

C’est vrai il y a des lois d’immigration en place, mais à côté le président a un pouvoir qu’on appelle l’exécutif qui peut prendre des décisions exécutoires plus ou moins limitées, toutefois un président a un certain pouvoir pour faire passer certaines actions concernant l’immigration et certains aspects dans la gouvernance. Donc, c’est possible comme au premier mandat de Trump qui avait des visions et de décisions au nom de son pouvoir sur la question, de prendre des décisions pour rapatrier quelques migrants ou bloquer la rentrée de certains venant de quelques pays. Je pense qu’il a toujours ces leviers dans ses mains qu’il pourrait utiliser. Les Etats-Unis ont aussi dans leur histoire des déportations de masse au moins une fois. Donc, ce n’est pas exclu et si cela arrivait ça ne sera pas historique si Trump le refait.

Dans l’autre Camp vous avez Kamala Harris, candidate noire. Pensez-vous que les USA sont prêts à élire une femme comme chef d’Etat ?

Vous savez il est très difficile de prédire les élections américaines parce tout peut se passer autrement jusqu’à la dernière heure, la dernière minute ; mais Kamala navigue dans un paysage politique complexe, en tant que première femme noire à être vice-présidente, elle affronte ici des attentes dans la vie politique actuelle des Etats-Unis. Kamala doit faire face à tous ces stéréotypes, ces divisions qui sont liées à une femme mais surtout une femme noire qui a des liens asiatiques quelques part. Les défis sont énormes. Pour le moment les sondages sont très serrés entre les deux candidats. Presque tous les sondages ne donnent qu’un ou deux points d’écart. Quelquefois aussi les deux se valent. Donc c’est difficile de prédire un sondage clair. Sur le terrain de la campagne aussi, c’était serré, il y avait certes de l’ambiance mais des tensions également.

Pensez-vous qu’à cause de ces stéréotypes, un pays comme les USA, première puissance démocratique au monde, n’est pas prêt à porter une femme à la fonction suprême ?

Non, je pense que les USA ont fait des pas très importants sur la diversité des personnes, des institutions ces dernières années notamment sous le mandat de Obama. Des lois qui ont permis des rapprochements de part à d’autres, des choses que beaucoup croyaient impossibles jusque-là. Tout est possible. Nous avons vu le président Obama en tant que premier noir à être élu aux Etats-Unis. Beaucoup ne croyaient pas à cette inversion d’histoire. Nous avons vu également Hilary Clinton comme première femme candidate à la présidence américaine issue du parti démocrate l’actuelle vice-présidente Kamala Harris à occuper cette fonction en tant que première femme noire et aujourd’hui elle aspire à diriger le pays. Partant de tous ces détails, un jour les Etats éliront une femme comme présidente, une femme tout court ou une femme noire. Donc nous allons voir ensemble comment ce 5 Novembre se déroulera également.

Est-ce que de par le passé on a vu un ex président obtenir un second mandat non consécutif ?

Trump n’est pas le premier président à tenter un retour. Plusieurs présidents avant lui avaient essayé de reconquérir la Maison Blanche sans succès. Par exemple, Martin Van Buren a tenté en 1844 et 1848, Millard Fillmore en 1856, Ulysses S. Grant en 1880 – avant l’instauration de limites de mandat et quatre ans après son second mandat – et Teddy Roosevelt en 1912 avec le parti progressiste, après avoir perdu la nomination républicaine. Seul Grover Cleveland a réussi à se faire élire pour un second mandat non consécutif (1885-1889 et 1893-1897). Si Trump était réélu, il serait le deuxième président à réaliser cet exploit. Mais pour le moment seul un président, le démocrate Grover Cleveland, a servi des mandats non consécutifs, de 1885 à 1889 puis de 1893 à 1897.

Quelles seraient les conséquences sur la politique étrangère si Trump revenait aux affaires?

La réélection de Trump pourrait avoir des implications profondes sur la démocratie américaine :

  • Polarisation accrue : Son retour pourrait intensifier les divisions politiques et sociales.
  • Défis institutionnels : Des inquiétudes subsistent quant à l’érosion des normes démocratiques et au respect des institutions.

Positionnement international

Sous Trump, les États-Unis ont adopté une approche plus isolationniste. Son retour pourrait signifier un retrait des engagements internationaux, affectant les alliances et la position des États-Unis sur la scène mondiale.

  • Création ou intégration de blocs : La politique de Trump pourrait pousser les États-Unis à s’éloigner des blocs traditionnels, favorisant des alliances basées sur des intérêts spécifiques plutôt que sur des partenariats établis. On se souvient que Trump avait menacé l’Otan et de le quitter jusqu’à l’arrêt des financements. Avec Trump les Etats-Unis prendront leurs distances dans beaucoup d’aspects.

Et si Kamala Harris était élue, est ce que la politique étrangère sera plus tendre avec le Monde extérieur ?

Là aussi, ce sera autre chose.  Comme tout démocrate, elle va aplanir les tensions et ouvrir le pays à plus de relations et de politiques souples. Elle va brandir l’aile démocrate pour dire qu’il faut suffisamment creuser pour une coopération internationale saine. Voici ce qui est en jeu. Le résultat de cette élection aura des conséquences d’une manière ou d’une autre sur tous les enjeux de la vie politique américaine.

Quelles sont les questions qui pèsent le plus sur la balance en matière de politique étrangère dans les deux camps démocrate et républicain ?

La politique étrangère est d’actualité dans les débats autour de la campagne surtout avec les conflits à travers le Monde comme la guerre en Ukraine avec la Russie, les tensions en Moyen-Orient, le cas de l’Israël et de l’Iran. Les sanctions de la Chine contre ses pays voisins. Ces questions occupaient une place importante dans la campagne.

Entretien réalisé par Alpha Ousmane Bah

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 5 novembre 2024 20:00

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