Khalifa Gassama Diaby, ministre des droits de l’Homme: « Je ne suis pas au gouvernement pour plaire… »

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CONAKRY-Réputé pour sa modération, c'est un ministre très engagé qui a reçu notre reporter à Conakry. Khalifa Gassama Diaby veut que la Guinée  tourne la page de l’impunité et ne craint pas les critiques contre sa personne! S’il reconnait que l’Etat doit s’engager davantage pour éviter que les guinéens se rendent justice eux même, M. Diaby est contre les solutions à caractère communautariste qui menacent la stabilité sociale dans son pays. Khalifa Diaby qui dirige le département sensible en charge des Droits de l’Homme et des libertés publiques est optimiste quant à l’image de son pays sur la scène internationale. De retour de Genève où il a participé au Conseil des droits de l’Homme, M. Diaby s’est confié à notre rédaction. Au menu, la question des droits de l’Homme en Guinée et l’épineuse question de la réconciliation nationale dans le pays. Exclusif !

Africaguinee.com : La Guinée est frappée par une fièvre hémorragique virale depuis janvier qui a fait plus 80 décès sur 134 cas confirmés, quel est votre message sur cette épidémie ?

Khalifa Gassama Diaby : Permettez-moi tout d'abord d'avoir une pensée solidaire et émue pour tout le peuple de Guinée qui traverse dans la dignité des épreuves et des moments difficiles dûs aux drames causés par le virus Ebola. Une pensée particulière pour les familles qui ont perdu des êtres chers et pour des malades qui se battent pour la vie.

 Je présente aux familles des victimes,  mes condoléances les plus attristées, et aux malades ainsi qu'à leurs familles tous mes vœux de prompts rétablissements. J'espère que nous resterons unis et solidaires face à cette épreuve, que nous allons surmonter, j'en suis convaincu. Je remercie également les pays amis, les organisations internationales et les ONG, qui nous soutiennent et nous accompagnent dans cette épreuve. Ce genre d'épreuve doit nous amener le moment venu à tirer un certain nombre de leçons, d'ordre politique,  social, culturel et même anthropologique. Cela nous permettra à l'avenir de mieux gérer ce genre de situation, voire de les éviter.

-Monsieur le ministre, vous venez d’effectuer une mission à Genève à l’occasion du 25ème conseil des Droits de l’Homme où la situation en Guinée a été discutée. Quels résultats avez-vous obtenus pour la Guinée ?

J’ai été  à Genève dans le cadre de la 25ème  session du Conseil des Droits de l'Homme, au cours de laquelle, un rapport du Haut-Commissariat des Droits de l'Homme relatif à la situation des Droits de l'Homme en Guinée a été  débattu et présenté. À l'occasion de cette session, une résolution soutenue notamment par la France, Etats Unis et le groupe des ambassadeurs africains à Genève sur la Guinée a été aussi présentée pour adoption.

J´ai profité de l'occasion pour rencontrer la Haut-Commissaire aux Droits de l'homme, Navy Pillay ;  un certain nombre d'institutions internationales, des représentants des organes de Traités au Haut Commissariat, des diplomates français, américains, espagnols, belges, suédois et européens. J'ai également rencontré des ONG qui travaillent sur les questions de Droits de l'homme. Lors de toutes ces rencontres, il a été question des défis et enjeux des Droits de l'homme en Guinée, des avancées et des manquements, des violations et des failles en matière des de Droits de l'Homme.

 

 Nous avons parlé de l'importance de Droits de l'Homme pour la Paix et le développement, ainsi que de l'obligation même, de l'Etat à agir efficacement  pour la garantie, le respect et la promotion des Droits de l'homme, seul  gage de paix durable, de développement socioéconomique, de stabilité et de bon fonctionnement des institutions.

Lors de ma mission à Genève, le principe était d'abord de reconnaître réellement nos difficultés en matière de promotion, de protections et de respect des Droits de l'homme. Car, il ne sert à rien  nier l'évidence, surtout si on veut réellement changer les choses et jouer sur le cours de l'histoire, de façon positive. En notant bien sûr que ces difficultés sont bien évidemment d'ordre politique, institutionnel, mais aussi social et culturel.

Il nous faut bien évidemment songer à changer notre perception de la politique, notre façon de faire de la politique, en nous débarrassant impérativement de nos mauvaises habitudes politiques, essentiellement motivées par des intérêts partisans au détriment de l'intérêt général, par nos logiques ethniques qui contrarient la philosophie des Droits de l'homme.  Il faut agir pour la paix, la justice, l'égalité et pour un développement harmonieux et durable.

Il faut aussi avoir le courage de faire face à nos impasses socioculturelles. Car, vouloir se tourner  vers une société respectueuse des Droits de l'Homme,   c'est  s'inscrire dans une perspective de transformation socioculturelle profonde. On ne peut pas vouloir les Bienfaits de l'effectivité des Droits de l'homme, et continuer avec des habitudes et pratiques socioculturelles fondamentalement incompatibles avec les principes et les logiques des Droits Humains.

Ce fut aussi l'occasion pour moi d'exprimer notre volonté de travailler sur les dimensions socioéconomiques et environnementales des Droits de l'Homme. Pour cela, il faut se battre pour la justice sociale, pour une meilleure gestion des deniers publics, pour la protection de notre écosystème et pour le droit à un environnement sain. Il faut donc mettre en place une véritable politique de lutte contre la corruption, les trafics d'influences, qui sont des cancers pour la démocratie, la justice sociale et le développement, donc des obstacles sérieux pour la réalisation des idéaux des Droits Humains. Il faut donc sérieusement nettoyer partout où elles se trouvent, les écuries d'Augias. C'est un impératif, car les vieilles et mauvaises pratiques continuent, de surcroît sans sanction.

      « C'est une autre expression insupportable de l'impunité dans notre pays. Avec tous les dégâts sociaux et politiques que cela entraîne, hélas! »

Ensuite, d´exprimer la volonté et la détermination du Gouvernement à renforcer et accentuer ses efforts et ses actions pour lutter efficacement contre les toutes les violations de Droits humains. Ce qui d'ailleurs est une obligation impérative pour l'Etat en tant principal débiteur en matière de protection, de respect et de promotion des Droits de l'Homme. En soulignant que ces efforts doivent consister à agir concrètement contre toutes les formes de violences, d'où qu'elles viennent, à agir contre toutes les formes d'injustices quelqu' en soit le motif, à agir contre toutes les formes de discriminations, en faisant prévaloir en tous lieux et en toutes circonstances l'état de droit.

C'était aussi l'occasion d'exprimer notre préoccupation face au problème de l'impunité et de ses dégâts politiques, sociaux et moraux dans notre pays. Car il faut bien le noter, aucune volonté de promotion et de protection des droits de l'homme n'est concevable sans une lutte concrète et immédiate contre cette impunité qui est devenue un véritable problème pour notre besoin d´Etat de droit démocratique, et notre désir de justice, de liberté et d'égalité.

Enfin, j'ai sollicité de la part de tous mes interlocuteurs, la nécessité absolue d'accompagner notre pays dans sa transition démocratique et son besoin de construire une société qui soit réellement respectueuse des Droits de tous les citoyens sans aucune forme de distinction ou de discrimination et accompagnement, cette aide, doivent naturellement s'exprimer aussi bien en matière d'expertise, de formations des organes et des structures dont les défaillances ou manquements ont des répercussions graves sur la jouissance légitime des Droits humains. Mais aussi, appuyer et donner des moyens conséquents à l'Etat à travers notamment le département des Droits de l'Homme et des libertés publiques, afin qu'il puisse mettre en œuvre des projets et programmes en matière de formations, d'éducations, de politique de prévention contre la violence et de lutte contre l'impunité et les comportements contraires aux principes des droits de l'homme.

 

Pour parler de gains pour la Guinée à l’issue de cette mission à Genève, il faut d’abord dire qu’ il revient aux guinéens, fondamentalement à l'Etat, de travailler pour faire de notre pays un pays démocratique, respectueux des droits de l'homme. Les autres ne peuvent que nous accompagner et nous soutenir dans cette dynamique. Dès lors, l'intérêt de cette visite se trouve dans notre capacité à tirer profit de la volonté de nos partenaires, de la communauté internationale, et spécialement d'une institution comme le Conseil des Droits de l'homme, à accompagner, en matière de conseils, d'expertises et d'appui pour notre pays dans le cadre de la promotion et de la protection des Droits humains. Ceci, en nous aidant à définir et à mettre en œuvre des politiques et des mécanismes effectifs en matière de justice, de réconciliation, de lutte contre l'impunité.

 Nous avons, lors de cette visite, trouver nos différents interlocuteurs disponibles, attentifs et prêts à soutenir et accompagner notre pays pour faire face à ce défi fondamental qu'est la construction d'une société juste, libre et fondée sur l'égalité de traitement de tous devant la loi( en droit et en devoir). Nous avons eu des discussions intéressantes autour du plan d'action annuel de mon département pour cette année, et nous espérons avoir le soutien et l'accompagnement de certains partenaires extérieurs.  Ce soutien, nous l’espérons pour  l'organisation des États généraux des Droits de l'homme, l'enseignement des Droits de l'homme dans les écoles, la formation des services de sécurité, les projets relatifs au monitoring dans les prisons, ainsi que la mise en place d’un observatoire des  détentions arbitraires, les tortures, les violences faites aux femmes et sur l'impunité. Sans oublier la mise en place du comité interministériel chargé notamment de la rédaction des rapports à l'intention des différents organes de traités.

Sur ce dernier point,  depuis près de 30ans notre pays n'a produit aucun rapport auprès de ces organes et pour aucune des conventions internationales relatives aux Droits de l'homme qu'il a signé. C'est pour vous dire le retard que nous avons accumulé vis à vis des organes de traités. Ce qui est une violation de nos engagements internationaux. Nous avons discuté de l'importance de notre processus de réconciliation nationale et des processus d'accompagnement que cela demande.

 

-Après les violentes manifestations contre la pénurie d’eau et de courant, à Conakry, la sous-préfecture de Diécké qui  abrite la SOGUIPAH a été le théâtre de violences macabres au mars dernier. Comment voyez-vous cette tendance à recourir toujours à la violence pour régler les différends dans le pays ?

 Je crois que l'unanimité est faite dans notre pays sur le constat relatif à la propension que nous avons à user de la violence pour régler nos différents conflits. Cela dit, il ne sert à rien de continuer à ergoter sur la violence et son inadaptation avec les principes démocratiques, si l'Etat n'assume pas effectivement ses missions, celles de faire prévaloir le droit, en garantissant l'ordre public, les droits et les libertés des uns et des autres, mais aussi en amenant chaque citoyen à assumer ses devoirs.

Tout le monde est d'accord sur le constat, maintenant il faut agir, en donnant les preuves concrètes du changement et du retour effectif de l'Etat de droit et de ses impératifs. Si l'Etat n'assume pas ses missions, il ne faudrait pas s'étonner que les citoyens veillent se rendre justice, en usant de la violence.

Il faut donc désormais moins parler et faire agir le droit, avec pour seul impératif le souci de justice, de la légalité et de la tranquillité publique. Je ne peux m'exprimer sur le fond d'un dossier que je ne me connais pas. Ceci dit, il est navrant de constater dans notre pays, notre incapacité à discuter, à dialoguer pour régler nos différends, nos conflits. C'est une préoccupante expression de notre manque de culture démocratique et de l'incapacité des représentants de l'Etat à assumer leurs missions régaliens dans le strict cadre légal. Tout tourne à l'empoignade, à l'affrontement, aux manipulations politiques, voir aux lectures communautaristes. C'est désolant, et c'est une impasse pour notre pays.

-C’est bien de condamner et d’apaiser, mais au fond où est la part de l’impunité dans tout ça ?

 Incontestablement, l'impunité est une assurance offerte à la violence, à l'illégalité, à l'injustice et au désordre. Aucune société, ne peut survivre sans règles et sans le respect de ces règles. Nous faisons dans notre pays comme si les lois n'existent pas, ou alors lorsqu'elles existent cela apparaît de façon ponctuelle, parfois partiale.  La loi doit être la même pour tous, sans aucune autre considération que celle prévue par la loi. Dire une telle évidence, peut parfois vous valoir le bal des hypocrites et des opportunistes en tout genre, contre la vérité et l'intérêt général.

Et pourtant, on ne peut pas passer notre temps à dire à nos concitoyens que la violence est incompatible avec les principes démocratiques sans leur offrir les garanties d'une meilleure protection et d'une bonne justice, dans le cadre d'un effectif État de droit.

 On ne peut pas passer notre temps à faire la leçon aux citoyens, du haut de nos prétentions et de nos certitudes, quand ceux et celles qui donnent ces leçons sont protégés contre toutes les formes de violences et d'injustices, alors que les citoyens à qui on donne ces belles leçons de civilité et de non-violence sont de plus en plus exposés à toutes sortes d´insécurité, de violences et d'injustices.   On ne peut pas passer notre temps à parler de l'autorité de l'Etat si l'Etat à travers ses représentants, ne prend pas conscience de la nécessité de cette autorité ainsi que de ce que constitue cette autorité, c'est à dire le droit, la loi. Cela n'est pas tenable. Et à la longue cela devient une bombe à retardement. Dans un État de droit, personne ne doit se rendre justice. Cela est juste et fondamentalement souhaitable. Encore faut-il qu'il y'a un autre lieu où ce besoin de justice sera entendu et satisfait. À défaut, quelque soit notre refus de la violence, et nos efforts de sensibilisation, il sera difficile, hélas, de faire entendre et faire respecter ce principe si fondamental pour la démocratie et l'état de droit,  par les citoyens.

-Récemment,  le gouvernement a dépêché des natifs de la région forestière afin de trouver une solution à la  crise de Diécké. Pensez-vous que c’est la meilleure façon de résoudre  les problèmes de violences  en Guinée ?

Je n'en sais rien. Simplement, je dois dire que je reste extrêmement sceptique face à la gestion communautariste de nos problèmes et de nos conflits. Tout d'abord, cela me semble incompatible avec l'impératif que nous avons dans notre pays à en finir avec le communautarisme et l'ethnocentrisme.

 Ensuite, toute gestion communautariste d'un problème, accentue dans le futur, l'ethnicisation de la politique. Nous devons avoir le courage, d’en renoncer à un certain nombre de nos mécanismes culturels, de donner toute sa place au droit, à la loi pour régler nos problèmes. En évitant ainsi de faire des résolutions de façade, en ne s'attaquant pas au fond des problèmes. Enfin, si nous continuons à  résoudre chaque conflit par des "parents" des "natifs" ou je ne sais quoi d'autre, c'est prendre le risque d'accentuer l'affaiblissement de l'Etat, du droit et de désir démocratique.

 Là où ce sont des individus "étiquetés" (politiquement ou ethniquement) qui parlent, l'idée d'Etat  et de droit se fragilisent et de délégitiment. En définitif, cela n'a jamais marché, cela ne marche pas. Et tout ce qui apparaît comme résultat, n'est qu´une illusion, et finit par devenir une option de chantage politique.

-M. le ministre, plusieurs citoyens continuent encore de croupir dans les prisons  sans jugement ; quelle  lecture faites-vous de cette situation en tant que ministre des droits de l’homme ?

Si les délais légalement prévus passent, ces citoyens se trouveraient alors dans une situation de détention illégale.  L'Etat de droit cela s'impose à l'Etat aussi, je dirais même encore plus, surtout dans une société dans laquelle l'Etat a été culturellement et historiquement habitué à tout s'autoriser. L'Etat, dans une démocratie, dans un État de droit, ne peut et ne doit s'autoriser tout, sans limite.

Concernant les détentions provisoires au-delà des délais légalement prescrits,  il faut dire clairement que l'Etat ne peut pas faire subir aux citoyens les conséquences de ses propres failles. En appliquant correctement la loi, ces personnes, quelque soit par ailleurs la gravité des accusations, doivent être élargies. Et s'il y avait un risque lié à une telle décision, c'est l'Etat qui ferait prendre ces risques, par ses failles, son inaction, à la société.

-En arrivant au pouvoir en 2010, le président  Alpha Condé avait  inscrit la réconciliation nationale comme l’une des priorités de son quinquennat. Mais aujourd’hui, la réalité est tout autre. Selon vous comment pourrait-on relancer cette question?

 Nous avons besoin de nous réconcilier. Non seulement entre nous, mais aussi autour des valeurs et des principes susceptibles de nous garantir une vie sociale et politique fraternelles et démocratiques.  Tout sera fait, tout doit être fait pour redynamiser ce processus, en travaillant à ce que nous ayons un processus de réconciliation nationale fondé sur la vérité, le besoin de justice, le devoir de mémoire et de pardon.

Je reste profondément convaincu que le respect et la garantie des Droits de l'homme sont les bases de notre développement socioéconomique et de notre stabilité sociale et politique. C'est pourquoi, il me semble important de la part des uns et des autres, de dépolitiser les enjeux des Droits Humains dans notre pays, pour ne porter sur cette question que des regards soucieux de la dignité humaine, de la justice pour tous et de l'égalité républicaine.

 Les responsables politiques et publics doivent s'atteler à la construction d'un véritable État de droit qui garantisse à chaque citoyen ses droits et ses libertés. Je m'astreins à cette même obligation. La tâche n´est pas facile, mais chacun doit faire en sorte d'y contribuer positivement, dans l'intérêt du pays. Il reviendra alors à l'histoire de juger de ce que chacun a fait et pour quelle raison.

Dès lors, pour ce qui me concerne, avec le soutien du chef de l'Etat, je fais mon travail, que cela plaise ou non. Je ne suis pas là pour plaire, mais pour faire un travail de promotion, de respect et de protection des Droits de l'homme. J'ai bien conscience de la difficulté de la tâche, mais je fais ce que je dois faire et ce que je peux. Avec la conviction que le combat pour la justice, l'égalité et la liberté, dans le cadre d´une philosophie des Droits de l'homme garante de la dignité de chaque guinéen, quelque soit ses opinions politiques, ses origines, son statut social ou son sexe, doit rester la priorité des priorités pour notre pays. Autrement, tout sera éphémère!

Notre pays a connu et connait encore trop d'injustices, de violences en tout genre, d'inégalités de toutes sortes, ainsi qu'une culture d'impunité problématique. Cela doit absolument cesser si nous voulons une vraie démocratie et une société qui soit réellement respectueuse des Droits et libertés  de chaque citoyen et de toutes les personnes vivants sur notre territoire national. À défaut de cette perspective notre avenir commun sera hypothéqué.

Il y a des combats qui sont ingrats,  qui ne vous créent que des ennuis de part et d'autre. Le travail pour les Droits de l'homme en fait partie.

Pendant que les uns vous accusent d´en faire trop, les autres vous reprochent de ne pas en faire assez. Vous serez toujours alors soit un traitre, soit un complice, soit une caution. L'important c'est de faire son travail, assumer en son âme et conscience, avec la nette conviction que ledit travail doit être fait honnêtement et sincèrement. Cela est encore plus valable dans une société comme la Guinée, où les convictions desethnicisées et apoliques et l'honnêteté sont toujours suspicieuses.

Rien de tout cela ne m'intéresse. En revanche, mon ambition  c'est de travailler pour l'intérêt général, travailler pour la paix, travailler pour les droits et les libertés de chacun de mes concitoyens, sans tenir compte, ni de leurs opinions politiques, ni de leur origine, ni de leur statut social, ni de leur sexe. Car les Droits de l'homme, ce sont ni les droits de l'élite, ni ceux des partisans du parti au pouvoir, ni ceux de l'opposition, ni ceux d'une ethnie. Ce sont des Droits inhérents à la nature humaine, ayant pour but de préserver la dignité, garantir la justice et protéger les libertés. Je fais ma part, avec la ferme conviction que je dois cela à mon pays, à mon peuple. Pour le reste, Dieu reconnaîtra les siens.

Car pour moi ce travail est d'abord une affaire de conviction, de profonde conviction, que tout doit passer par là. Mais parfois j'ai effectivement  l'impression de porter une tunique de Nessus, en marchant sur un fil d'Ariane. Je suis, de la part des opportunistes, des radicaux ( de tous bord) et de ceux qui ont fait de l'Etat et de la politique leur vache à lait, soit un traitre à la solde de l'opposition à qui je devrais évidemment pour eux faire porter la responsabilité de nos manquements démocratiques et nos violations des Droits Humains; de l'autre côté, je serais une Simple caution politique de moralité au service du pouvoir, qui serait pour eux naturellement contre la démocratie et les droits de l'homme.

Face à ces accusations infâmes et ridicules, je réponds par le mépris.

En mettant cette promptitude à soupçonner tout et tout le monde, au compte de leur mauvaise foi, de leur opportunisme et du fait qu'en Guinée, tout et le tout monde seraient pareils…, on est soit ethno, soit corrompu, plus souvent les deux. Moi je n'ai rien à prouver à personne, rien à justifier. J'ai pour charge de travailler pour les Droits de l'homme, je fais ce que je dois et ce que je peux faire, en restant fidèle aux principes des Droits Humains et à l'intérêt de notre peuple, à savoir construire une société de paix et de justice.

      Je ne suis ni un magicien, ni un illusionniste, pour fabriquer les Droits de l'Homme.

Je ne suis pas non plus indispensable. Il y'a bien d'autres Guinéens, à l'intérieur comme à l'extérieur, qui peuvent faire le même travail. En attendant, tant que j'ai cette charge, je n'ai aucune intention de changer ma manière de voir et de faire les choses, parce qu'elle est sincère, uniquement exclusivement animée par l'intérêt général: dire les vérités amères, dénoncer toutes les violations des Droits de l'homme d'où qu'elles viennent, définir et mettre en place les projets d'éducations, de formations, de sensibilisations et de monitoring en matières de promotion et de protection des Droits de l'Homme. Nous devons faire ensemble ce travail, en acceptant de renoncer à tous nos travers sociaux, culturels et politiques incompatibles avec la philosophie des Droits de l'homme.

Il est vrai que dans cette perspective, le rôle et la place de l'Etat, tant en termes d'impulsion que de responsabilités, sont centraux. Faut-il encore veiller à l'effectivité efficace de l'institution "État", en faisant en sorte qu'il joue son rôle de régulateur et de protecteur de la société et des personnes, de façon légalement impartiale et neutre.  Vous l'aurez compris, c'est un véritable travail de transformation structurelle, culturelle et politique.

Quoiqu'il en soit, compte tenu de la situation de notre pays et des défis que nous avons à relever, s'impose à chacun d'entre nous, à chaque citoyen, mais surtout à tous ceux et toutes celles qui ont une parcelle de pouvoir et d'autorité dans notre pays, un devoir de vérité. Et les vérités sont toujours douloureuses….

Votre mot de la fin Monsieur le Ministre?

Je veux simplement dire ici à ceux et celles qui ne veulent ni m'entendre, ni me voir, qu'il va falloir qu'ils admettent une évidence: Je suis Guinéen, et je compte participer à la construction d'un Etat de droit et d'une société démocratique et prospère, fondée la justice, l'égalité et la liberté, dans mon pays. Quant à ceux qui pensent qu´il faut tout changer tout de suite et maintenant, dans un pays qui s´est toujours caractérisé par la culture de violence, celle de l'Etat et de la société, par la faillite de l'Etat, par l'inculture démocratique de la société, par l'ethno-stratégie, je les renvoie à leur naïveté ou à leur dogmatisme.

Sauf à ne voir comme solution que celle de l'éternelle stratégie du recommencement. Puisque ça ne va pas comme ils veulent (légitimement d'ailleurs), ils suggéreraient qu'on casse tout et qu'on recommence. Tant pis pour les dégâts, surtout lorsqu'il s'agit de faire remplacer une anomalie par une autre, un communautarisme par un autre, un sectarisme par un autre, une violence par une autre, en réduisant dangereusement un vaste programme structurel et systémique et de simples questions de personnes. Faire d'une telle société une société démocratique, cela implique un travail de longue haleine, une lucidité et une détermination face à l'épreuve.

Je compte prendre part à ce combat, aujourd'hui et demain, d´une façon ou d´une autre, d'une manière ou d'une autre. En attendant, que cela soit tenu pour acquis pour tout le monde, ma fierté et ma dignité m'empêchent d'avoir un double langage, d'être opportuniste, de faire du faux semblant, ou d'agir pour plaire. Je dis et fais ce que je crois juste et utile dans l'accomplissement de ma mission que le Président de la République m'a confié tant que j'ai sa confiance et son soutien, je conduis. Et je vous le dis, j'ai son total soutien et toute sa confiance. Il n'y a ni immortalité ni éternité lorsqu'on est ministre…tout à une fin, inéluctablement… Ce qui compte c'est le jugement de l'histoire avec toute la lucidité que cela requiert…

Interview réalisée par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com.

Tel : (00224)  664 935 132

Créé le 4 avril 2014 03:42

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