Justice : Fallou Doumbouya mobilise les acteurs pour surmonter les failles de la chaîne pénale

CONAKRY – Dans le but d’améliorer le fonctionnement de la justice en Guinée, les acteurs de la chaîne pénale de la région de Conakry ont pris part à une rencontre d’échanges ce lundi 2 juin 2025 à la Cour d’appel de Conakry.
L’objectif de cette réunion était de discuter des dysfonctionnements observés au sein de la chaîne pénale, ainsi que des difficultés rencontrées par ses différents acteurs dans l’exercice de leurs missions. La rencontre a rassemblé des officiers de police judiciaire (gendarmes et policiers), des juges d’instruction, des procureurs de la République, des présidents de chambres de contrôle de l’instruction, ainsi que des magistrats du parquet général (procureurs généraux ou avocats généraux). Elle était présidée par le Premier Président de la Cour d’appel de Conakry, accompagné du Procureur général près la même juridiction, tous deux initiateurs de cette réunion d’échanges.
Parmi les dysfonctionnements soulevés figurent notamment :
– des failles dans la gestion des affaires pénales, aussi bien au stade de l’enquête qu’au niveau des parquets, des cabinets d’instruction et des juridictions ;
– des violations fréquentes des délais légaux de garde à vue ;
– des irrégularités dans les prolongations de mandats de dépôt et le renouvellement des détentions provisoires.
À l’issue de cette rencontre, les participants ont décidé de la mise en place d’une commission technique chargée de proposer des mesures correctives. Cette instance aura pour mission d’harmoniser les pratiques, de résoudre les problèmes identifiés et de veiller au respect strict des prescriptions légales prévues par le Code de procédure pénale guinéen.
« La colonne vertébrale de l’appareil judiciaire, c’est la chaîne pénale. Cette chaîne pénale est composée de nombreux organes, notamment des officiers de police judiciaire, des magistrats des parquets d’instance, des juges d’instruction, des juridictions de jugement, du parquet général, des chambres de contrôle de l’instruction, de la juridiction de jugement au niveau de la Cour d’appel, sans oublier la chambre pénale de la Cour suprême.
Lorsque l’un des maillons de cette chaîne faillit, c’est tout l’édifice qui vacille. Et quand cela se produit, c’est l’image de la justice qui est ternie, la paix et la stabilité de notre nation qui se trouvent mises à rude épreuve », a rappelé le Procureur général Fallou Doumbouya. Il affirme qu’il est de son devoir de veiller au respect scrupuleux des procédures tout au long de la chaîne pénale, condition essentielle au bon fonctionnement de la justice.
« En tant que coordonnateur des acteurs de la chaîne pénale dans le ressort de la Cour d’appel de Conakry, nous avons estimé, après concertation avec M. le Premier Président de ladite Cour, qu’il était nécessaire de réunir les principaux acteurs de cette chaîne. Il s’agit notamment des responsables régionaux de la police et de la gendarmerie, des responsables nationaux de la police judiciaire (directions centrales de la police judiciaire, directions centrales des investigations judiciaires de la gendarmerie nationale), des procureurs de la République, des procureurs spéciaux, des juges d’instruction, des chefs de greffe et des présidents des chambres de contrôle de l’instruction. L’objectif est de rappeler à chacun les rôles qui lui incombent.
Nous avons constaté que, trop souvent, les parquetiers sont absents au moment des enquêtes, qu’il s’agisse d’enquêtes de flagrance ou d’enquêtes préliminaires. Pourtant, le Code de procédure pénale est clair : le premier officier de police judiciaire dans l’État guinéen, c’est le procureur de la République.
Un procureur de la République est d’abord et avant tout un officier de police judiciaire. Le Code de procédure pénale stipule que c’est lui qui « fait ou fait procéder » aux enquêtes, par l’intermédiaire des officiers de police judiciaire, lorsqu’une infraction est commise », a expliqué le procureur général près la Cour d’appel de Conakry.
Dans sa communication, le Procureur Général près la Cour d’Appel de Conakry, Fallou Doumbouya, a également soulevé plusieurs manquements qui, selon lui, violent systématiquement les procédures judiciaires dans la chaîne pénale en République de Guinée.
« Nous constatons que souvent, des infractions sont commises sans que le procureur de la République n’en soit informé. Il ne reçoit le procès-verbal que bien plus tard, directement à son bureau. Pourtant, c’est lui qui doit défendre les actes posés par les officiers de police judiciaire, aussi bien devant le juge d’instruction que devant la juridiction de jugement. L’autre partie, c’est-à-dire la personne poursuivie, cherchera en priorité à faire annuler la procédure. Mais si la communication entre les acteurs de la chaîne pénale se faisait en temps réel, on éviterait ces défaillances. J’ai l’habitude de dire que la communication, l’information et le renseignement sont les premières nourritures du ministère public. Quand l’information manque, croyez-moi, tout s’effondre », a dénoncé Fallou Doumbouya.
Des recommandations fortes pour redresser la chaîne pénale
À l’issue de cette rencontre, plusieurs recommandations ont été formulées pour améliorer le fonctionnement de la chaîne pénale, comme l’a expliqué le procureur général.
“Nous avons invité les procureurs de la République à être pleinement au cœur des enquêtes. Les officiers de police judiciaire doivent les informer en temps réel, bien maîtriser les procédures et éviter les abus. Lorsqu’un OPJ décide de placer une personne en garde à vue, il doit en informer immédiatement le procureur de la République et notifier les charges à la personne mise en cause à travers un procès-verbal de notification des droits, conformément à l’article 1257 du Code de procédure pénale. Et en cas de prolongation de la garde à vue, cette notification doit être renouvelée.
Nous avons aussi demandé aux procureurs, lorsqu’ils saisissent un juge d’instruction, de bien articuler les faits dans le réquisitoire introductif. Il faut éviter ce qu’on appelle le « fourre-tout », où plusieurs personnes sont poursuivies pour plusieurs infractions dans un seul réquisitoire vague. Il faut préciser les faits et les auteurs. Mamadou pour des faits de vol, Alpha pour une infraction différente, etc. Car la responsabilité pénale est personnelle.
Nous avons enfin exhorté les juges d’instruction à bien motiver leurs actes : les ordonnances de placement en détention, les procès-verbaux d’interrogatoire ou d’audition, tout doit être justifié juridiquement. Si nous voulons que ce pays soit stable, il faut que les acteurs de la chaîne pénale soient fermes. Quiconque enfreint la loi doit en répondre, sans état d’âme. C’est à ce prix que la justice retrouvera sa crédibilité », a martelé le procureur général Fallou Doumbouya.
Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : 00224 666 134 023
Créé le 2 juin 2025 18:09Nous vous proposons aussi
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