Ibrahima Diallo, étudiant à l’Université Islamique de Niamey: « La famine nous ronge ici… »

Saliou Ibrahima Diallo

NIAMEY-Vous ne le saviez peut-être pas ! Le Niger, pays du SAHEL, considéré comme l’un des plus pauvres au monde, accueille plusieurs dizaines d’étudiants guinéens. Ils sont environs 220 étudiants recensés, mais ce chiffre n’est pas exhaustif.  La majorité étudie à l’université islamique de Niamey. Ces étudiants ne bénéficient d’aucun soutien de la part de l’État guinéen. Certains y vivent avec leurs épouses. Les difficultés ne manquent pas. Comment vivent-ils dans ce pays ? Comment financent-ils leurs études ? Quel message ont-ils pour le Gouvernement guinéen ? Saliou IBRAHIMA DIALLO, étudiant en Langue et Droit s’est confié à Africaguinee.com.


AFRICAGUINEE.COM : A combien peut-on estimé le nombre d’étudiants guinéens au Niger ?

SALIOU IBRAHIMA DIALLO : Nous sommes environ 220 étudiants -filles et garçons- officiellement recensés. Il y a d’autres qui ne sont pas dans le registre, mais nous savons qu’ils sont là. Ce qu’il faut savoir également, ces étudiants guinéens sont éparpillés entre les écoles du pays, mais c’est à l’université islamique du Niger -qui a une extension dans la sous-préfecture de Say à 45km de Niamey- où il y a un nombre plus important d’étudiants guinéens. Cette université avait pour vocation, l’enseignement des principes islamiques.  Mais maintenant, l’enseignement est élargi à toutes les branches d’études. C’est une école offerte à l’Afrique de l’Ouest par le roi d’Arabie Saoudite. Elle est financée l’Arabie Saoudite. Des sources confient sur place que c’est en Guinée qu’elle devrait être construite, finalement le consensus est tombé sur le Niger.

Tous les 16 pays de l’Afrique de l’Ouest ont des étudiants à l’université islamique du Niger. Les filles sont à Niamey et nous les hommes, sommes à Say. Il y a 5 ans de cela, nous n’avions que des cours islamiques, maintenant ils ont évolué avec des filières françaises et autres comme l’économie, l’informatique, le journalisme. Les mêmes filières sont enseignées en arabe aussi. La transversalité est là. A côté, il y a la formation en arts martiaux. Le karaté précisément est obligatoirement. Vous suivez la formation suivant le cycle universitaire de la 1ère à la 4ème Année. Vous sortirez avec la ceinture noire.

En plus de ça, c’est une obligation de faire l’école professionnelle pour apprendre un métier. Tu as un choix à faire : la menuiserie, la maintenance informatique, l’électricité ou la mécanique. A la fin de vos études, au même moment, vous aurez à la fois votre diplôme de l’université et celui de la formation professionnelle. Les trois vont de pair.

La vocation de l’université islamique, c’est de sortir des étudiants vendables, parce que le constat révèle que tous ceux qui sortent des écoles islamiques ne deviennent que des maitres coraniques, des chroniqueurs islamiques, des imams alors qu’ils peuvent être autre chose s’ils ont la formation. Ceux qui font des études en français payent. Par contre nous les arabisants, nous ne payons que l’inscription à la rentrée, les cours sont gratuits. Les principales filières restent la charia et la langue arabe.

Comment faites-vous pour vivre ?

C’est un régime d’internat. Il y a des dortoirs au sein du campus. Mais pour avoir plus d’intimité, certains parmi nous préfèrent vivre ailleurs. Il y a des étudiants guinéens qui ont fini les études au pays, ils sont là pour approfondir. Donc, ces derniers vivent avec leurs épouses et leurs enfants. Cette catégorie comme moi, ne peut pas loger dans les dortoirs où plusieurs partagent une même cabine. C’est 4 étudiants par pièce. Ce n’est pas facile de laisser sa femme au pays, vaut mieux de venir avec elle et étudier ensemble. Dans le village qui abrite l’école, nous sommes logés dedans à nos frais. La vie coûte excessivement chère ici, une petite chambre coute jusqu’à 20.000FCA ici et je précise c’est au village, en ville c’est beaucoup plus cher.

L’école ne prend en charge que les cours. Tout le reste (nourriture, logement), c’est à vous de chercher. Il faut serrer la ceinture pour vivre avec 25.000CFA (environs 345 000gnf) par mois. Nous savons que 25000 CFA ne nourrissent pas une personne à plus forte raison une famille. Là aussi, pour que les 25000CFA couvrent le mois, il faut se concentrer avec un seul repas ou deux repas par jour. Ce qui est largement insuffisant La technique, il faut attendre en début de soirée pour manger, tu te concentres comme ça jusqu’au lendemain à la même heure. Manger à cette heure, c’est une façon de déjeuner et diner en même temps. C’est un moyen de substance.

Il y a une catégorie qui a deux repas à plein temps, mais c’est rare.  Il y a d’autres étudiants qui ne peuvent pas gagner ce montant ici. Des guinéens venant toutes les régions sont là, nous vivons au sein d’une association des étudiants guinéens au Niger. Nous sommes heureux d’une chose : la politique pratiquée en Guinée ne nous pas impactée ici. La seule chose que l’État peut faire pour nous, c’est nous accorder des bourses d’entretiens pour nous soulager par rapport aux coûts de la vie, c’est vraiment dur.

Parmi les 16 pays de la sous-région qui ont des étudiants ici, c’est seulement la Guinée qui ne fait aucune aide pour ses étudiants. Nous prions l’État guinéen de changer la donne. Nous n’avons aucun soutien. Il y a des pays qui assurent les frais de voyage aller et retour pour leurs étudiants, d’autres ont pris de logements sur place pour leurs étudiants. En cas de maladie ; il y a une ligne pour les soins. Même au mois de ramadan, ils pensent à leurs étudiants, des pays qui sont plus pauvres que la Guinée.

Je viens de me rendre compte que la Guinée ne sait même pas qu’elle a des étudiants guinéens au Niger (RIRES).

Que ça soit le ministère des étrangères ou le ministère de l’enseignement supérieur, aucun de ces départements ne sait que nous sommes par là. Vous voyez le disfonctionnement ? Ceux qui viennent pour le MASTER ou le DOCTORAT, à un moment on pensait qu’il venait de la part de l’État, mais non, nous avons compris qu’ils bénéficient des bourses à travers des organisations pour venir faire une courte durée et retourner. L’État guinéen ne fait rien dans ce sens. Nous demandons à l’État guinéen de se réveiller pour ce qui est de la diplomatie. Ici c’est la famine qui ronge les étudiants guinéens avec une chaleur torride qui impacte vraiment les études.

La Guinée ne dispose pas d’une ambassade au Niger. A qui vous vous adressez si vous avez des difficultés ?

Comme vous le savez déjà, c’est l’ambassade de Guinée à Bamako qui couvre les guinéens du Niger. Ici, à Niamey il n’y a pas de consulat, mais nous avons un représentant ici qui est Nigérien. Il nous aide comme il peut. On l’avait désigné par le biais de notre ambassade de Bamako à cause des problèmes importants que des guinéens qui traversent le Niger pour l’Europe rencontraient. Et à chaque fois qu’il y avait des retours volontaires des migrants par la route, on le ramenait jusqu’au Niger. C’est là qu’on fait le tri pour que chacun soit reconduit vers son pays.

Donc, l’ambassade de Guinée à Bamako recevait tellement d’appels pour régler des cas de guinéens, qu’il a fallu qu’on trouve quelqu’un qui gère cette situation sur place. On ne peut pas l’appeler consul parce qu’il n’en est pas un. Il fait juste des aides ce n’est pas un représentant diplomatique. Lors de mon dernier séjour en Guinée, j’ai expliqué les problèmes que nous avons au Niger au niveau du ministre des affaires étrangères. Ils ne savaient même pas qu’il y a un nigérien qui aide les guinéens. Avoir même son numéro a posé problème.  Ça m’a conforté davantage que le Monsieur n’agit pas au nom de la Guinée de façon officielle.

Sinon pour tous les pays du Monde ils savent qui appeler pour avoir les nouvelles de leurs concitoyens. Comme je vous le dis c’est un Monsieur qui remonte des informations à l’ambassade du côté de Bamako. Si vous voulons aller en Guinée, avoir même le laissez-passer pose problème, c’est récemment qu’il a commencé à faire ces documents pour faciliter notre voyage pour franchir les barrages. C’est document qui n’a presqu’aucune valeur. Au pire moment du coronavirus, le Niger a fermé tout même entre les villes. Les gens ont failli mourir, chacun voulait rentrer mais par quel moyen ?

Mais le Burkina avec une diplomatie forte a envoyé des bus pour ramener ses étudiants au pays parce que la vie était dure en cette période.  Les gens sont partis auprès de leurs familles, les guinéens sont restés sans appui et sans aucune attention, d’autres pays ont envoyé des vols. Nous guinéens avions juste demander un papier d’autorisation de sortie émanant de l’État guinéen en vain. Beaucoup sont partis clandestinement pour ne pas mourir ici de faim. Nous sommes allés dans des zones occupées par les terroristes au Mali vers Gao. C’est Dieu qui nous a sauvé, ils nous ont retenus longtemps et puis nous ont dépouillé de tout avant de nous laisser partir.

Est-ce que vos documents guinéens -passeport, carte nationale d’identité, carte consulaire- délivrée vous facilitent pas les mouvements ?

C’est vraiment compliqué tout ça. Nous demandons à l’État guinéen de nous donner des documents solides et crédibles qui nous permettront de voyager librement parce que nous souffrons doublement et pour les déplacements et pour vivre. Les Burkinabés et les maliens nous rendent la vie impossible pendant la traversée.  La tracasserie est de trop si vous sortirez des documents guinéens. C’est comme si nous ne sommes pas dans l’espace CEDEAO.

Entretien réalisée par Alpha Ousmane BAH

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 27 juillet 2022 21:08

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