Gambie : l’autre facette cachée de l’héritage « traumatisant » de Jammeh…

Yahya Jammey

BANJUL- La presse gambienne respire un air de liberté depuis départ d’exil de Yahya Jammey qui a quitté le pouvoir en 2017, après 22 ans de règne autoritaire sans partage, dans ce minuscule pays anglophone enclavé dans le Sénégal.

Assassinat, intimidation, emprisonnement, disparition, exil, le régime de Jammey a laissé un héritage médiatique traumatisant en Gambie. Depuis l’arrivée de Adama Barrow au pouvoir, les langues se délient, la parole se libère. La presse gambienne sort de sa torpeur, mais elle a toujours du mal à oublier les atrocités qu’elle a subie pendant le règne autoritaire de Jammey.

De l’assassinat de Deyda Hydara fusillé par les Junglers au volant de sa voiture en 2004, ou encore de la disparition Chief Ibrahima Manet déclaré mort plus tard, des arrestations, des emprisonnements, cette somme d’exactions est encore fraiche dans la mémoire collective des  journalistes gambiens qui ont survécu à la tourmente du régime de Yahya Jammeh. Nous avons rencontré certains d’entre eux à Banjul.

Binetou Jammeh membre de l’organisation pour la défense des journalistes  en Gambie précise que la presse a fait fléchir les nouvelles autorités sur un certains points importants mais l’accès à l’information reste un défi majeur.

« Le nouveau gouvernement a reculé face à une mesure qui rendait la tâche difficile aux journalistes. Il avait exigé à la presse pour tout entretien avec le président ou un haut cadre du gouvernement de se rendre au State house pour transmettre aux services de renseignements toutes les questions que vous allez poser. Et ça prenait du temps avec la censure de certaines personnalités, parfois on vous oppose un refus. Finalement notre organisation et l’ensemble de la presse ont  dénoncé cette mesure jusqu’à ce qu’elle ait été levée. Maintenant tu peux prendre rendez-vous directement avec ton interlocuteur. Ce qui pose problème, c’est l’accès à l’information directe du côté du gouvernement. Nous qui sommes dans les radios, nous sommes obligés de faire recours aux informations des journaux écrits pour informer nos auditeurs. Le gouvernement avait demandé à ce que chaque organe fournisse un journaliste qui sera accrédité pour rencontrer le président en cas de besoin, mais ce n’est pas effectif encore. En dehors de ça, nous jouissons d’une certaine liberté depuis l’arrivée de Barrow », explique Binétou Jammeh.

A Westfield où le journal bilingue (français/Anglais)  ‘’THE POINT’’ s’est nouvellement installé, le vent de liberté qui souffle en Gambie est bien perceptibe, mais les séquelles du traumatisme laissé par le régime précédent sont encore présentes. Les travailleurs de ce journal cofondé par feu Deyda Hydara tué en 2004, ont encore en mémoires la tragique disparition de ce journaliste. Sexagénaire, le doyen Pape Saine l’ami d’enfance de Deyda  devenu son collègue de travail a été malmené et conduit en prison après l’assassinat de son ami. L’objectif, c’était de fermer le journal devenu quotidien.

Pape Saine souvient : « Deyda a été tué par les gardes corps de Yahya Jammeh alors qu’il était dans sa voiture dans la soirée du 16 décembre 2004, il y avait un taxi non immatriculé qui le suivait. Selon les témoignages, c’est les gens qui étaient dans ce taxi qui l’ont fusillé trois(3) balles qui ont touché la tête et la poitrine. Nous avions suspecté deux officiers militaires qui ont pris la fuite. Il s’agit d’un colonel du nom Sana Mandian et un général Kaoussou Djibé Camara. Au-delà de Deyda, Omor Barrow journaliste de la radio Sud Fm avait été tué lors d’une manifestation d’étudiants, et il y a chief Ibrahima Manet porté disparu en 2006. C’est récemment qu’on déclare qu’il était mort. Je peux confirmer l’assassinat de ces 3 journalistes. Après l’assassinat de mon collègue et ami Deyda Hydara, j’ai eu beaucoup de problèmes, je suis jeté en prison. Yahya Jammeh voulait m’éliminer parce que pour lui, il fallait faire en sorte que notre journal s’arrête d’un coup. Je rappelle que Deyda était un journaliste très brave qui aimait son travail. Nous avons commencé notre carrière en 1970 dans une radio appelée Sud FM. C’est en 1991 que nous avons monté le journal THE POINT. Mais maintenant la presse commence à connaitre la liberté. A l’heure qu’il fait, aucun journaliste ne se trouve en prison on travaille librement » se rappelle Pape Sène.

Journaliste à la radio Teranga Fm, Mariama Jallow se souvient avoir été convoquée par le NIA après  l’évasion de son directeur Aladji Cissé à la prison de Mail 2. Leur radio a été fermée à plusieurs reprises et le PDG s’exile.

« La presse aussi a trop subi sous le régime de Yahya Jammeh qui considérait certaines de nos émissions comme un affront surtout quand on donnait la parole à l’opposition. Il n’y avait que notre radio qui faisait des éditions d’informations, les autres se contentaient de l’animation simple. Teranga avait pris le courage de dire certaines choses et donner la parole à l’opposition. Quand le président s’est rendu compte, il a voulu arrêter le PDG Ismael Cissé  qui s’est exilé, il est venu fermer la radio pendant 3 ans. Il a rouvert la radio par après, Aladji Cissé le fils du PDG a pris les commandes, il fut lui aussi arrêté. La radio a été fermée encore parce qu’on continuait à donner la parole à l’opposition. Aladji Cissé a réussi à s’évader de la prison, ils m’ont convoqué avec mes collègues au NIA où nous avons été interrogés. Mais nous avons été libérés heureusement. Maintenant on respire un peu, les débats sur la gouvernance se font partout sans problème avec des critiques acerbes contre l’actuel régime », témoigne la journaliste.

Fraichement rentré au pays pour appuyer le journal « The Point » fondé par son père tué par les sbires Jammeh, Baba Hydara fils ainé de Deyda Hydara a rappelé les circonstances dans lesquelles il avait appris l’assassinat de son père alors qu’il faisait des études à Amsterdam.

 « C’est encore frais dans ma tête, ce 16 décembre 2004, je faisais des études à Amsterdam quand ma sœur qui était à Londres m’a joint au téléphone pour m’informer de l’assassinat de mon père. Moralement touché après la triste nouvelle je me suis envolé pour la France où j’ai décidé d’affronter le régime de Jammeh. Je savais que mon père était le représentant de RSF (reporters sans frontières) et correspondant de l’AFP. Il travaillait partout où il était question de défendre les droits de l’homme ou pour la liberté de la presse. C’est un journaliste qui était directe qui dénonçait l’injustice, la souffrance des populations, il demandait au régime de ne pas être violent avec les citoyens. Sa rubrique qui dérangeait le régime c’est celle qu’on appelle ‘’GOOD MORNING MISTER PRESIDENT’’ dans laquelle il dénonçait tout. RSF à travers Leonard Vincent du bureau s’est particulièrement impliqué dans l’enquête, il s’était rendu en Gambie pour son propre rapport, mais les autorités gambiennes se sont rendu compte de son passage. La deuxième fois ils lui ont refusé le visa. Pour ce qui est de la justice, le nouveau gouvernement de Barrow avait lancé un mandant d’arrêt contre Sana Mandian et Kaoussou Camara mais avec la commission vérité réconciliation tout s’était arrêté d’abord. Mais  je pense que après ça, on va traduire les gens en justice », confie Baba Hydara.

Interpelé sur les exactions du régime Jammeh, Sidy Ndiaye qui a été député pendant 10 ans, puis   ministre de l’information et porte-parole du gouvernement de Yahya Jammeh, indique que les gens exagèrent parfois dans leurs déclarations.

« Le plus souvent, les gens font des abus de langage sinon c’est vrai qu’aucun pouvoir  n’est parfait. À certains moments, les pouvoirs commettent des erreurs mais si vous regardez bien ce qu’on dit à l’étranger est souvent différent de la réaliste sur le terrain en Gambie. Si vous prenez ce qui se dit souvent sur les réseaux sociaux est différente de la réalité. Le prédisent était un homme de parole, il applique ce qu’il dit, c’est ce que certains qualifient de lois trop dures. Les assassinats des journalistes et autres dont vous parlez je l’ai appris comme vous je ne dirai rien. Le temps que j’ai été ministre de l’information aucun journaliste n’a été arrêté aucune radio n’a été fermée. Au temps de Jammeh on ne disait pas tout,  mais avec le président Barrow même ceux ne sont pas journalistes se font passer comme des journalistes, on dit tout sans limite » indique Sidy N’diaye

Reportage réalisé en Banjul par Alpha Ousmane Bah(AOB)

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 16 décembre 2019 15:44

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