Forces vives de Guinée : Une coalition de « façade » ?
CONAKRY- Après la chute du régime d’Alpha Condé le 5 septembre 2021, plusieurs entités d’origine politique, syndicale et de la société civile du pays se sont réunies pour former une plateforme commune de lutte dénommée les Forces Vives de Guinée. Son objectif ultime est le retour rapide à l’ordre constitutionnel. Mais après près de 3 ans d’exercice, cette coalition d’entités qui étaient antagoniques hier peine à s’affirmer véritablement face aux militaires qui sont aux commandes du pays. Ses différents mots d’ordre (ville-morte et manifestations de rue) lancés ces derniers temps dans un contexte de restriction des libertés ont été peu suivis. D’ailleurs, des dissensions apparentes ont surgi au sein de cette entité à propos de l’avant-projet de la nouvelle constitution et des manifestations de rue. Au point que certains s’interrogent sur la « sincérité » de cette alliance de circonstance. Certains membres de la coalition tentent de rassurer que tout « va » bien, mais au fond ce n’est pas autant cela. Le ver est dans le fruit. Explications.
« Je vous assure, malgré nos intérêts particuliers, nous avons les mêmes préoccupations et nous sommes engagés à travailler pour le respect des libertés dont celles de la presse et d’opinion mais aussi l’arrêt du harcèlement judiciaire contre les acteurs sociopolitiques du pays, bref, nous avons le même objectif », tente de rassurer Abdoul Sacko.
Les quelques divergences de point de vue ne signifient aucunement que les Forces Vives sont une alliance de façade, selon le coordinateur des forces sociales. Certes chaque entité membre des Forces Vives de Guinée défend ses propres intérêts mais il n’y a aucun problème entre les leaders puisque tous ont le même objectif et visent une même finalité, explique cet acteur de la société civile.
Pourtant l’Union sacrée, une autre branche des forces vives s’est désolidarisée de la manifestation du 05 septembre dernier. Pour Abdoul Sacko, il n’y a pas d’amalgame possible. Selon lui, l’Union Sacrée des Forces Vives n’est qu’un processus inachevé d’intentions et de ralliement de partis politiques ayant pris part au simulacre de dialogue inter guinéen.
« Les frustrations nées de la gouvernance actuelle ont contraint cette prétendue Union sacrée à mener des démarches en direction des Forces Vives de Guinée pour la création d’un bloc. Lors de nos réunions de concertations, des entités des Forces Vives de Guinée se sont catégoriquement opposées estimant qu’en face on avait plutôt des frustrés que des gens de convictions. Pour elles, cette démarche consistait plutôt à dire au CNRD ‘’si vous ne portez pas attention à nos intérêts, nous allons nous rallier à l’autre poids qui est très représentatif du paysage politique et social du pays’. Bref après toutes les tractations, aucune entité membre des Forces Vives de Guinée n’avait eu confiance aux gens », témoigne Abdoul Sacko.
Au RPG arc-en-ciel, ancien parti au pouvoir, un responsable explique que les Forces Vives de Guinée ont des objectifs généraux que chaque entité membre est en train de défendre vigoureusement.
« Nos objectifs communs c’est le retour à l’ordre constitutionnel au plus tard le 31 décembre 2024, la fin des poursuites judiciaires contre les acteurs sociopolitiques, la libération de ceux qui sont en prison, l’acceptation que tous ceux qui sont en exil soient de retour pour qu’ensemble il y ait un dialogue inclusif et ouvert à tous » explique Marc Yombouno. L’ancien ministre du commerce s’est aussi vertement pris au comportement ‘’peu honorable’’ de certains responsables des partis politiques qui avaient participé à l’atelier du CNT à Kindia.
« Si individuellement chaque parti qui avait participé à l’atelier du CNT à Kindia avait fait des annonces à son propre nom sans associer sa coalition, je crois qu’il n’y aurait pas cette cacophonie. Mais le fait de parler au nom de l’ensemble alors que l’ensemble n’a pas été invité administrativement ça crée la confusion. Donc il n’y avait pas de porte-parolat pour parler au nom de l’Union sacrée des Forces Vives de Guinée parce que l’entité en tant que telle n’a pas été invitée. Ce sont des présidents de partis qui étaient invités individuellement ou leurs représentants. Chacun devrait parler seulement au nom de son parti politique », a-t-il fustigé.
Marc Yombouno doute également de la sincérité de l’engagement de certains à ne lutter que pour le retour rapide à l’ordre constitutionnel et le transfert du pouvoir aux civils.
« Jusqu’à preuve du contraire, en tant que politicien, j’ai confiance en la personne avec laquelle je collabore mais cela ne veut pas dire que la confiance est éternelle. Au fait, nous sommes actuellement dans une réflexion parce qu’il y a un Conseiller du CNT qui a récemment dit qu’à Kindia ‘’des partis politiques non des moindre ont sollicité que le président de la transition viole son serment pour se présenter aux futures élections’’. Ce Conseiller a dit encore que beaucoup d’acteurs politiques qui étaient à Kindia et qui ont eu des échanges avec lui ont sollicité ‘’de ne pas introduire les articles 45, 55 et 65 de la charte de la transition, qui excluent les autorités actuelles des institutions d’après transition’’.
Mais puisqu’il y avait beaucoup de partis politiques, je ne saurais dire lequel a fait ces propositions. Donc cela nous amène nous autres à réfléchir sur la sincérité au sein du groupe (les Forces Vives de Guinée dlr). Visons-nous les mêmes objectifs politiques ? Ou bien il y a d’autres stratégies que certains chercheraient à mettre en œuvre pour atteindre leurs objectifs personnels ? Donc nous sommes en train d’analyser », révèle Marc Yombonou.
Selon Fodé Baldé de l’UFR (Union des Forces Républicaines), parti membre du FNDC Politique, la principale revendication des FVG c’est le retour à l’ordre constitutionnel conformément aux engagements pris par le CNRD auprès de la CEDEAO’’. A côté de cet objectif commun, chaque autre entité a ses propres revendications considérées comme subsidiaires.
« Cela ne peut pas empêcher les partis politiques d’exister, d’exprimer leurs revendications subsidiaires qui sont importantes à leur niveau. Mais c’est pourquoi nous nous retrouvons au sein des Forces Vives c’est pour qu’on puisse assister au retour à l’ordre constitutionnel conformément aux engagements pris auprès de la CEDEAO. Les choses ne sont pas décalées, seulement il y a le contenu et le contenant. L’essentiel est que la principale revendication soit le retour à l’ordre constitutionnel. A cela se greffent les revendications de chaque parti politique, par exemple : les revendications de l’UFR c’est le retour du président Sidya Touré et que la justice se prononce par rapport à sa résidence, que toutes les conditions de sécurité soient garanties pour que les leaders puissent rentrer.
Ces revendications sont partagées par l’UFDG et le RPG. Bien sûr il y a eu des crimes économiques dans le pays mais il va falloir que la justice fasse son travail en toute indépendance et non de façon ciblée. Quand on demande le retour des leaders en exil, effectivement c’est pour qu’on assiste au retour à l’ordre constitutionnel. Quand on demande une justice pour tous c’est pour que la justice soit au cœur de tout le processus de retour à l’ordre constitutionnel. En plus de ces revendications, aujourd’hui tout le monde demande la libération de Fonikè Menguè et de Billo Bah et que justice soit faite pour toutes les victimes », a expliqué Fodé Baldé.
« Les Forces Vives n’ont pas de problèmes ». C’est la position de Dr Edouard Zoutomou Kpoghomou. Ce cadre membre de l’ANAD pense à son tour que les ‘’petites divergences’’ qui sortent souvent entre les entités membres des Forces Vives ne peuvent pas être considérées comme un sujet de désaccord.
« Les entités qui forment les Forces Vives, une fois que les gens s’entendent sur les questions fondamentales qui les réunies, chacun au niveau de sa coalition répercute et défend ces points de vue. Mais il y en a d’autres qui sont dans un radicalisme beaucoup plus prononcé. Ce sont eux qui pensent que certains ne sont pas en train de suivre à la lettre ce qui a été dit et décidé. Sinon je ne pense pas que la discorde soit grande. Maintenant quand vous ajoutez à cela la dernière création qui est l’Union Sacrée, là c’est autre chose parce qu’on a voulu faire une super coalition malheureusement tout le monde n’est pas en train d’aller au même rythme et de suivre les mêmes principes qui ont abouti à la création de cette Union Sacrée.
Et cela a agacé certaines formations membres (des Forces Vives de Guinée ndlr) mais nous ne pensons pas que cela puisse continuer ainsi. Il faut bien qu’on trouve un terrain d’entente parce que si on n’est pas unis, ça va être compliqué. Bien sûr les partis politiques ne réussiront jamais à se mettre d’accord à 100% », a nuancé Dr Edouard Zoutomou Kpoghomou.
Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 666 134 023
Créé le 14 septembre 2024 10:32Nous vous proposons aussi
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