Dr. Hamidou Barry, DG de l’IST de Mamou : « On a une chaîne de production moyenne de 500 ordinateurs par jour… avec le label européen »
CONAKRY-La Guinée dispose désormais d’une unité d’assemblage de smartphones, d’ordinateurs et d’autres appareils électroniques. C’est l’Institut Supérieur de Technologie de Mamou (ISM) qui abrite ce pôle d’innovation technologique. Pour parler de cette unité d’assemblage, Africaguinee.com, a interrogé Dr Hamidou Barry, le directeur général de cet Institut. L’universitaire nous en dit tout. Entretien exclusif !!!
AFRICAGUINEE.COM : Les autorités guinéennes ont inauguré une unité d’assemblage d’ordinateurs, de laptop à l’institut supérieur technologique de Mamou. Parlez-nous de cette innovation technologique, qui est une première en Guinée…
Dr HAMIDOU BARRY : Vous savez, quand on est arrivé à la tête de l’institut en 2022, nous avons découvert un institut qui a beaucoup de potentialité mais aussi des défis. Donc, nous avons élaboré un plan stratégique 2023-2027 dans lequel nous avons prévu la mise en place d’une salle de Travaux Pratiques en électronique.
Seulement, il s’avère que nous n’avions pas assez de moyens pour pouvoir vraiment faire cette salle de TP (travaux pratiques). C’est ainsi qu’on a contacté un partenaire privé avec lequel on a formalisé l’idée d’une unité d’assemblage d’appareils électroniques. C’est-à-dire l’unité d’assemblage de laptop, d’Android et de tablette. Donc, c’est comme ça que l’idée est partie avec le partenaire en question.
Concrètement qu’est-ce que vous fabriquez au sein de cette unité d’assemblage ?
En fait, l’idée avec l’unité, comme je vous l’ai dit, c’est d’abord et avant tout une salle de TP mais elle a un côté industriel exploitable. Donc avec le partenaire, on a contacté une entreprise chinoise Green View qui est l’une des plus grandes entreprises au monde dans le domaine, et qui, en tant que partenaire technique, nous fournit des pièces détachées. Et nous, on fait l’assemblage ici par nos étudiants formés à l’institut.
Mais il n’y a pas que les ordinateurs, les tablettes et téléphones androïdes, cette unité concerne les feux de signalisation tricolores, les vélos et motos électriques. Vous savez, on a déjà produit des feux de signalisation qu’on a installés ici à Mamou et à Kankan, nous disposons déjà de cette technologie. Donc on pourra utiliser cette plateforme-là pour faire le montage en série de ces feux aussi.
De plus en plus on avance vers l’électronique. Nous, nous voulons aujourd’hui que notre pays aussi s’aligne vers cette technologie surtout en commençant par la petite échelle, les vélos électriques et les motos ensuite.
La deuxième composante qui va venir très bientôt concernera maintenant tout ce qui est électroménager. En gros, ce qui a été lancé, c’est pour la première composante, c’est-à-dire : laptop, téléphone Android, tablette, et vélos électroniques.
Quelle est la quantité que vos équipes peuvent produire par journée ?
On a une chaîne de production en moyenne de 500 ordinateurs par jour. L’avantage qu’on a, c’est qu’aujourd’hui, on a le label européen. L’ordinateur qu’on monte ici à Mamou a la certification Européenne. Donc c’est vraiment un ordinateur de très bonne qualité. Nous nous sommes assurés de prendre en compte toutes les erreurs éventuelles dans le domaine pour pouvoir éviter d’avoir des problèmes de retour des matériels ou des produits de bas de gamme.
Ces étudiants qui procèdent au montage, ils sont de quel niveau d’études ?
Sont admis à l’unité, nos étudiants de la 2ème année. Dans la cohorte actuelle, il y en a de la 3e année et des sortants. Pour nous c’est un peu bénin, c’est des étudiants qui ont déjà fait de l’électronique en classe, qui font de la soudure électronique, donc ils savent c’est quoi les composants électroniques, monter des composants électroniques n’est pas compliqué pour eux, ils ont déjà des éléments dans le laboratoire qui leur permettent de faire ces genres de travaux. Peut-être, la partie la plus compliquée c’est comment souder par exemple les plaques entre elles, mais puisqu’ils font déjà la soudure électronique en classe, c’est beaucoup plus facile pour eux de pouvoir le faire.
Vous dites que par exemple vous faites en moyenne 500 montages par jour. Est-ce uniquement pour les ordinateurs ?
Oui, maintenant quand il s’agit des téléphones ils vont multiplier par 1,3, on peut aller à plus de 1000 pour les téléphones et tablettes, car ce n’est pas le même gabarit, ce n’est pas forcément la même complexité non plus.
Parlant des débouchés, est-ce qu’à ce jour, vous avez des gens qui sollicitent l’achat de ces ordinateurs auprès de votre institut ?
Bien sûr, pour la phase de lancement on a déjà reçu une commande de 2500 ordinateurs.
Est-ce la part des autorités ou bien des privés ?
Il y a une partie de la commande qui vient des institutions d’enseignement supérieures publics, mais la grande partie c’est le privé.
A date, quels sont vraiment vos besoins pour pouvoir aller au-delà de cette prouesse que vous venez d’accomplir ?
D’abord, je pense que ce qui est rassurant c’est que déjà les autorités en place épousent le projet, ils pensent que c’est un bon projet, ils l’accompagnent. Maintenant, ce que nous souhaitons c’est cet accompagnement continu, et voir si possible que l’État nous passe la commande publique. En le faisant, l’État nous permettra de perpétuer cette initiative, de faciliter l’accès à des appareils de qualité à moindre coût de booster l’emploi jeune, et de régler le problème des stages et TP pour les étudiants qu’on forme.
Donc nous sollicitons un accompagnement accru du gouvernement via la commande publique, même s’il faut qu’on soit en concurrence avec les autres, parce que partout c’est comme ça qu’on crée des champions.
Deuxièmement, nous invitons vraiment les Guinéens à croire en la Guinée, à croire en ce que nous faisons. Et c’est comme ça, petit à petit que vous allez voir que d’ici quelques mois ou quelques années, qu’en lieu et place d’assembler, nous serons capables nous-mêmes de fabriquer nos propres produits, et le pays n’en sera que gagnant.
Donc, à l’État d’accompagner l’initiative, et au public de savoir que c’est un produit Made in Guinea, qui appartient d’abord aux Guinéens. Voilà un peu ce que nous sollicitons des uns et des autres.
Quelle est la marque qui sera attribuée à ces appareils ?
C’est la marque GTI, (La Guinéenne des Technologies et de l’Innovation). Mais en anglais, c’est Guinea Technologies and Innovation.
En termes de certification, où est-ce que vous en êtes ?
On a la certification européenne.
Vous avez invité vos compatriotes guinéens à croire à ce que vous faites. Quelle assurance donnez-vous par rapport à la garantie de vos produits ?
Oui, le laptop, tout ce qu’on fait ici, c’est une garantie d’un an. Si vous l’achetez, on vous donne une garantie d’un an. En cas de problème, c’est nous qui prenons la réparation en charge. On a un service après-vente.
L’une des difficultés à laquelle on a vite paré, c’est la question des pièces de rechange. Et ça, on a réglé ça dès le départ, avant même le lancement. Aujourd’hui, si vous achetez avec nous, vous avez une garantie d’un an. En cas de problème, vous nous ramenez on répare.
Comment se procurer de ces appareils ?
Soit il adresse une demande à l’Institut ou il adresse directement au partenaire qui fait l’exploitation.
Quelles sont vos perspectives pour les prochaines années ?
L’ambition, c’est de faire de l’Institut une école industrielle. C’est une école autour de laquelle s’installent des industries qui permettent non seulement de faciliter la formation pratique pour les étudiants, mais aussi de pouvoir exploiter nos brevets. On a plusieurs brevets qu’on n’arrive pas à exploiter du fait du manque d’investissement dans le domaine. Si demain, on a un tissu industriel tout autour qui exploite ces brevets, vous imaginez les retombées qui vont arriver, non seulement pour le pays, mais aussi pour l’institution.
Donc, c’est de faire démultiplier ces initiatives-là. C’est pourquoi nous appelons les privés à nous accompagner, à croire en nous, à croire au pays, mais pas tomber dans l’afro-pessimisme ou le guinéo-pessimisme au quotidien. Et dire que c’est possible, on peut y arriver.
Nous, on l’a démontré, on a montré que c’est possible, on peut y arriver. C’est difficile, oui, mais on peut y arriver. Voilà, donc, que demain, Mamou soit pour la Guinée vraiment ce qu’est la Silicon Valley pour les Etats-Unis.
Mais, à la différence des Etats-Unis, nous voulons développer ça autour de l’institution d’enseignement supérieur qui est dédiée à la technologie. Voilà.
Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Créé le 14 novembre 2024 08:50Nous vous proposons aussi
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