Dr Faya Millimono : « Nous ne reculerons pas… »

Dr Faya Millimono, leader du Bloc Libéral

CONAKRY- Que compte faire Dr Faya Millimono après son inculpation par la justice guinéenne ? Comment lui et ses camarades du Front National pour la Défense de la Constitution comptent-ils empêcher l’adoption d’une nouvelle Constitution en Guinée ? Voici autant de questions que nous avons posées à Dr Faya Millimouno dans cette interview exclusive accordée à notre rédaction…

 

AFRICAGUINEE.COM : Vous êtes inculpé pour avoir dénoncé la prolongation du mandat des députés. Peut-on dire aujourd’hui que Dr Faya est seul contre tous ?  

DR FAYA MILLIMONO : Je ne dirais pas que je suis seul contre tous parce qu’il y a beaucoup d’acteurs politiques et de partis politiques qui pensent comme le Bloc Liberal.  Il y a beaucoup d’organisations de la société civile qui pensent comme le Bloc Liberal. Prenez l’exemple des Brassards Rouges qui sont en train de lutter contre un troisième mandat qui également luttent contre l’existence d’une Assemblée Nationale périmée. Depuis notre inculpation nous avons bénéficié du soutien de beaucoup d’acteurs politiques et sociaux. Tous les partis de la CPR (coalition politique pour la rupture) par exemple, il y a 8 partis qui ont témoigné la solidarité avec le Bloc Liberal. Il y a également Maitre Kabélé qui d’ailleurs dirige l’équipe des avocats qui défendent le Bloc Liberal, ses militants et son leader. Je ne dirais pas que le BL est seul contre tous.

Malgré votre appel les députés de l’opposition ont siégé quand même à l’Assemblée Nationale. Est-ce que vous allez continuer à appartenir dans le même camp politique qu’eux pour lutter contre la modification de la constitution et le troisième mandat ? 

Les gens souvent nous disent comment pouvez-vous être avec des gens dans un front pour la protection de notre constitution quand les mêmes personnes sont en train de siéger dans une Assemblée Nationale qui est périmée ? Nous disons que le BL est toujours dans sa position. Celle d’amener à libérer définitivement le peuple de Guinée. Par moment, nous avons des acteurs politiques qui adoptent la même position que nous, sur certaines questions. C’est par exemple le cas sur le combat que nous devons tous mener pour éviter un troisième mandat à notre pays.  Nous n’allons pas dire à ces partis là non ne venez pas vers nous pour lutter contre un troisième mandat, parce que vous faites autre chose.  Lorsqu’ensemble nous atteignons l’objectif de ne plus entendre parler de troisième mandat, chacun va évoluer tout seul. Il ne sera pas question pour le Bloc Liberal de dire non, nous allons abandonner la collaboration avec les gens. 

Même les membres du RPG-Arc-en-ciel qui ne sont pas d’accord avec un troisième mandat pour le Professeur Alpha Condé nous sommes prêts à travailler avec eux pour que notre pays puisse en fin vivre mieux. Nous ne sommes pas de l’opposition Républicaine. Nous appartenons à la CPR (coalition politique pour la rupture) qui compte 8 partis politiques.  Il y a d’autres partis politiques avec lesquels nous sommes en contact comme la GECI. C’est une plateforme qui est en train de se construire et qui voit de nouveaux membres venir. Et c’est la coalition qui va avoir le discours le plus cohérent pour présenter un nouveau contrat social au peule de de Guinée.

Certains estiment que votre inculpation vise à vous pousser à opter pour le silence.  Allez-vous reculer ?

 Nous ne reculerons pas ! Si on savait que la profondeur de nos convictions par rapport au combat que nous sommes en train de mener, on ne penserait pas qu’une inculpation était suffisante pour nous faire taire. Même un emprisonnement ne nous ferait pas reculer. Donc, ceux qui le pensent, nous tenons à rassurer tous nos militants, sympathisants, toute la population guinéenne qui croit en nous, que nous ne reculerons pas à cause de cette inculpation.

On voit naitre aujourd’hui beaucoup de mouvements contre le troisième mandat.  Es-ce une force ou un handicap selon vous ?   

Je crois que c’est une force. Ça prouve qu’au sein de la société guinéenne, que ce soit au sud, au nord, à l’est, à l’ouest et au centre, nous avons des guinéens qui ne veulent pas entendre parler du troisième mandat.  Et cela se comprend.  L’histoire, de notre pays nous a enseigné que le troisième mandat pour un président de la République ça coûte extrêmement cher pour le peuple de Guinée. Lorsque le Général Lansana Conté, malade, a procédé à la modification constitutionnelle pour se maintenir au pouvoir alors qu’il passait le plus clair de son temps au village à Wawa. Et le pays était dans les mains des vautours, chacun prenait ce qu’il voulait et faisait ce qu’il voulait. En 2006 beaucoup de guinéens ont été tués, en 2007 et 2008 la même chose. Tout cela a culminé le 28 septembre 2009 quand plus de 150 personnes ont été tuées au stade du même nom.  

Tout cela, c’est la conséquence directe de cette modification constitutionnelle qu’on a connue au début des années 2000.  On est allé à la faillite et il y a beaucoup de guinéens aujourd’hui, handicapés à vie. Es-ce que nous sommes prêts à revisiter cette page de l’histoire ? Je ne crois pas. C’est pour cette raison que vous voyez des mouvements, des associations, des partis politiques se lever un peu partout sur l’étendue du territoire national pour dire au professeur Alpha Condé ne tentez pas,  vous n’allez pas  réussir mais,  surtout vous risquez de sortir par la petite porte.

Revenons sur votre situation aujourd’hui, on vous a restreint certaines libertés au niveau de la justice. Où en êtes-vous au niveau de la procédure judiciaire ?

Nous sommes en train avec nos avocats de nous défendre.  L’ordonnance qui a mis un contrôle judiciaire sur moi a été attaquée en appel. Donc, nous attendons que la Cour d’Appel se prononce là-dessus. Nous souhaitons simplement que la procédure se déroule   selon les lois guinéennes et qu’on en vienne à constater que nous n’avons commis aucun délit.

Quel appel avez-vous à lancer à l’endroit de la population ?  

Nous sommes à un tournant décisif aujourd’hui dans notre pays. Nous avons un président qui s’est battu pendant 40 ans. Nous avions rêvé qu’il allait changer les choses au niveau de la démocratie pour la création d’un Etat de droit. Nous n’avons obtenu rien de tout cela. Les libertés sont en train d’être confisquées nous sommes en train de reculer dans tous les domaines. Lansana Conté quoi qu’on dise de lui, il est le père du multipartisme en Guinée, de la libéralisation des ondes et du libéralisme dans notre pays. Même s’il a fait beaucoup de dérapage et cela été accompagné d’impunité. Le bilan de Lansana Conté est clair dans la tête de tout un chacun, il a fait sa part. Là où il a mis la tache noire, c’est la modification constitutionnelle.  

Aujourd’hui, disons au professeur Alpha Condé qu’on ne veut pas remettre ce pays dans une situation de faillite comme celle dans laquelle il a trouvé ce pays.  Nous voulons continuer à aller de l’avant. Vous avez fait votre part nous le félicitons. Nous lui disons : prenez votre retraite et allez vous reposer pour le reste de vos jours. Mais si vous tentez nous sommes fermes là-dessus vous trouvez le peuple de Guinée sur votre chemin.  Ceux qui sont en train de chanter aujourd’hui nous faisant croire que sans vous le pays ne va pas bouger, ils seront les premiers  à vous jeter la pierre. Donc, inscrivez-vous positivement votre nom dans l’histoire de ce pays sinon ça sera exactement le contraire.

 

Interview réalisée par Bah Aissatou

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 655 31 11 14

Créé le 22 avril 2019 12:50

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