Crise politique en Guinée: Baidy Aribot répond aux accusations d’Alpha Condé et aux appels de la Communauté internationale (Interview)
CONAKRY- “Les guinéens ont leur destin en mains aujourd’hui’’! Le ton est ferme chez l’honorable Baidy Aibot qui invite ses paires de l’opposition à ne point reculer dans sa demarche d’organisation des manifestations de rue malgré les appels de la Communauté internationale. Dans cet entretien exclusif accordé à notre redaction, le Secrétaire national de l’Union des Forces Républicaines (UFR) dévoile une approche de stratégie pour une victoire de l’opposition contre le Chef de l’Etat Alpha Condé pendant les prochaines élections. Exclusif!!!
AFRICAGUINEE.COM: Honorable Baidy Aribot bonjour!
BAIDY ARIBOT: Bonjour Monsieur Diallo!
Vous êtes rentré récemment d’une tournée qui vous a conduit dans beaucoup de pays. Quel était l’objectif de ce long périple ?
J’étais en mission du parti. Le président de l’UFR m’a confié cette mission pour renforcer nos structures en Amérique du nord qui souffraient un peu de défaillances au niveau de l’organisation. Donc, il fallait travailler sur ces structures et travailler dans les différents Etats où il y a une forte colonie guinéenne afin de préparer les futures échéances électorales. C’est ce qui m’a conduit à Atlanta, Washington, New-York, Philadelphie, Baltimore, New Jersey. Tout s’est bien passé. On a même eu à créer une radio dénommée « UFR » qui est en phase d’être activée. Après cette mission, on est rentré avec une satisfaction parce que la mobilisation était au rendez-vous. Et, nous avons eu une structure de l’UFR en Amérique du Nord qui est capable de donner une position de leader à notre parti dans le paysage politique guinéen. Parce que ceux qui ont été choisis pour diriger les structures sont représentatifs au sein de la communauté guinéenne vivant aux Etats-Unis.
Cette démarche, c’est le prolongement de ce qui a été commencé en Guinée Forestière. Et très bientôt nous allons entamer aussi l’étape de l’intérieur du pays, avant de faire une autre tournée en Afrique de l’Ouest afin d’être à même prêt pour toutes les échéances électorales à venir.
Quelle est votre analyse sur la situation sociopolitique du pays qui, depuis quelques semaines est caractérisée par de violentes manifestations accompagnées de morts d’hommes et des dégâts matériels importants ?
C’est dommage qu’on soit arrivé à cela. On n’en avait pas besoin. Je ne comprends pas pourquoi le Pouvoir en place vit dans le déni et qu’il y ait des gens expérimentés dans la mouvance présidentielle et dans le Gouvernement qui cautionnent de telles choses dans leurs propos et leur manière de faire. Ils se sont engagés avec des gens sur des bases d’un document signé et approuvé (les accords politiques du 03 juillet qui prévoyaient l’organisation des élections locales avant la présidentielle, ndlr) par tous. Ils ont promis de régler un problème dont la paix sociale en dépend. Mais ils n'ont pas tenu leurs engagements . Alors, pour moi franchement, ils n’aiment pas ce pays. Ils veulent se servir de cette situation là pour assouvir leur haine, leur vision de vengeance sur les militants de l’opposition. Sinon, qu’est-ce qui peut pousser un Gouvernement, une armée, dans le cadre du maintien de l’ordre à tuer les populations de leur pays? Moralement, on ne peut pas comprendre ça. Surtout dans un contexte où les gens cherchent à fouetter leur économie pour satisfaire les besoins de leur population. On fait fi à cela et s’enfonce visiblement et sciemment.
Selon vous, l’opposition ne devrait-elle pas adopter une autre stratégie à part les manifestations de rue qui engendrent très souvent des cas de morts et de blessés ?
Mais qui provoque ces manifestations ? Que vous voulez vous que l’opposition fasse d’autres ? Elle a déjà réfléchi. L’opposition a tenu compte de l’urgence sanitaire, des fêtes religieuses, des fêtes nationales… et mieux, l’opposition a toujours averti. C’est pourquoi je vous dis que les gens d’en face (la Mouvance et le Gouvernement) n’aiment pas ce pays. Sinon, quand vous avez une opposition qui est abordable sur certaines questions pour vue qu’elles soient dans la forme, vous essayez quand même de manager les gens. Mais ce n’est pas ça, ils sont arrogants. Dans ça, comment peut-on promouvoir la paix s’il n’y avait pas eu d’accords signés et d’engagements pris, quel mobile l’opposition a pour sortir dans la rue ?
Un Sidya (leader de l'UFR), un Dalein (leader de l'UFDG), Un Kouyaté (leader du PEDN), qui sont des hauts cadres de ce pays, des managers confirmés qui ont fait des preuves dans la haute hiérarchie de ce pays, comment peut-on amener ces gens-là dans la rue pour marcher si ce n’est pas pour la Guinée ? Sinon des cadres comme ça, on capitalise leurs expériences.
Alpha Condé accuse l’opposition de vouloir amener l’armée à faire un coup d’Etat en semant des troubles dans le pays. Qu’en dites-vous ?
Qui est derrière ce chao? Encore une fois, l’opposition est dans son droit. On s’est entendu sur quelque chose qui doit être appliquée. Personne ne les a forcés à l’accepter. Ça s’est fait au vu et au su de tout le monde. Et le lendemain, ces gens-là se réveillent comme frappés comme par une sorte d’ineptie ou par l’Alzheimer, pour dire qu’ils ont tout oublié et qu’ils n’ont rien à voir avec nous. Ils biaisent les règles de la démocratie et de la transparence, et on veut qu’on reste comme ça bras-ballants. Ça ne peut pas se faire.
Etre dans l’opposition, c’est investir sur l’avenir, sur la conquête du Pouvoir, sur l’organisation du parti humainement et financièrement. Vos militants attendent de vous des objectifs clairs. Celui de la conquête du Pouvoir. Mais si vous arrivez à ce stade et que votre adversaire ne veuille pas jouer le jeu de la démocratie et aux engagements politiques, ça ne peut pas marcher.
Et les gens du pouvoir ont la manie de juger les manifestations de l’opposition selon la loi du nombre. Ils se leurrent. L’image de la Guinée quand il y a une manifestation, quand vous voyez les informations il n’y a rien d’encourageant qui puisse amener quelqu’un à y investir. Cela va dans l’intérêt de qui au prime à bord ? C’est le pouvoir qui a en charge de gérer le pays et qui est le garant de l’unité et de la paix du pays. C’est son image qui est écornée dans cette affaire. Donc, aujourd’hui, c’est le Pouvoir qui a intérêt à aller vers un dialogue sincère.
Dans ses accusations, le Président Alpha Condé a affirmé que ce sont les manifestants qui tirent sur les agents des forces de l’ordre et non le contraire. Votre réaction ?
Oui, c’est pourquoi je vous dis qu’on est dans le déni qui frise la frustration, l’arrogance et la haine. Mais bon Dieu qu’est-ce qu’on a fait pour que le guinéen mérite une telle situation ? Il est incompréhensible que des hommes en tenue, payés par l’impôt du contribuable guinéen tirent sur sa propre population, et que les institutions républicaines cautionnent, favorisent et ne disent rien. Au contraire ils vont dans le déni en disant que ce sont les militants armés qui se tirent entre eux. Ce qui veut dire qu’on est plus en politique (…).
Donc, vous pouvez par vous-mêmes tirer les conséquences d’une telle contradiction. C’est pour vous dire qu’il n’y a pas de cohérence au sommet de l’Etat. Tous les maux dont souffrent les guinéens à savoir la pauvreté et l’insécurité et autres sont le fruit de la contradiction politique menée par le Gouvernement. Ils ne constatent les choses qu’en terme épidermique et refusent de voir les choses en profondeur. Un jour on risque de voir cette situation s’embraser aux yeux de tout le monde.
Que dites-vous des différents appels au dialogue lancé par la Communauté internationale ?
Ces derniers temps franchement j’ai horreur d’entendre parler de cette communauté internationale. Elle est hypocrite. C’est quand il y aura bain de sang dans ce pays qu’elle va venir. C’est quand les guinéens vont commencer à s’entretuer et que la situation pourrisse qu'on verras cette communauté internationale à nos portes. Je ne veux pas entendre parler d’elle.
Pourquoi ?
Parce que quelque part, elle était là quand on signait les accords du 03 juillet 2013. Elle a cautionné, elle a créé l’espace pour ça. Elle a réuni les parties. Aujourd’hui, c’était son droit de dire à une des parties qui est en faute que ce n’est pas normal (…). Je ne veux pas entendre parler de cette communauté internationale. Les guinéens ont leur destin en main aujourd’hui. Moi je suis guinéen dans l’âme. J’aime mon pays. Je suis convaincu que ce pays peut gagner dans l’unité de ses enfants, il peut aller vers le progrès dans le dialogue sincère de ses enfants. Mieux que ça, en tant que militant de l’opposition, personne ne peut régler notre problème si ce n’est pas nous-mêmes. Personne ! Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Pas sur la communauté internationale, parce que pour moi, elle est abstraite, elle n’a pas de visage, je ne la connais même pas. Ceux veulent voir cette communauté internationale, ils n’ont qu’à aller. Moi Baidy, elle ne m’apporte rien, elle ne me dit absolument rien dans ce qui concerne les conflits en Guinée.
L’un de vos points de revendications porte sur une nouvelle recomposition de l’institution électorale du pays. Comment expliquez-vous que pendant ce temps vous participez aux différentes activités des démembrements de la CENI ?
Il faut scinder les deux. Le processus électoral et la CENI en elle-même sont deux entités et deux activités distinctes, mais pour un même objectif. Il faut lever l’équivoque qui taraude l’esprit des gens. L’opposition n’a jamais dit qu’elle ne veut pas aller aux présidentielles, elle n’a jamais dit aussi qu’elle ne veut pas d’élections dans ce pays. Elle n’a nullement dit qu’elle ne respecte pas la date prévue par la CENI pour les élections présidentielles. L’opposition a plutôt dit qu’elle avait des préalables qui sont biaisés dans leurs contextes et qui ont été ramenés à une vision d’aider le pouvoir en place dans son cheminement de fraude électorale. C’est ce que l’opposition conteste.
Les démembrements sont les véritables tenants du processus électoral. La ‘’real politik ‘’ voudrait qu’on continue de travailler dans le sens de ne pas permettre à cette CENI de faire le jeu du pouvoir, tout en continuant le combat qu’on mène pour que le processus électoral soit rétabli dans une transparence souhaitée.
Cette CENI a dans sa configuration actuelle une représentativité inacceptable. C’est vrai qu’au départ il devrait y avoir 10 représentants du pouvoir et 10 de l’opposition ; mais ça c’était avant les législatives. Mais la CENI actuelle dans son nouveau schéma n’a plus que trois représentants des partis de l’opposition, puis que ceux qui étaient là-bas au nom de l’opposition sont du côté du pouvoir. Ils ne peuvent plus être pour nous, des représentants de l’opposition à la CENI. Aujourd’hui, une institution représentative, légitimement composable en Guinée doit tenir compte du poids électoral de chaque parti. Vous avez des formations politiques à la CENI qui n’ont pas de députés à l’Assemblée Nationale, vous avez aussi des partis d’opposition dans cette institution qui sont de la mouvance présidentielle au Parlement, alors qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse avec cette situation-là ?
Le pouvoir avec cette configuration pouvait dire que cette situation n’est pas bonne, avant même que l’opposition n’en parle. Comme je vous l’ai dit, ceux qui sont là, ils s’en foutent, car chez les autres dès qu’il y a morts d’hommes, opposants ou partisans des autorités de ce pays en question prennent vraiment la mesure de l’ampleur. Mais en Guinée c’est le contraire.
Comment analysez-vous le retour de certains farouches opposants hier (Kassory Fofana, Boubacar Barry) aux affaires ?
Non chacun est responsable de son choix. Moi cela ne m’inquiète pas. En tout cas cela ne peut pas entamer notre volonté au changement avec notre électorat.
Est-ce que cela ne vous fragilise pas au sein de l’opposition ?
Pas du tout cela n’a aucun impact sur la position ou l’électorat de l’opposition. Ce que le président et sa mouvance oublient aujourd’hui, c'est que que le peuple honnêtement va voter contre eux. Tout ce que je dis est vérifié, car j’ai pris la mesure de la situation. Aujourd’hui aucun guinéen ne veut de ce pouvoir .La communauté internationale peut continuer à l’aider à se maintenir ou à le garder ici, mais les guinéens pour la grande majorité vont tourner la page en 2015. Maintenant cela dépend de la manière dont le résultat sera géré.
Je suis plus que convaincu que les guinéens voteront contre ce régime en 2015. Je parle avec certitude bien qu’ils déversent des milliards comme ils sont en train de le faire pour des réceptions et autres. C’est peine perdu parce que ce sera un carton rouge au finish contre ce régime. Le pourquoi de cette conviction, est que pour la plupart des gens ont compris qu’ils ne reçoivent de l’argent qu’à l’approche des élections où on les promet monts et merveilles.
C’est pour cela que je vous dis que l’unique alternative dont dispose l’opposition de nos jours c’est la candidature unique. Cela va transcender l’obstacle de l’ethno-stratégie qui permet à ce régime de se cramponner au pouvoir, une fois cela compris il y aura un engouement total chez tous les observateurs de la scène politique.
Interview réalisée par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 655 31 11 12
Créé le 1 mai 2015 12:26Nous vous proposons aussi
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