Conflit Iran-Israël : témoignages poignants de Guinéens de Tel-Aviv, éprouvés par les frappes iraniennes

TEL-AVIV – Depuis vendredi dernier, les cœurs ne sont pas tranquilles en Israël, à cause des frappes iraniennes qui s’abattent sur Tel-Aviv et d’autres régions du pays. Des ressortissants étrangers, tout comme les citoyens israéliens, vivent dans l’angoisse. Leur quotidien est rythmé par des nuits perturbées, des alertes à répétition, le hurlement des sirènes, des courses vers les bunkers pour se protéger, et un ralentissement généralisé des activités. Certains ne travaillent plus, d’autres sont en service minimum.
À l’image de tous ceux qui vivent sur le territoire de l’État hébreu, les Guinéens sont eux aussi profondément affectés par la situation. Africaguinee.com s’est rapproché de certains d’entre eux vivant en Israël, un pays où la communauté guinéenne reste très réduite et peu visible, contrairement à d’autres régions du monde.
Ce sont des témoignages saisissants que deux Guinéens, installés depuis entre 15 et 20 ans dans le pays, ont bien voulu partager.
« Présentement, nous vivons un moment compliqué. Le travail est perturbé. Nous sollicitons des prières auprès de nos parents en Guinée. Il est 1h du matin, une alerte vient de tomber, une bombe arrive. Nous allons dans les bunkers pour échapper. Depuis le déclenchement de la guerre vendredi passé, c’est le service minimum. Les rues sont désertes, beaucoup ne vont pas au travail. Les gens ne dorment pas. À tout moment, la sirène annonce de nouveaux bombardements. Les citoyens restent dans les maisons tant que le calme est là. Dès que l’alerte sonne, tout le monde fuit vers les bunkers pour se mettre à l’abri. Même si les gens dorment, dès l’alerte, chacun réveille l’autre pour aller se cacher », confie Ibrahima Barry, ressortissant guinéen très proche de la communauté guinéenne en Israël.
Pour les adultes, cette routine d’urgence est éprouvante, mais supportable. En revanche, elle devient extrêmement difficile à vivre pour les familles avec enfants.
« Pour les adultes et les jeunes, on peut comprendre ce va-et-vient. Ce qui est difficile, c’est de réveiller les enfants à tout moment pour aller au bunker, puis, quand le calme revient, remonter avec eux. Voici notre quotidien difficile », ajoute Barry.
Si des morts et des blessés sont signalés de part et d’autre, aucune victime guinéenne n’a été rapportée jusqu’ici.
« Des blessés et des morts sont déplorés, mais pour le moment, sur nos différents groupes d’échange, aucune mauvaise nouvelle concernant un Guinéen ne nous est parvenue. Nous avons même invité chaque Guinéen à ne pas négliger les alertes. C’est bien de laisser tout à Dieu, mais il faut aller, comme tout le monde, dans les bunkers. C’est un moyen efficace de se sauver.
Présentement, je ne travaille pas. Je suis à la maison avec la famille, comme beaucoup d’autres. C’est la situation que nous vivons actuellement. La paix doit revenir. Certaines familles dont les maisons ont été touchées par les bombardements sont envoyées par l’État dans des hôtels », ajoute-t-il.
Alpha Oumar Barry, la cinquantaine, vit en Israël depuis 15 ans. Employé dans une grande compagnie basée à Tel-Aviv, il continue de se rendre au travail malgré la guerre, même si l’angoisse est omniprésente.
« On se parle entre Guinéens ici. Certains travaillent un peu, d’autres restent à la maison par peur. Il y en a même qui ne travaillent pas du tout. Dans notre compagnie, il y a du travail, mais malheureusement tout tourne au ralenti à cause de la guerre. D’habitude, on travaille jusque tard la nuit. Aujourd’hui, à 18h, tout le monde rentre. Moi, je reste un peu pour gérer certaines choses, c’est pourquoi je suis là ; il est 23h50. Je reviens aussi à 8h30. Je fais partie de ceux qui prennent un peu plus de temps au travail, sinon tout le monde a peur ici, surtout les citoyens du pays », a-t-il confié.
Avec les technologies d’alerte intégrées, le risque est annoncé de manière automatique, ce qui déclenche une course contre la montre vers les bunkers.
« Tous les téléphones sont en alerte : il suffit d’utiliser un numéro local, et dès qu’une bombe est lancée contre le pays, une alarme se déclenche via votre téléphone. Un message en hébreu vous informe qu’une attaque vise Tel-Aviv dans 10, 11 ou 13 minutes. Ce même message invite chacun à descendre de son immeuble et à se réfugier dans un bunker. En général, cela prend entre 5 et 7 minutes pour atteindre le bunker le plus proche, car les bâtiments à étages n’offrent aucune protection. Certains immeubles en sont dotés, d’autres non. Mais on trouve des bunkers un peu partout : dans les parkings, les lieux de loisirs, les jardins ou d’autres espaces publics », précise notre compatriote.
« Là où je vis, le bunker est à seulement 200 mètres. En cinq minutes, j’y suis. Il me suffit de descendre de mon immeuble et de marcher un peu pour atteindre le sous-sol. Tout le monde s’y précipite. Chacun essaie d’aider les autres, la solidarité est forte. À chaque alerte, même si tout le monde entend la sirène, les voisins s’interpellent. Si je suis à la maison, mon voisin frappe fort à ma porte pour m’inviter à sortir. Je fais pareil pour d’autres. Tout cela pour prévenir ceux qui dorment, après des jours et des nuits sans sommeil », a-t-il souligné.
Alpha Oumar Barry souligne aussi l’isolement de la communauté guinéenne en Israël, une situation exacerbée en période de conflit.
« Israël et la Guinée sont deux pays qui se tournent pratiquement le dos. Parfois, on a du mal à croire que des Guinéens vivent ici en nombre. Même voyager vers la Guinée exige beaucoup de démarches. Je suis ici depuis 15 ans. D’autres sont là depuis plus de 20 ans sans jamais avoir quitté le territoire. Les Guinéens se sentent très éloignés de leur pays. Il y a très peu de mouvements entre la Guinée et Israël, pour ne pas dire aucun. Parfois, quand tu es là avec ta famille, tu regrettes d’être venu. Mais on accepte son destin. La solitude est pesante. On se contente d’échanger entre membres de la communauté guinéenne pour se sentir un peu chez soi », selon ses explications.
Depuis l’intensification des frappes, les proches restés au pays s’inquiètent davantage.
« Depuis le début de la guerre, nos proches en Guinée nous envoient souvent des messages pour prendre de nos nouvelles. Ici, les gens mangent à leur faim, ce n’est pas ça le souci. On se débrouille avec ce qu’on a. Mais si les attaques se prolongent, tout risque de s’arrêter. Et les conséquences seront graves. Les gens vont se disperser. Même les citoyens israéliens sont sur le qui-vive, à plus forte raison les migrants économiques, souvent sans-papiers, venus d’horizons divers. »
L’insécurité est constante, les bombardements peuvent survenir à tout moment de la journée ou de la nuit.
« Les missiles arrivent à toute heure : 14h, 15h, minuit, 1h du matin, même à 6h. Cela montre bien que nous n’avons aucun répit. Dès que la sirène retentit, que l’on soit à la maison ou au travail, on arrête tout pour courir vers les sous-sols aménagés pour se protéger. La peur est grande ces derniers jours. Habituellement, je ne crains pas trop les attaques du Hamas ou du Hezbollah, car elles ont moins d’impact. Mais ce que j’ai vécu depuis vendredi dernier m’a profondément marqué. Des bombes sont tombées près de notre quartier. Le bâtiment a tremblé, alors même que l’impact n’était pas si proche. C’est comme si l’explosion avait eu lieu entre Bambéto et Cosa, pour comparer avec Conakry », a-t-il expliqué.
Même si les missiles sont interceptés ou ralentis par les systèmes de défense israéliens, les conséquences restent redoutables.
« Les projectiles sont en grande partie réduits par le système de Dôme de fer, ce qui atténue leur force avant qu’ils n’atteignent le sol. Mais une fois qu’ils touchent, les dégâts sont visibles. Même réduits, les impacts peuvent faire s’effondrer un bâtiment de quatre étages. Il y a des morts, certes, même si on ne connaît pas le nombre exact. Les pertes humaines sont peut-être moindres que ce qu’on imagine à distance, grâce aux bunkers et aux boucliers. Mais seule la paix peut nous sortir de cette situation », conclut-il.
A suivre
Alpha Ousmane Bah
Pour africaguinee.com
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Créé le 18 juin 2025 10:11