Condamnation d’Aliou Bah, résistance et ambitions du MoDeL : Le vice-président explique…

CONAKRY – Condamné en première instance en janvier dernier pour “offense au chef de l’État”, Aliou Bah, président du Mouvement Démocratique Libéral (MoDeL), a vu sa peine de deux ans de prison confirmée en appel. Cette décision pourrait peser lourd sur son avenir politique et celui de son parti, à l’orée d’une année 2025 décisive, marquée par un référendum constitutionnel en septembre et, probablement, d’autres échéances électorales majeures. Dans ce contexte, comment le MoDeL compte-t-il se réorganiser sans son leader ? Peut-il espérer un scénario à la Sonko–Diomaye Faye version guinéenne ? Et quels moyens reste-t-il pour obtenir sa libération ? Elhadj Abdoulaye Amie Soumah, vice-président du parti, répond à nos questions.

AFRICAGUINEE.COM : Vous avez suivi le verdict rendu par la Cour d’appel de Conakry, qui confirme la condamnation du président du MoDeL à deux ans de prison. Quelle est votre réaction à cette décision ?

ELHADJ ABDOULAYE AMIE SOUMAH : La confirmation de la condamnation du président Aliou Bah par la Cour d’appel de Conakry est profondément injuste et décevante. Elle illustre, hélas, une volonté politique manifeste de museler une voix libre, intègre et courageuse. Cette décision ne repose sur aucun fondement sérieux, si ce n’est celui de faire taire un opposant qui dérange par sa cohérence et son franc-parler. Elle constitue une atteinte grave à la liberté d’expression et à l’État de droit.

Aliou Bah risque donc de purger deux ans de prison si la procédure s’arrête là, alors que 2025 s’annonce comme une année électorale. Comment comptez-vous vous y prendre au niveau du parti dans ce contexte ?

Nous restons pleinement engagés. Justement, le président Aliou Bah s’est toujours battu pour faire du MoDeL un parti de valeurs, une institution forte, et non une structure centrée autour d’un seul homme. Il nous a appris à dépersonnaliser le parti, à bâtir une organisation durable fondée sur des idées, des principes et le travail collectif. À ce niveau, il n’y a aucune ambiguïté possible. Le MoDeL poursuivra sa mission, en intensifiant le travail de terrain, en mobilisant ses structures de base, et en consolidant sa présence politique, malgré les vents contraires.

Quel avenir politique pour Aliou Bah dans de telles conditions ?

Même en détention, le président Aliou Bah demeure une figure centrale de la scène politique guinéenne. Il incarne une vision claire, une éthique politique rare, et un engagement sans faille. L’histoire regorge d’exemples de leaders injustement emprisonnés qui en sont sortis renforcés et encore plus légitimes. Son avenir politique n’est pas en suspens : il se construit chaque jour à travers le combat que nous menons en son nom, et au nom de tous ceux qui aspirent à une Guinée plus juste et démocratique.

Et le MoDeL, comment le parti compte-t-il se réorganiser en vue des prochaines échéances électorales ?

Le MoDeL s’adapte et se renforce. Nous avons déjà mis en place un dispositif de coordination politique pour assurer la continuité du leadership. Nos sections locales sont mobilisées, et nous travaillons à étendre notre implantation, notamment dans les zones rurales et auprès des jeunes. Nous voulons bâtir un projet inclusif, crédible, porté par des femmes et des hommes engagés. La vision du MoDeL reste intacte : offrir une alternative politique sérieuse, éthique et tournée vers le progrès social.

Le MoDeL envisage-t-il un scénario similaire à celui du duo Sonko–Diomaye au Sénégal ? Si oui, comment cela pourrait-il se concrétiser ?

Le cas sénégalais est un bel exemple de résilience politique et de maturité citoyenne. Il montre que même face à la répression, un peuple déterminé peut faire triompher la démocratie. Cela dit, nous ne faisons pas de copier-coller. Le président Aliou Bah n’est pas le Premier ministre Ousmane Sonko, et le peuple sénégalais n’est pas le peuple guinéen. Chaque pays a son contexte, ses dynamiques, ses défis. C’est pourquoi nous avons notre propre marche, notre propre stratégie, conçue en tenant compte des réalités spécifiques de la Guinée et des aspirations profondes de notre peuple. Le MoDeL avance avec méthode, lucidité et en phase avec la société guinéenne.

La défense d’Aliou Bah a engagé d’autres recours hors des juridictions guinéennes, notamment auprès de la Cour de justice de la CEDEAO. Qu’en attendez-vous concrètement ?

Nous espérons que la Cour de justice de la CEDEAO dira le droit avec impartialité et condamnera les violations des droits du président Aliou Bah. Ce recours vise non seulement à obtenir justice pour lui, mais aussi à rappeler aux autorités guinéennes les obligations qu’elles ont librement souscrites en ratifiant les instruments juridiques internationaux.

Quels autres moyens de pression envisagez-vous pour obtenir la libération de M. Aliou Bah ?
Au-delà des recours juridiques, nous allons intensifier nos actions citoyennes : mobilisation pacifique, plaidoyer auprès des institutions internationales, campagnes de sensibilisation dans les médias et sur les réseaux sociaux. La pression populaire et diplomatique est un levier que nous comptons utiliser avec responsabilité.

Quel est votre message à l’endroit des militants et sympathisants du MoDeL ?
Tenez bon. Ce combat est le vôtre. Ce n’est pas seulement le président Aliou Bah qu’on cherche à faire taire, mais toute une génération qui aspire à la liberté, à la dignité et à la justice. Restons unis, disciplinés et mobilisés. L’histoire a toujours donné raison à ceux qui résistent à l’injustice sans haine ni violence.

Quel appel adressez-vous aux autorités guinéennes ainsi qu’à la communauté internationale ?

Aux autorités guinéennes, nous disons ceci : gouverner, ce n’est pas réprimer. La démocratie se nourrit du respect des libertés fondamentales. La libération du président Aliou Bah est une exigence de justice, mais aussi un test de crédibilité pour le régime en place.
À la communauté internationale, nous lançons un appel à la vigilance et à la solidarité. La Guinée ne peut continuer à s’enfoncer dans l’autoritarisme sous le regard passif du monde. Il est temps de se tenir aux côtés des forces démocratiques et du peuple guinéen.

 

Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Créé le 2 juin 2025 08:52

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