Conakry : Des soldats recrutés au temps de Dadis croupissent en prison…
CONAKRY-Recrutés en 2009 au temps de Moussa Dadis Camara, puis formés au camp de Kissidougou, plusieurs soldats issus du camp de Kaléa sont en prison depuis février dernier. Au depart, ils étaient au nombre de 1.600. Certains d'entre eux qui ont été arrêtés manu-militari, croupissent à la maison centrale de Conakry depuis bientôt huit mois. Au nombre de sept, ils ne savent pas pourquoi ils ont été arrêtés. Africaguinee.com a réussi à interroger certains d'entre eux depuis leur cellule. Ils témoignent sur les circonstances de leur arrestation.
« J’ai été arrêté le 17 février 2020, à partir de 16 à Tombolia. Je donnais des cours de soir. Au bord de la route, je voulais traverser j’ai trouvé des jeunes gendarmes tous armés qui m’ont demandé de les suivre dans leur pick-up. Je leur ai demandé pourquoi je devais les suivre ? Ils me disent non allons seulement. Donc je n’ai pas discuté, je les ai suivi, nous nous sommes embarqués dans leur voiture. De là, ils m’ont retiré mon téléphone, ils m’ont menotté. On m’a conduit à Kaloum, on m’a envoyé au bureau des services de renseignement. C’est là qu’on m’a posé des questions. Je leur ai dit que moi je ne fais pas la politique, je défends la cause des recrus de Kissidougou. Ils ont dit qu’il faut deux ou trois personnes à côté de moi pour juste une enquête sur ce que je dis. J’ai dit ok, nous on ne se reproche de rien. C’est ainsi qu'ils m’ont permis d’ouvrir le téléphone pour appeler. Ce sont eux-mêmes qui me donnaient des consignes sur ce que je devrais dire. Le lendemain, les premières personnes qui sont venues, ils les ont arrêtés, retiré les téléphones, les amenés au bureau.
Après l’audition, les bérets rouges venus de Kindia étaient là. On nous a menottés, et on nous a embarqués vers 18h pour Kankan. Nous sommes arrivés le mercredi 19 février à 08h. On nous a mis dans une chambre où il y a 40 personnes. C'est là où on a passé un mois dix jours sans nous laver. Un beau matin, on voit une camionnette devant nous, directement, on nous entasse encore tous pour nous embarquer en direction de Conakry. Nous sommes restés menotté de Conakry à Kankan, tout comme au retour. Arrivée à Conakry, on nous a envoyé à la CMIS de Entag. Sans nous laisser communiquer, sans nous laisser entrer en contact avec notre avocat. C’est comme si on embarquait des animaux. Nous avons passé une semaine dans des conditions pénibles.
C’est là qu'on leur a dit que si vraiment vous voulez nous tuer, nous n’allons pas accepter. Parce qu’il n’y avait pas de manger, pas de visite ni de communication. Nous avons dit au commandant de là-bas, de nous amener chez ceux qui nous ont enlevés ou de nous mettre à la disposition de la justice. Comme ça, on saura pourquoi on nous a enlevé. Voilà le lendemain puisqu’on leur a dit ça, ils ont envoyé deux pick-ups de la police, on nous embarque pour le tribunal de Mafanco où on nous a conduits chez un juge d’instruction. Directement sans demander, il met un mandat de dépôt sur nous, pour nous déposer à la maison centrale. Et ça c’est depuis le 1er avril 2020, on nous a déposé à la maison centrale, il n’y a pas de traitement, il n’y a pas de mesure pour nous. L’avocat même depuis qu’on est là, on ne l'a jamais vu.
Il y a un juge d’instruction du nom d’Abdoulaye Aziz Diallo qui est venu pour nous instruire. Après l’instruction, depuis qu’il est parti, c’est fini, nous n’avons plus vu personne. Nous avons passé déjà près de 7 mois nous sommes arrêtés. On était au nombre de 7 personnes, il y a une personne du nom de Fodé 1 Camara, qu’on a libéré à deux jours du mois de ramadan, on ne sait pas pourquoi. On ne sait pas pourquoi vraiment nous sommes détenus. Alors s’ils ne veulent pas nous libérer, qu’on nous juge. Nous même nous sommes inquiets. Là où nous sommes nous sommes tous malades. Moi j’ai mal à la jambe droite et j’ai un problème d’œil.
Sinon nous avons fait beaucoup de démarches. Nous avons déposé des courriers à la présidence, aux ministres de la défense sous Kabèlè et Diané, à l’Assemblée, même les deux médiateurs qui se sont succédés à savoir : le général Facinet et Mohamed Said Fofana. Nous avons été voir même le premier imam de la mosquée Faysal à plusieurs reprise pour juste nous appuyer auprès de l’Etat pour que nous soyons pris en charge. Mais jusqu’à présent, rien n’a été fait. Voilà maintenant à la dernière minute, on nous arrête. On ne sait pas pourquoi. (…) Sinon comment est-ce qu’on peut arrêter des jeunes qui demandent leur prise en charge, après avoir passé des années de formation.
Après notre formation de Kissidougou, aucun communiqué n’est apparu pour dire que les soldats de Kissidougou sont radiés. A la dernière minute nous avons pensé que le président avait donné l’ordre de nous prendre en charge. Ils ont pris les autres en charges, on leur a donné des matricules. Maintenant à chaque fois que nous apparaissons devant la caméra, dans les medias pour parler de cela, ça leur fait mal », explique DS.
Un autre raconte : "Depuis notre formation à Kissidougou en 2008, nous sommes abandonnés à nous-mêmes. C’est dans ce cadre que nous avons mené des démarches pour nous faire entendre auprès du chef de l’Etat. Ainsi, nous avons adressé des courriers à la Présidence de la République (…) Parallèlement aux démarches administratives pour notre intégration dans l’armée, après qu’ils aient obtenu la formation requise, nous avons multiplié les sorties dans les medias. Ils ont arrêté Séna Doré, notre porte-parole. Quand il a été arrêté, on lui demandé c’est vous qui demandez d’être immatriculés au compte de l’armée, il a dit, oui. Il a été arrêté le 17 février 2020. On lui a dit de faire appel à certains de ses amis pour se rassurer.
C’est comme ça ils ont pris son téléphone et ils nous ont appelé. C’était le lendemain le 18 février. Moi, ils m’ont appelé pour régler notre situation. Donc, je suis allé au niveau des hydrocarbures. Ils sont venus nous chercher. De là, nous sommes partis au bureau de Colonel Niguira qui est le deuxième bureau du service de renseignement. On leur a dit justement c’est nous qui avons été formés à Kissidougou. Ils nous ont dit ok, attendez. Nous sommes restés là-bas jusqu’à 17h. Ils ont appelé deux pick-up de bérets rouges de la Présidence qui sont venus nous passer les menottes et nous embarquer pour le camp de Soronkony à Kankan. Nous avons bougé à Conakry vers 17 45 mn et nous y sommes arrivés le lendemain à 08h du matin. Là-bas, nous avons fait un moi 10 jours. Le mangé qu’on nous donnait c’était juste pour ne pas mourir. On était suivi par des militaires armés. De là-bas, ils nous ont retournés à Conakry à la CMIS 4 d’Entag où nous avons passé une semaine.
Ils nous ont signifiés que nous sommes poursuivis pour port illégale de tenue, association des malfaiteurs, menace contre l’Etat, incendie des lieux publics. Chose que nous n’avons pas reconnu. Nous, on réclamait juste notre prise en charge. Notre avocat c’est maitre Béa. Mais depuis que nous avons été arrêtés, nous n’avons jamais eu la chance d’avoir sa visite. Sauf le jour de notre audition à Mafanco, ils nous ont dit que c’était son assistant qui était là et que c’est lui qui l’avait envoyé. C’est de là, ils nous ont déposé à la maison centrale», confie notre source.
Au départ, nous étions au nombre de 7 arrêtés. Entre autres, Séna Doré, Mohamed Sangaré, Chérif Keita, Mohamed Touré, Idrissa 1 Camara, François Haba. La septième personne, Fodé 1 Camara a été libérée grâce à l’implication que son oncle qui est un haut cadre de l'ETAT", explique cet autre détenu.
En détention à la Maison centrale de Coronthie, depuis des mois sans procès, nous avons cherché à contacter leur avocat, Me Salif Béavogui qui, pour le moment, n’a pas souhaité répondre. Pour le moment, nous n'avons pu entrer en contact avec le département de la Défense.
SAKOUVOGUI Paul Foromo
Correspondant régional d’Africaguinee.com
A Nzérékoré.
Tél : (00224) 668 80 17 43
Créé le 12 septembre 2020 15:16Nous vous proposons aussi
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