Commune de Lambanyi : Pourquoi le marché de Kiroti a été démoli ?

CONAKRY-Dans le sillage de l’opération de démantèlement des « zones criminogènes » initiées par les autorités à Conakry, le marché de Kiroti situé dans la commune de Lambanyi, a été pris pour cible. Le 23 décembre dernier, des pickups de la police et de la gendarmerie ont quadrillé ce centre de négoce dans le but de déguerpir les occupants des boutiques du marché. Les autorités auraient reproché à certains occupants d’avoir transformé les lieux en chambre de passe (lieux de prostitution).

L’équipe de la direction de l’aménagement de territoire et de l’urbanisation déclarait avoir compté au moins 103 chambres qui seraient transformées en lieu de proxénétisme. Accusé d’avoir transformé ledit marché en un lieu de débauche, l’administrateur du marché avait été arrêté et conduit à la brigade de recherche de Kipé.

Or, dans une lettre consultée par Africaguinee.com, un rapport-diagnostic faisant « l’état des lieux exact et vérifiable » du marché de Kiroti avait été adressé au président de la délégation spéciale de cette nouvelle commune dans l’espoir que les autorités compétentes trouvent une solution à cette problématique. C’était le 09 décembre 2024.

En dépit de cette lettre qui avait été adressée aux autorités communales (à leur demande), il y a eu la démolition d’une partie du marché, laissant ainsi des commerçants victimes dans le désarroi. Cette situation aurait pu être pourtant évitée si les autorités avaient écouté à temps la commission mise en place pour régler cette crise.

Africaguinee.com a pu obtenir une copie du mémorandum que cette commission avait dressé au président de la Délégation Spéciale de Lambanyi. Dans ce document, elle a donné des détails intéressants sur la construction, l’occupation et la gestion du marché. Les membres de cette commission ne sont pas limités au simple diagnostic. Ils ont aussi préconisé des recommandations. Explication.

Le marché de Kiroti, d’une création récente, est situé dans la commune de Lambanyi d’après le nouveau découpage administratif de la ville de Conakry. Il est installé d’abord au rondpoint du stade Général Lansana CONTE de Nongo, puis a connu une extension qui lui a permis d’être aujourd’hui une grande source de recettes pour l’Etat et ses entités, rappellent les signataires du mémorandum.

« Les occupants du marché, qu’ils soient grands ou petits par leurs fortunes, l’ont été légalement et disposent de documents attestant leurs présences sur les lieux, selon un plan d’aménagement établi par la Mairie de Ratoma », expliquent-ils.

Ce centre de négoce a été construit par les occupants. Sur le site, il y a une grande Mosquée (R+2), un hangar pour les femmes, une gare routière, un Centre de Santé et plusieurs boutiques et magasins avec des accès libres.

« Le premier constat amer que nous faisons est que les constructions anarchiques organisées par les administrateurs dont le présent gestionnaire, ont bouché plusieurs voies d’accès pour engins roulants pour les usagers. C’est sur un des caniveaux qu’il a fait construire par son jeune frère un immeuble de trois niveaux, malgré l’opposition de l’ancien Maire Taran DIALLO. (Paix à son âme) », ajoutent-ils.

Poursuivant, ils ajoutent que les femmes dont les activités génèrent des recettes, ont été déplacées au moins trois fois. Selon le comité, si ces femmes vendeuses sont aujourd’hui au bord de la route c’est parce que les conditions de leur réintégration sous le hangar, sont passées de 15.000 GNF à 800.000 GNF, la table de 1m sur 50 cm. Ce qui est insupportable pour certains vendeurs. Deux cent trente-sept tables ont été dénombrés.

 Du fonctionnement du marché

Dans la gestion du marché, deux problèmes majeurs ont été évoqués. Il s’agit de : L’occupation de certaines boutiques par des femmes qui se livrent à des activités non conformes à l’éthique.

« La communauté des propriétaires de boutiques a toujours dénoncé et combattu cette situation, en allant jusqu’à arracher des portes de boutiques pour les confier à la police du temps du commissaire Dieng afin de contraindre ces femmes de quitter les lieux. Cela s’est passé plusieurs fois et des courriers ont été adressés aux autorités dans ce sens. C’est une préoccupation largement partagée par la communauté. Nous n’avons jamais voulu faire abriter nos constructions par ce genre de personnes indélicates. Malheureusement elles sont toujours réinstallées et soutenues par l’actuel administrateur moyennant 35 000 Gnf par mois pour chacun des occupants des boutiques qui se comptent à plus de 700 », ajoutent-ils.

Selon eux, lorsqu’il a été tout récemment question de reconstruire le hangar pour les femmes, toutes les boutiques qui étaient au tour ont été démolies sous prétexte qu’elles constituaient un encombrement.

« Aujourd’hui, ces boutiques qui coûtaient autrefois un million (1.000.000) Gnf sont toutes reconstruites et revendues à dix millions (10.000.000) de GNF. Ce qui rend difficile leur récupération par les anciens propriétaires ». A titre d’exemple, explique le collectif, « une personne malade, alitée pendant des années a ainsi perdu ses boutiques parce qu’il ne peut plus, comme beaucoup d’autres, les racheter à ce prix. Il faut noter que ce sont les recettes de ces boutiques qui l’aidaient à payer les frais de scolarité de ses enfants », selon le comité.

La 2ème préoccupation soulevée par la Mairie concerne les recettes du marché. Elle estime que ses recettes sont insuffisantes. « Nous pensons quant à nous, d’après les informations que nous avons recueillies auprès des contribuables et quelques échantillons de reçus que nous avons collectés, que les fonds perçus sont plutôt énormes », lit-on sur le mémo. Parmi ces fonds la commission a identifié :

a)- des reçus de 15.000 GNF, représentant les droits de marché.

b)- des reçus de 35000 GNF perçus auprès des occupants de boutiques ou kiosques comme frais de taxes communales, sur plus de 700 boutiques ;

c)- des reçus de 800.000 GNF représentant le nouveau prix de la table ;

d)- des reçus de 300.000, de 500.000, de 800.000, d’un million, et d’un million cinq cent mille qui concernent des impôts annuels pour la commune.

« Quand la commission a demandé ces reçus auprès des occupants pour asseoir ses convictions, elle a été obligée de refouler du monde en raison du fait que chacun voulait prouver qu’il est l’un des meilleurs payeurs. Elle a donc décidé de prendre seulement des échantillons pour chaque catégorie de reçus pour preuves. Ces derniers portent souvent des signatures non identiques et sont annexés au présent rapport », expliquent les auteurs du mémorandum. Ils signalent par ailleurs que des femmes ont dit ne pas avoir des reçus pour des payements qu’elles avaient effectués.

Suggestion

Au vu de ce qui précède, les membres de la commission de crise mise à cet effet, déduisent d’après les types de reçus qui leur ont été présentés, que le marché de Kiroti génère des recettes communales importantes.  Selon eux, la question fondamentale qu’il faut se poser est de savoir si elles parviennent toutes à leur bonne destination. Pour répondre à cette question, la commission a suggéré la mise en place d’une mission technique pour mener des investigations plus poussées sur la situation du marché. Par ailleurs, la commission dit avoir constaté que le conseil de discipline qui devait aider l’administrateur à gérer le marché n’existait quasiment pas. « Ceux qui tournent autour de lui ne sont que ses amis et dévoués », précisent-ils.

Les membres de la commission ont mentionné qu’ils ne souhaitaient pas que l’expérience du marché de Kobaya se reproduise à Kiroti. « Ici, nous sommes disposés à soutenir toutes les bonnes initiatives visant à assainir le marché tel que nous l’avons toujours souhaité. Ce que nous demandons, c’est d’être associés à la prise de décision nous concernant. C’est au vu de tout cela que nous avons constitué une délégation pour aller vous voir pour mieux vous informer. A Kiroti, nous voulons la paix. Cette paix vaut plus que tout. Sans elle, le reste n’est rien », ont indiqué les membres de la commission constituée à cet effet et présidée par M. Mamadou Dian BAH. Hélas, ce cri de cœur n’a pas été écouté. Le marché de Kiroti a été transformé en un vaste champ de ruine. Les victimes elles, continuent de pleurer dans le silence. Une situation qui devrait interpeler les autorités au plus haut niveau pour les dédommager. Quant au président de la délégation spéciale et l’administrateur du marché, nous n’avons pas pu les joindre pour le moment.

Dossier à suivre

Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Créé le 9 janvier 2025 13:38

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