Cheick Sako : « Voici le véritable problème que rencontre la justice en Guinée… » (Interview)

Maître Cheick Sako, Ministre d'Etat chargé de la justice

LABE- Accusé par l’opposition guinéenne, le Ministre d’Etat Cheick Sako vient de sortir de sa réserve. Au terme de l’ouverture des audiences foraines à Labé, le Ministre d’Etat chargé de la justice s’est confié à notre rédaction. Du cas des garde-corps de Cellou Dalein Diallo aux nombreux chantiers de son département, le Ministre d’Etat Cheick Sako dit tout. Exclusif !!!

 

AFRICAGUINEE.COM : Bonjour Monsieur le ministre !

CHEICK SAKO : Bonjour Monsieur !

Que représente pour vous la tenue de ces audiences foraines à Labé ?

D’abord je suis très ému pour deux raisons. Première raison on a choisi la ville de Labé pour clôturer cette forme de procès criminel qu’on appelle assises avant l’entrée en vigueur du nouveau code pénal et de procédure pénale. On aurait pu le faire à Conakry mais on a choisi la décentralisation pour le faire à Labé.

Pourquoi le choix de Labé, c’est parce que l’un des objectifs de la réforme de la justice, c’est de rapprocher les citoyens à la justice, on ne peut pas toujours rester au centre névralgique qui est Conakry. Le fait de choisir une ville qui est loin de Conakry mais qui est du ressort de la cour d’appel de Conakry, permet justement ce rapprochement. Cette délocalisation permet de donner l’appellation foraine. Quand la cour d’assise est faite au lieu où est située la cour d’appel, c’est une audience d’assise classique. Dès qu’elle est déportée dans un autre endroit loin du siège de la cour d’appel, elle prend le vocable foraine, d’où les audiences foraines. Il vous souviendra qu’on a tenu les audiences foraines l’année dernière à N’Nzérékoré au lieu de Kankan. A cause des affaires et de Womey et d’autres affaires criminelles de la Guinée forestière et de la haute guinée. C’est la même chose qui démarre à Labé. C’est pour 12 affaires criminelles qui se sont produites à Mamou, à Labé, à Kindia, à Boké et à Conakry.

Avez-vous eu tous les moyens financiers nécessaires pour la tenue de ces audiences ?

Ecoutez ! Un des problèmes qu’on a malheureusement dans notre pays, c’est les moyens qui ont été mis à la disposition du ministère de la justice. Donc on le fait avec les maigres moyens  qu’on a. Ce qui explique que jusqu’à présent on n’a pas pu tenir ces assises. Je vous dis que ces assises foraines étaient prévues à Labé depuis l’année dernière, elles ont toujours été repoussées.

Donc, quand j’ai pu avoir les moyens avec notre ministère et le parquet général on a décidé de faire ces assises symboliquement avant la fin de la procédure ancienne.

Sachez que dès la rentrée de septembre, l’applicabilité du nouveau code va avoir prise sur toutes les affaires de notre pays. Je profite d’ailleurs pour lancer un appel au Gouvernement dont je fais partie et les partenaires au développement pour que notre justice soit assistée. On ne peut organiser des assises sous la forme ancienne et même les audiences criminelles devant les tribunaux de première instance s’il n’y a pas un minimum de moyens que je mettrais à la disposition des magistrats et de tout le personnel judiciaire. Le retard dans le traitement des affaires criminelles s’explique essentiellement par le manque de moyen, il faudra qu’on fasse véhiculer cette information.

J’entends dire que la justice guinéenne ne bouge pas, j’entends dire que les affaires restent stagnantes  sans être traitées, mais on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. La justice ne peut pas fonctionner s’il n’y a pas de moyens. Tout se fait avec le minimum de moyen qu’on a. On a dégagé de faibles moyens pour se déplacer à Labé, organiser ces assises qui vont être assez importantes dans notre pays et la justice guinéenne.

Un des gardes de corps de Cellou Dalein serait gravement malade  à la maison centrale de Conakry. Avez-vous pris des dispositions pour son traitement ?

Hier (dimanche 23 juillet 2016, ndlr) en venant à Labé, dans mon véhicule j’ai appris qu’une des personnes en détention préventive était malade. J’ai fait vérifier l’information, j’ai saisi  l’Avocat Général Baila Diallo  qui a eu cette confirmation et puis j’ai donné des instructions au parquet général pour déposer une requête auprès de la chambre d’accusation afin que cette personne soit très rapidement hospitalisée.

Il ne s’agit pas simplement de répondre aux cris qu’on entend de gauche à droite. Dès lors qu’un détenu est malade, le rôle de la justice guinéenne c’est d’agir aussi avec humanité. Donc la personne a été hospitalisée, une ordonnance va être prise à la demande du parquet général, une ordonnance d’hospitalisation pour que la durée soit assez longue. Cette affaire n’est plus au niveau de l’instruction, c’est maintenant au niveau de la chambre d’accusation. Quand la chambre d’accusation va se prononcer, elle décidera s’il faut les mettre en liberté avant leur jugement ou s’ils resteront détenus. Je dirais à nos concitoyens et aux personnalités politiques de quelques bords qu’il soit, d’arrêter de jeter l’anathème sur la justice, la justice fait son rôle avec les maigres moyens qu’elle dispose avec dignité et indépendance, contrairement à ce qui est dit notamment par l’UFDG, la justice n’est pas sous influence.

J’ai reçu également un coup de téléphone d’un député de l’UFDG que je ne vais pas nommer ici. J’ai dit à ce député que les instructions ont été données depuis la fin de matinée, tout cela prouve qu’on agira avec fermeté par rapport aux textes mais avec humanité. Je réitère encore dans cette affaire je ne me ferai pas influencer. Personne ne va m’instrumentaliser par rapport à la mission qui m’a été confiée par le chef de l’Etat, il faut que ça soit clair pour tout le monde.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que c’est seulement le camp de Cellou Dalein Diallo qui est visé dans cette affaire qui porte sur l’assassinat du journaliste Mohamed Koula Diallo ?

Monsieur le journaliste vous faites une confusion qui est assez importante. Dans cette affaire il faut rendre hommage d’abord au journaliste qui est décédé et à sa famille. La première victime dans cette affaire c’est le journaliste, ensuite la justice est rentrée en jeu pour avoir les tenants et les aboutissants. Quand il y a une enquête policière ou de la gendarmerie, la justice n’est pas concernée. C’est quand on dépasse la phase d’enquête, on saisit la justice pour qu’elle fasse son travail. Il se trouve actuellement sur les éléments qui se trouvent à la disposition, il y a eu des inculpations, des mises en détention préventives. Donc de grâce laissez la justice continuer. Monsieur Bah Oury est un citoyen guinéen qui a été ou qui est toujours vice-président de l’UFDG, ça ce n’est pas un problème de la justice. Il y a un problème au sein de ce parti d’opposition concernant le personnel ou les dirigeants de ce parti, il faut qu’ils règlent ça, en mettant la justice en dehors de leurs querelles partisanes. Cela dit dans cette affaire il y  a la partie civile ceux qui sont considérés comme les victimes, il y a aussi les accusés et qui sont présumés innocents. Il appartient à la justice de faire cette distinction en temps opportun et de procéder à des condamnations. Toutes les personnes impliquées dans cette affaire ont des avocats. L’UFDG a des avocats vous les avez entendus à la presse, Bah Oury aussi a des avocats, il suffit que chaque partie puisse faire son travail.

Et vous jugerez la justice en fonction des décisions qui vont être prises, vous savez si la justice se prononce sur quelque chose il y a les voies de recours, des voies de contestations Fort heureusement, le nouveau texte va être mis en application en septembre permettra d’élargir encore plus le droit des personnes mises en cause voire même le droit des victimes. Tout est fait pour qu’il y ait une justice impartiale, indépendante dans notre pays.

Même si ça ne fait pas plaisir à tout le monde on lutte pour ça dans ce pays, pour que la magistrature sorte un peu des contingences catégorielles et des contingences spécifiques.

Que faites-vous pour mettre fin à la détention excessive de certains citoyens sans jugement ?

Vous parlez des détentions préventives excessives, j’ai créé une commission il n’y a pas très longtemps, présidée par l’avocat général avec des personnalités en dehors de la justice. C’était fait exprès, des militants des droits de l’homme, des dames juristes mais pas du personnel judiciaire. Cette commission m’a déposé un rapport. Ce rapport on va l’exploiter à fond. Mais encore une fois on revient à une question de moyen. C’est une honte pour notre pays qu’il ait des gens, des citoyens guinéens qui sont détenus de façon excessive c’est-à-dire 1 an 2ans, 5 ans voire 8 ans pour certains selon le rapport, sans jugement. On va tirer les conséquences de ces rapports, ceux qui sont détenus pour des faits mineurs. La loi me permet de les élargir ne serait-ce qu’organiser au niveau correctionnel des audiences, je crois que c’est déjà commencer.

En revanche ce qui est un peu plus délicat, c’est les citoyens qui sont poursuivis pour des faits criminels. Pour les faits criminels, il faut passer par la Cour d’assises. C’est le cérémonial que vous avez vu ce matin parce qu’en droit il faut respecter de façon stricte la procédure. Alors si c’est des faits criminels les gens restent plus longtemps.

J’ai été avocat pendant près de 30 ans dans un autre pays, j’ai été avocat d’assise je sais ce que ça veut dire, j’ai défendu des gens dans le temps qui ont été détenus pendant 4 ans ou 5 ans en France ou ailleurs, donc la Guinée n’est pas spécifique à ça. Alors on va lutter pour que ce temps de détention soit suffisamment réduit. D’ailleurs le nouveau code pénal et de procédure pénale va permettre de lutter contre ces détentions à excès avant leur jugement.

Alors l’indemnisation elle viendra également mais comme vous savez il y a un principe en droit pénal, c’est qu’on ne peut pas indemniser les gens s’ils ne sont pas jugés. Ceux qui ont été détenus de façon excessive ils ont la possibilité de déposer des requêtes contre l’Etat et puis l’Etat prendra ses responsabilités. Mais ils ne pourront le faire qu’après un jugement ensuite ils vont faire valoir leur droit devant les juridictions.

Le Tribunal de première instance de Labé où se tiennent ces audiences foraines, tout comme les autres juridictions du pays, est dans un état de délabrement avancé. Quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer l’état de ces tribunaux ?   

J’ai rencontré les sages hier auxquels j’ai annoncé un certain nombre de mesures et pourquoi Labé a été choisi pour tenir ces assises foraines. J’ai également dit que dans un avenir proche on l’espère tous, il y aura une cour d’appel à Labé, c’est prévu dans le programme de la réforme de la justice maintenant c’est une question de moyens, mais la décision est déjà prise.

Pour ce qui est de la reconstruction des tribunaux, on va par palier. Actuellement on a une réforme du secteur de la justice aidée par l’Union européenne. Nous avons choisi quelques tribunaux phares déjà. Mamou, Kindia et Kankan après les autres vont suivre puisque nous sommes obligés d’aller doucement en fonction de nos moyens. Labé ne sera pas en reste, il va falloir trouver à Labé un endroit qui puisse abriter la future cour d’Appel de cette ville. Je vous rassure au niveau des infrastructures, on a tout un programme là-dessus et la construction des tribunaux se fera progressivement.

Merci Monsieur le Ministre !

Je vous en prie !

 

Interview réalisée par Alpha Ousmane Bah

Correspondant régional d’Africaguinee.com

A Labé

Tel. : (00224) 657 41 09 69

 

 

 

 

 

 

Créé le 1 août 2016 08:36

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