Ces guinéens rapatriés ou expulsés de l’Europe : une difficile réintégration…

Mariame Barry, ancienne immigrée

CONAKRY-Ils sont nombreux ces jeunes guinéens à avoir, à un moment donné, tout misé sur un voyage en occident avec l’espoir de trouver le bonheur. Les uns ont pris le chemin du désert et les autres, la Méditerranée pour atteindre les côtes européennes. Malheureusement pour certains, le voyage a pris fin dans le SAHARA ou en mer. Les rescapés quant à eux ont gouté à l’enfer sur terre avant d’être rapatriés en Guinée où ils vivent une réintégration plus ou moins difficile.

Ceux qui sont rentrés via l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) ont bénéficié d’un appui pour embrasser une activité génératrice de revenue. Parmi eux, il y en a qui sont restés introuvables après l’obtention de cet appui. Il y aussi une autre catégorie. Ceux qui ont vécu en situation irrégulière en Europe avant d’être arrêtés puis rapatriés de force. Ces derniers ont du mal à reprendre le travail. Africaguinee a rencontré certains rapatriés.

Marié et père de famille, M.P.D a vécu 11 ans en Allemagne dans une situation irrégulière avant d’être arrêté par la police de l’immigration et rapatrié à Conakry quelques jours après, précisément le 12 juin 2019. Depuis son retour à Conakry, il vit une réintégration difficile.

« Etre rapatrié c’est difficile parce qu’au moment où on vous cueille pour vous retourner au pays, vous n’aviez aucun projet de retour pour vous installer au pays et faire autre chose. Donc le rapatriement forcé, c’est une reprise de la vie à zéro. Vous restez sans repère parce que vous ne pouvez faire aucune activité. Tout ça rend la réintégration difficile. Mon retour en juin 2019 avait coïncidé avec les crises politiques qui secouent le pays. Ensuite, la crise sanitaire est venue s’en rajouter. Pour être clair, je n’ai rien entamé d’abord. Je suis encore un poids pour la famille bien que je me suis marié avant de partir. J'ai vécu en Allemagne pendant 11 ans avant d’être retourné au pays. Moi, ce n’est pas un retour volontaire pour espérer un appui des institutions. L’autre problème aussi, notre pays n’a pas changé, les choses que j’ai laissées avant de partir c’est la même chose que je retrouve, aucun changement, les choses se sont plutôt dégradées», regrette-t-il.

Mahmoud Dramé, lui, est rescapé de la méditerranée en 2017. Il est rentré volontairement grâce à l’OIM (organisation internationale pour les migrations). Aujourd’hui, il est installé dans son village à Siguirini en Haute-Guinée où il fait la saponification pour subvenir à ses besoins. 

« J’étais parti jusqu’en Libye. J’ai tenté 4 traversées, en vain. Finalement, j’ai accepté de revenir au pays pour ne pas mourir sur la route. J’avais abandonné les études pour partir dans le but de rejoindre certains amis. Malheureusement, pour moi, l’aventure s’est arrêtée en Lybie, après plusieurs mois d’attente après de multiples tentatives en vain. Je n’avais plus rien. Je me suis déclaré volontaire. Je suis rentré avec d’autres amis en bus en passant par le Niger, le Mali puis Kankan. J’ai eu un appui de l’OIM à partir de Kankan. Je fais la saponification. J'ai une clientèle fidèle et je vis de ça. Je travaille avec plusieurs jeunes et femmes du village. Nous vendons nos savons dans les marchés hebdomadaires.  Je ne peux pas dire que je gagne tout avec mon travail, mais je suis à l’abri de certains besoins. Je pense que mon aventure c’est ici maintenant, fini la route incertaine», confie l'ancien migrant.

Alors âgée de 23 ans et mère d’une fille d’un an, Mariame Barry avait tenté le voyage clandestin vers l’Europe en 2017 à partir de la Sierra Leone où elle résidait.  Elle avait bravé le désert et était arrivée en aux côtes libyennes. Malheureusement pour elle, elle tombe dans les mains des hommes armés qui l’a séquestrée avec d’autres personnes. Elle a eu la chance de regagner la Guinée avec son bébé qui a 4 ans aujourd’hui. Notre reporter a rencontré cette jeune dame, assise devant sa boutique à Labé. 

«Je vivais en Sierra Leone. J’ai quitté là-bas pour aller à Conakry préparer le voyage. J’ai pris le trajet Bamako, Burkina, Niger par Agadez précisément. Et puis, je suis arrivée en Libye avec ma fille qui avait un an en 2017. Nous sommes restés là avec toutes les souffrances faute de moyen financier pendant près d’un an. C’est entre temps que nous avons été arrêtés. Nous avons fait 3 mois de détention. Nous avons souffert vraiment. Je n’ai même pas envie de revenir sur ce voyage tellement que c’était douloureux. On était vraiment désespéré en prison quand une mission est venue demander s’il y a de guinéens qui veulent rentrer chez eux volontairement. Au début, on était hésitant parce qu’il y a souvent des bandits armés aussi qui viennent se faire passer pour des institutions alors que c’est pour vous racheter et vous envoyez ailleurs.

Finalement, nous nous sommes remis à Dieu pour nous présenter. Ils nous ont identifiés. Quelques jours après, on nous a ramené par avion jusqu’à Conakry. Je n’avais qu’un seul objectif, arriver en Europe via la mer avec mon enfant. J’espérais le bonheur une fois en Europe. Je ne suis pas arrivée malgré ma détermination. A mon retour, j’ai pensé à tous les travaux. Finalement, je me suis engagée à faire du commerce. Je gère cette boutique là pour vivre avec mon bébé.  Nous sommes là. J’ai tout vu dans ce périple. Certains meurent, d’autres souffrent, une catégorie traverse sans trouver le bonheur tant recherché. La route est longue, dure et difficile. Je ne parlerai que de moi, mon aventure c’est dans le pays maintenant pas ailleurs.  Je ne dirai pas à quelqu’un de ne pas aller, chacun est libre d’aller lui-même voir ce qui attend les migrants.  La leçon, moi, je l’ai bien comprise» se remémore Mariame Barry.

Aujourd’hui, ils sont des milliers de migrants à avoir réussi l’intégration à travers de projets dans l'agriculture, l’élevage, le commerce, l’artisanat, la coiffure, etc. 

Selon des chiffres fournis par l’OIM, au moins 15.000 guinéens ont été rapatriés au pays entre 2016 et 2020. Par contre, d’autres malgré la souffrance n’ont pas le choix que de rester parce que les fonds qui ont servi au voyage sont soit volés ou détournés à des personnes qui les guettent en Guinée. Pour cette catégorie, le retour est synonyme de prison faute de pouvoir les rembourser.

Un reportage d’Alpha Ousmane Bah(AOB)

Pour Africaguinee.com

Tel: (+224) 664 93 45 45

Créé le 4 septembre 2020 23:18

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