Cancer du col de l’utérus en Guinée : “7 cas diagnostiqués et 5 décès par jour”, alerte le Pr Bangaly Traoré 

CONAKRY – En Guinée, le cancer du col de l’utérus fait des ravages silencieux, mais dévastateurs. Avec en moyenne 7 nouveaux cas diagnostiqués par jour et 5 décès quotidiens, cette maladie représente aujourd’hui la première cause de mortalité par cancer chez la femme dans le pays.

Dans une interview exclusive accordée à Africaguinee.com, le Professeur Bangaly Traoré, coordinateur du Programme national de lutte contre le cancer et chef du service de cancérologie à l’Hôpital national Donka, tire la sonnette d’alarme. Il appelle à une mobilisation urgente autour du dépistage précoce et de la prévention.

Professeur Bangaly Traoré, coordinateur du Programme national de lutte contre le cancer et chef du service de cancérologie à l’Hôpital national Donka

Selon les données fournies par Pr Traoré, au 168e jour de l’année 2025, le pays a déjà enregistré 1 176 cas de cancer du col de l’utérus, dont 840 décès. Une statistique effrayante, qui reflète la gravité d’une situation encore trop ignorée. En cause : l’absence de dépistage systématique, qui conduit à des diagnostics souvent posés à un stade avancé de la maladie.

AFRICAGUINEE.COM : Parlez-nous du cancer du col de l’utérus.

Pr BANGALY TRAORE :
Le cancer du col de l’utérus est le cancer le plus fréquent en Guinée. Il constitue la première cause de mortalité et de morbidité par cancer dans notre pays. Chaque jour, 7 nouveaux cas sont diagnostiqués, et 5 femmes en meurent.

Qu’est-ce qui provoque le cancer du col de l’utérus ?

C’est une maladie étroitement liée à l’infection par le virus du papillome humain (HPV). Lorsque cette infection persiste, elle peut entraîner l’apparition du cancer du col de l’utérus.
Le risque est multiplié par six chez les femmes vivant avec le VIH. D’autres facteurs favorisent également son développement, comme la consommation de tabac et la sous-alimentation.

Quels sont les symptômes du cancer du col de l’utérus ?

Le symptôme principal, c’est le saignement en dehors des règles, surtout chez les femmes non ménopausées.
Au début, ces saignements sont minimes, souvent à la suite d’attouchements ou de rapports sexuels. Comme ils passent souvent inaperçus, ils deviennent ensuite spontanés et plus abondants.
On observe aussi des pertes vaginales liquides (leucorrhées), d’abord légères, puis plus importantes si la maladie n’est pas prise en charge à temps.
Enfin, certaines femmes ressentent des douleurs pendant les rapports sexuels, qu’on appelle dyspareunies.
Ce sont là les trois principaux signes du début du cancer du col de l’utérus.

Comment peut-on diagnostiquer le cancer du col de l’utérus ?

Le diagnostic peut se faire dans deux ou trois circonstances. L’idéal, c’est qu’il soit posé lors d’une campagne de dépistage ou à l’occasion d’un dépistage de routine chez des femmes asymptomatiques. Car c’est une maladie qui peut évoluer pendant 10, 15, voire 30 ans sans provoquer de symptômes. Le dépistage donne donc la chance de détecter la maladie très tôt, à un stade précoce.

Mais malheureusement, dans la réalité, ce n’est pas ce qui se passe. Nous recevons souvent des femmes déjà symptomatiques : elles viennent consulter parce qu’elles saignent depuis des jours, voire des mois. D’autres arrivent avec des complications plus graves.

Le diagnostic se fait au cours d’une consultation gynécologique, à travers un examen clinique, qui permet de réaliser un prélèvement qu’on appelle biopsie du col de l’utérus.
Ce prélèvement est ensuite analysé en laboratoire afin de confirmer la présence de cellules cancéreuses dans l’échantillon. C’est ce qui permet de poser un diagnostic précis.

Ce diagnostic est ensuite complété par d’autres examens, qui permettent :

  • d’évaluer l’extension de la maladie dans l’organisme (le stade d’évolution du cancer) ;
  • de vérifier l’état général de la patiente, notamment les fonctions vitales ;
  • d’identifier d’éventuelles comorbidités (comme le diabète, l’hypertension artérielle, etc.).

Tous ces éléments sont indispensables pour adapter le traitement au cas spécifique de chaque patiente atteinte du cancer du col de l’utérus.

Quels sont les dangers du cancer du col de l’utérus chez la femme ?

Le principal danger, c’est la mort. Mais avant d’en arriver là, la maladie peut entraîner de nombreuses complications graves.

Elle peut d’abord provoquer des troubles urinaires, comme une rétention aiguë d’urine, ou évoluer vers une fistule urino-génitale, c’est-à-dire une communication anormale entre les voies urinaires et le vagin.

Dans certains cas, il peut y avoir une compression du rectum, pouvant entraîner une occlusion intestinale.
Autre complication possible : la fistule recto-vaginale, où les selles s’évacuent par le vagin. C’est une conséquence extrêmement invalidante et traumatisante pour la femme.

Le cancer du col de l’utérus peut également s’infecter secondairement, ou entraîner une compression pelvienne, responsable de douleurs intenses et de saignements abondants, qui peuvent conduire à une anémie sévère.

La maladie peut aussi se disséminer dans l’organisme (métastases), ce qui aggrave le pronostic et conduit inévitablement au décès.

La complication la plus fréquente, reste cependant l’insuffisance rénale, due à une obstruction des voies urinaires par la tumeur.

C’est pour toutes ces raisons que le diagnostic précoce est essentiel. Car lorsqu’il est posé tôt, le cancer du col de l’utérus peut être traité et guéri.

Traiter et guérir le cancer du col de l’utérus, dites-nous, comment le traitement se fait ? 

Il y a quatre méthodes pour traiter le cancer de col de l’utérus. Le traitement, depuis la phase du diagnostic jusqu’au suivi du patient, tu as l’accompagnement psychologique, l’information, la prise en compte des besoins, les symptômes, il faut les prendre en charge pour soulager la femme. 

En dehors de ça, il y a le traitement qui vise à guérir, c’est le traitement chirurgical. Ça, c’est surtout appliqué pour des femmes qui ont un diagnostic précoce. Il y a aussi la chimiothérapie, mais qui est souvent combinée avec la radio-chimiothérapie. Donc ce sont ces trois modalités qui sont utilisées pour traiter et guérir les malades. Mais aussi, dans certaines situations, prolonger la survie et améliorer le confort de la patiente. 

Y a-t-il une tranche d’âge particulièrement exposée au cancer du col de l’utérus ?

En réalité, toute femme en âge de procréer peut être exposée au cancer du col de l’utérus.
Toute femme qui présente des saignements en dehors de ses règles avant la ménopause doit être considérée comme potentiellement atteinte, jusqu’à preuve du contraire. Cela signifie qu’il faut impérativement consulter un gynécologue, qui procèdera à un examen au spéculum pour observer le col de l’utérus et, si nécessaire, effectuer un prélèvement (biopsie).

C’est donc un cancer qui touche les femmes jeunes, généralement entre 30 et 35 ans en moyenne.

Après la ménopause, tout saignement vaginal anormal doit également alerter. Il peut être le signe d’un cancer du col de l’utérus, bien que d’autres diagnostics soient aussi possibles.
Dans tous les cas, tout saignement inexpliqué nécessite un examen gynécologique approfondi, accompagné de prélèvements pour confirmer ou écarter l’éventualité d’un cancer du col de l’utérus.

Parlant du dépistage, dites-nous en Guinée où se fait le dépistage, est-ce que c’est gratuit et comment on peut le faire ? 

Alors je ne saurais parler de la gratuité parce qu’il n’y a pas eu de texte de loi pour appliquer la gratuité parce que derrière la gratuité, c’est quelqu’un qui paye. L’État n’a pas encore pris des dispositions utiles pour la gratuité. Mais le dépistage du cancer du col rentre en droite ligne dans la santé, les soins offerts aux femmes dans le paquet minimum de santé de la reproduction. 

Donc c’est supposé être gratuit, mais parfois il y a des mesures d’accompagnement qui manquent, donc il n’y a pas eu de texte de loi pour accompagner. Dans la plupart des centres c’est gratuit, dans d’autres c’est payant. 

Où peut-on aller se faire dépister ? 

Au niveau de Conakry, tous les centres médicaux communaux (CMC) peuvent faire le dépistage du cancer de col de l’utérus. Il y a aussi des centres de santé, donc je ne peux pas citer tous les centres de santé. Sinon, il y a au moins 14 sites de dépistage à Conakry. 

Et à l’intérieur du pays ? 

A l’intérieur du pays, c’est surtout les hôpitaux régionaux et certains centres de santé.

Quelles sont les statistiques du cancer de col de l’utérus en Guinée ? 

Tous les jours, 7 cas sont diagnostiqués et 5 femmes perdent la vie. Alors on est aujourd’hui au 168ème jour de l’année 2025 donc quand on fait le calcul ça donne 1176 cas de cancer de l’utérus dont 840 décès. 

Quels conseils donnez-vous à la population face à cette pathologie qui fait tant de ravages ?
Le cancer du col de l’utérus est une maladie que nous pouvons maîtriser. C’est malheureusement le premier cancer chez la femme en Guinée.

Le facteur de risque principal est l’infection par le virus du papillome humain (HPV), qui se transmet par voie sexuelle.
En réalité, 80 % des femmes dans le monde seront infectées par ce virus au cours de leur vie. Seules celles qui développent une infection persistante risquent de voir apparaître un cancer du col.

La bonne nouvelle, c’est que la maladie évolue très lentement, silencieusement, sur plusieurs années — parfois entre 7 et 15 ans, voire jusqu’à 30 ans — avant de se manifester par un cancer ou des symptômes.

Cette longue période d’évolution est une opportunité :
nous pouvons dépister les lésions précancéreuses, les traiter, et ainsi empêcher l’apparition du cancer.

En attendant la mise en place effective du vaccin contre le HPV en Guinée, mon conseil principal aux femmes est clair : se faire dépister régulièrement.

Les cas détectés tôt peuvent être traités simplement, avec peu d’investissements, et offrir un bon pronostic.

La solution est donc :
aller dans le centre de santé le plus proche et demander un dépistage du cancer du col de l’utérus.

Une dernière question : c’est une bonne nouvelle pour la Guinée, vous avez participé à un atelier sur l’introduction du vaccin contre le cancer du col de l’utérus. Parlez-nous de ce vaccin.

Le vaccin contre le virus du papillome humain (HPV) fonctionne comme tout autre vaccin. Il est destiné aux filles âgées de 9 à 14 ans, qui sont considérées comme n’ayant pas encore été exposées au virus.

Ce vaccin permet de renforcer leur immunité et d’éliminer toute infection éventuelle par le HPV.

Ce vaccin s’inscrit dans la stratégie mondiale visant à éliminer le cancer du col de l’utérus.
L’objectif est de vacciner 90 % des filles entre 9 et 14 ans, ce qui contribuera fortement à réduire l’incidence de cette maladie en Guinée et ailleurs.

 

Interview réalisée par Oumar Bady Diallo 

Pour Africaguinee.com 

Tel : 00224 666 134 023 

Créé le 23 juin 2025 10:39

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