Banjul : Sur les traces de Samba Diallo, ce guinéen qui a trouvé le salut dans la distribution du Pain

Samba Diallo

BANJUL- Il a les 40 ans révolus ! Samba Diallo, ce guinéen originaire de Mali Yembering vit en Gambie depuis 18 ans. Arrivé en 2003 dans ce petit pays bordé par l’océan atlantique, Samba Diallo s’est vite intégré. Il fait partie aujourd’hui des modèles de réussite de la diaspora guinéenne en Gambie. Il est bien connu dans le circuit de distribution de pain, exercé en grande partie par des guinéens. Père de 4 enfants et marié à deux gambiennes, nous l’avons rencontré à son domicile à Santhiaba, un quartier de Banjul.

 

AFRICAGUINEE.COM : Vous vivez en Gambie depuis 18 ans maintenant.  Dites-nous comment êtes-vous retrouvés dans ce pays ?

SAMBA DIALLO : Je suis venu en Gambie uniquement pour pouvoir travailler. Quand j’ai quitté mon village à natal à Dougountounny dans la préfecture de Mali Yembering, je suis allé d’abord à Conakry sans aucune qualification. Le travail que j’ai trouvé, c’était un boulot de maison. J’étais un garçon de ménage en quelque sorte à Koulewondy. Ensuite blanchisseur.  J’ai exercé ce petit job auprès des ressortissants sénégalais à Conakry.

Lors d’un de mes séjours dans mon village à Mali, j’ai rencontré un frère installé en Gambie venu se marier au début des années 2000. J’ai demandé à ce dernier comment les choses marchent en Gambie en termes de travail et de business. Il me dit que la Gambie est comme tous les pays, si je désire d’y aller, je vais vivre comme tout le monde. C’est comme ça que je suis parti. J’ai commencé par une boutique de quartier. Malheureusement, la boutique n’a pas prospéré. J’étais tout nouveau dans ce domaine qui m’étais carrément étranger. Je n’ai pas du tout réussi à voir le bout du tunnel. Le frère qui m’a encouragé à venir m’a assisté dans tous les sens. Finalement j’ai compris que mon destin n’y était pas attaché dans cette activité.

Après je me suis lancé dans la distribution de pain de fabrication locale, le pays n’avait pas connu en ce moment le pain moderne. Cette mutation nous a trouvé sur place, je me suis lancé dedans avec certains guinéens. C’est les libanais qui ont importé ces boulangeries modernes en Gambie. C’est après plus d’une décennie que j’ai quitté, désormais j’ai un centre de prestation de service près de la police, section identité. C’est un travail de plastification, de saisie, à coté deux café-restaurants.

Voulez-vous dire que vous avez définitivement tourné la page de la distribution du pain ?

Pas totalement ! A chaque fois qu’il y a un souci, on me fait appel, jusqu’au ministère du commerce, à tout moment on me demande des situations ou des informations si ça ne va pas dans la corporation. J’ai des frères que j’ai impliqué dans la distribution. Ces derniers continuent pour nous dans le secteur de la boulangerie.  Personnellement, je me suis mis un peu en retrait pour laisser la place aux plus jeunes. C’est comme ça la vie, vous savez à votre passage ici en 2019, il y avait des problèmes autour de la distribution du pain, j’étais l’un des défenseurs de la corporation, certains patrons de boulangeries m’en voulaient beaucoup. Donc j’ai décidé de m’éloigner, mais le travail continue de plus bel parce que les guinéens restent et demeurent les distributeurs potentiels. Sans nous, pas de pain en Gambie, les autorités s’en sont rendues compte y compris les promoteurs des boulangeries.

Qu’est-ce que ce travail vous a rapporté dans ce pays ?

Bon comme vous le savez, si le guinéen sort, son premier combat c’est comment avoir une maison au pays. C’est déjà un acquis j’ai pu construire un bâtiment à Mali, c’est une fierté mes parents vivent dedans. En Gambie ici j’ai acquis un terrain également, bientôt nous allons commencer le chantier pour la famille.

Justement parlez-nous de votre famille…

Bon je vis dans la discrétion avec ma famille, tout va mieux à l’interne, je suis marié à deux femmes gambiennes, j’ai quatre (4) enfants actuellement. Tous les enfants vont à l’école. Nous continuons à remercier le bon Dieu pour ce geste.

L’une des conditions pour avoir la nationalité gambienne est de vivre 15 ans sur le territoire gambien. Est-ce que vos décennies de vie vous ont permis de faire une bonne intégration ici ?

C’est vrai, il est dit dans la loi que 15 ans de vie pourraient vous donner la nationalité et vous exempter du paiement de séjour, mais je n’ai pas cumulé les 15 ans entièrement sans faire des va et vient. Si vous remarquez, le contrôle est strict à la sortie et à la rentrée, il y a toujours un cachet qui marque votre aller et retour à travers même le laissez-passer. Ensuite je n’ai pas le document qui justifie mon paiement de l’alliance pendant 15 ans par ordre. La nationalité est soumise à toutes ces conditions.

L’autre condition pour obtenir la nationalité, c’est d’épouser une gambienne, comme je vous dis, mes deux femmes sont gambiennes. Mais nous avons célébré le mariage traditionnel sans passer devant l’officier de l’Etat-civil de la ville. Si je me lève tout de suite, je peux obtenir ces documents avec mes épouses. Mais je traine encore le pas.

Donc je ne suis pas loin de la nationalité mais je n’en fais pas une priorité. Je continue à payer le séjour pour me conformer aux lois du pays sinon de mon côté, je n’ai aucun problème. Je circule librement. Je peux aller partout sans qu’on ne m’interpelle. Dans mon quartier aussi, je suis tranquille. Parfois même on me demande diriger la prière à la mosquée.

A un moment donné il y a eu des problèmes qui ont freiné les activités des guinéens dans le secteur du pain. Vous étiez le président. Qu’est-ce qui était à la base de ce problème ?

Ici les fours modernes appartiennent aux libanais. Les fours traditionnels sont détenus par les guinéens mais la distribution se fait exclusivement par les guinéens. En fait, à un moment les gambiens avaient pris l’initiative de faire des boulangeries. Lorsqu’ils ont commencé, il y avait une bonne collaboration avec les guinéens. Les maghrébins et les libanais ont vu ça comme une menace contre leurs boulangeries. Ils (libanais) ont réussi à tromper un gambien pour le considérer comme le président des boulangeries, ils lui ont dit que les guinéens sont des étrangers, si vous les laissez exercer ici, ça va empêcher vos compatriotes de trouver du boulot. Ça été une véritable menace contre nous. Mais on s’est levé pour taper à toutes les portes finalement les autorités du pays ont compris que c’est une guerre d’intérêts.

Finalement, les mêmes libanais ont constaté une baisse drastique des activités, faute de distributeurs. Et votre reportage à Africaguinee.com à cette période a aidé vraiment. Chacun s’est ressaisi pour reprendre le travail avec ses collaborateurs. Mais s’il y avait des personnes qui pouvaient jouer notre rôle, on serait définitivement exclu du circuit. Au finish, ils ont compris qu’en nous excluant, ça serait une catastrophe. Parce qu’avant que les autorités gambiennes nous autorisent à reprendre leurs boulangeries, toutes les activités étaient au rouge.

Certains guinéens se plaignent de la cherté de la carte de séjour. Est-ce fondé ?

C’est un conseil que je ferai aux guinéens : il faut respecter les lois du pays hôte. Si vous travaillez ici, faites tout pour payer ce qui vous honore, on n’a pas dit ceux qui sont en vacances ou qui font des études. Si c’est difficile de trouver 2000 dalassi d’un coup, il faut épargner 10 dalassi par jour à la fin de l’année ça trouvera que tu as le montant. Je demande à chacun de payer librement avant qu’on ne sorte pour la répression. Si nous sommes incapables de payer ce montant alors que nous avons quitté chez nous pour travailler ici, vaut mieux rester au pays. Certains aussi confondent le laissez-passer délivré à la rentrée au document de séjour. Pourtant les deux diffèrent. Le séjour te permet de travailler alors que le laissez-passer c’est pour les vacanciers ou les touristes, ils peuvent vivre ici mais ne doivent pas travailler et si vous faites le contraire, on vous prend.

Nous avons visité la boulangerie d’un guinéen dont le travail est à l’arrêt à cause de la mésentente avec ses voisins. Ces cas sont-ils fréquents ou isolés ?

Ceux qui s’attaquent à certains dans leurs lieux de travail, ce n’est pas des personnes responsables mais des chômeurs assis dans les quartiers. Ils sont dans tous les pays, ils ne veulent pas travailler et n’aiment pas ceux qui travaillent. C’est des jeunes qui sont assis aux coins de la rue qui se lèvent parfois pour demander aux boulangeries d’éteindre leur groupe, leur jeter des pierres. Ces jeunes se disent parfois que tu as envoyé tout l’argent de leur pays chez toi. Nous enregistrons des cas parfois mais ce n’est pas avec une grande fréquence.

Vous ne bénéficiez pas de la protection des services compétents dans ces situations ?

En fait si vous les appelez, ils viennent vite au secours. On laisse parfois gérez entre vous. Sinon, j’ai eu un problème pareil un jour. Quand j’ai appelé la police, elle est venue massivement m’aider. Mais les autorités gambiennes ne doivent pas attendre que des citoyens honnêtes soient attaqués pour intervenir, elles doivent assurer la protection à tous.

 

Interview réalisée depuis Banjul par

Alpha Ousmane Bah (AOB)

Pour Africaguinee.com

Créé le 26 décembre 2021 12:14

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