Audits et élections en Guinée : Sidya Touré s’exprime (Entretien exclusif)

Sidya Touré, leader de l'UFR

CONAKRY- Quelle stratégie devrait adopter l’opposition guinéenne pour faire plier le pouvoir du président Alpha Condé pour la mise en place d’un cadre de dialogue ? Le dossier lié au patrimoine immobilier de l’Etat servira t-il à déstabiliser certains hommes politiques de l’opposition guinéenne ? Voici autant de question que nous eu à aborder avec l’ancien premier ministre Sidya Touré. Dans cet entretien exclusif accordé à notre rédaction, le leader de l’Union des Forces Républicaines s’est aussi prononcé sur d’autres sujets liés à l’actualité sociopolitique de son pays. Exclusif !!!

 

AFRICAGUINEE.COM : M. Touré bonjour !

SIDYA TOURE : oui bonjour !

Quelle lecture faites-vous de la lettre réponse que le chef du gouvernement guinéen vous a adressée ?

Cette lettre m’a été déposée,  j’ai eu le temps de la parcourir. En réalité tout a été encore  reporté aux calendres grecs. Aucune proposition de rencontres n’y figure  et aucune perspective n’est ouverte. Nous sommes  à mon sens restés sur notre faim. Mais ceci n’est qu’une position personnelle. J’estime que l’opposition doit se retrouver  très bientôt  pour analyser cela et décider  de ce que nous allons faire  et ensuite essayer de contacter les partenaires qui nous ont soutenu et qui ont participé à ces négociations pour se rendre compte qu’apparemment le prétendu dialogue ne sera pas de si tôt.

Quelles étaient vos exigences ?

Nous avons eu des exigences très simples qui n’étaient que relatives aux accords, c'est-à-dire avoir un cadre de dialogue pour discuter des questions  qui nous concernent.  Nous avons rappelé que l’Assemblée Nationale est là, bien sûr nous le savions, mais particulièrement  je suis déçu du contenu de ce document.  Parce que cela  ne donne aucune  ouverture vers les négociations.

Vous prétendez aussi interpeller les institutions républicaines et la communauté internationale ?

Je n’ai pas parlé d’institutions mais plutôt de la communauté internationale  parce qu’elle est cosignataire des accords du 03 juillet  2013. Les Nations-Unies, la grande Bretagne, la France, l’Union Européenne. Voilà la raison pour laquelle  nous allons leur transmettre ce document et leur dire que  nous ne voyons à travers cette  réponse aucune perspective d’ouverture de dialogue  à l’immédiat.

Dans sa réponse, le premier ministre vous exhorte à saisir l’opportunité qui vous  est  offerte à l’Assemblée Nationale  pour discuter des  problèmes politiques. Qu’en pensez-vous ?

Quand on a la responsabilité d’un pays, je crois qu’on doit  réfléchir aux choses qui importent pour la stabilité, la paix sociale.  Ce qui contribue à  mon sens dans un pourcentage très important au développement économique et social. La volonté, si volonté il y a de la part de ce gouvernement d’avoir la possibilité de  marquer  les derniers mois qui lui reste  par un  quelconque résultat  notamment économique pour permettre à nos  compatriotes  de les juger, devrait les  astreindre  à faire en sorte que la paix sociale soit préservée dans notre pays. Ce genre de réponse qui n’apporte rien de nouveau au débat  n’est pas de nature à apporter le calme.

Nous connaissons l’existence de l’Assemblée puis que nous y sommes, mais nous parlons d’accords du 3 juillet 2013 qui sont hors du cadre légal. Parce que ces accords  n’ont pas fait l’objet d’une loi. C’est un document qui, normalement est au dessus des lois nationales. Nous avons dit que ce qui, dans les accords du 03 juillet concerne la loi notamment le code électoral, la CENI (commission électorale Nationale Indépendante), toutes ces questions, nous allons en débattre au niveau de l’Assemblée Nationale. Le fait de se mettre d’accord sur un cahier de charge consensuel avec un appel d’offres, je ne vois de quelle manière l’Assemblée Nationale pourrait traiter cela.

Selon vous donc, l’intervention de la communauté internationale est encore nécessaire ?

Si c’est ce que le gouvernement  souhaite, je pense que oui. Ça veut dire qu’ici la maturité ne viendra  jamais. Mais ça ne nous étonne pas, je ne suis pas particulièrement  surpris, nous sommes devant un gouvernement de déni permanent. Un gouvernement qui s’est installé dans le débat politique depuis quatre ans et qui va continuer jusqu’aux élections. Parce que  c’est uniquement dans ce domaine qu’il est excellent.

La semaine dernière, l’agent judiciaire de l’Etat  a publié une liste des  domaines appartenant à l’Etat. Une listes dans laquelle votre nom y figure, comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?

Je vous renvois  à la lettre que j’ai envoyée à l’agent judiciaire de l’Etat , vous y trouverez  tous les documents afférents  à l’achat de mon terrain , à l’obtention  du permis de construire  , aux payements , aux coûts de  la construction , au document qui a été signé entre le patrimoine bâti et moi-même qui rendait compte de mon départ  de la maison qui appartenait à l’Etat et qui est habitée aujourd’hui par la première dame.  Donc ces documents  sont à la disposition de tout le monde sur le net.

Craignez-vous une sorte de chasse aux sorcières contre certains opposants à seulement quelques mois des prochaines échéances électorales ?

Je ne pense pas que cet épiphénomène puisse contrebalancer  les problèmes que nous avons  dans notre pays. Je dis simplement que je ne me sens pas concerné par  ce débat. Et honnêtement je m’en tiens là.

Africaguinee.com : Le  gouvernement a récemment annulé un contrat attribué au temps du  président Lansana Conté, à la société minière BSGR  pour corruption.  Quelle analyse faites-vous de cette  résiliation de contrat ?

Vous ne pouvez vous prononcer que sur  ce que vous savez. Toute la politique menée par le gouvernement dans le domaine minier  ne nous ait pas connues. Ce que moi je peux retenir aujourd’hui, c’est qu’à l’arrivée du Pr  Alpha Condé à la présidence,  nous avions  beaucoup plus d’exportation minière que nous n’en avons quatre ans après.  Ne serait-ce que parce que la seule unité de production  que nous avons dans notre pays qui est la compagnie Friguia, qui exportait  au moins une partie des mines transformées localement, cette société  a fermé avec plus 3000 emplois  perdus, mais également pratiquement, une position difficile à tenir pur une ville comme Fria.  Les recettes y afférentes tant au niveau de l’importation que des recettes  fiscales. Nous avions ce fameux projet de Guinée Alumina qui était en cours de construction qui a été abandonné. Je ne vois pas pourquoi je vais me mêler dans une histoire dont je ne connais ni les tenants ni les aboutissants. En tant que guinéen je suis préoccupé  par le maintien des revenus  de nos ressources minières et minéralières  dans le domaine budgétaire guinéen, ça c’est mon souhait. Mais les problèmes juridiques de droit  qui sont posés, je dois avouer que je les ignore. Donc quand on les posera de manière très claire, en tant que député  à l’assemblée, je serai correctement informé de ce qui s’est passé et bien sûr de ce qui s’est passé ici depuis l’arrivée de ce gouvernement au  pouvoir. Les décisions qui ont été prises, je me prononcerai sur cette question.

Il y a deux semaines, le président de la république s’est attaqué aux anciens premiers ministres  auxquels il impute la responsabilité  d’avoir mis le pays à terre. Votre réaction ?

De tous les anciens premiers ministres qui sont dans l’opposition, je suis celui qui est resté à ce poste le plus longtemps (3 ans : Ndlr).  Les autres amis (Cellou Dalein, Jean Marie Doré, Lansana Kouyaté : Ndlr) ont fait maximum 16 mois. La réalité c’est quoi,  en tant que premier ministre si l’on peut juger nos bilans de gestion de 3 ans, ou 16 mois,  quel est le bilan du président de la république et de son premier ministre  pendant quatre années ? Je crois que c’est de cela qu’il faut partir. On vous envoi là pour donner la preuve de ce vous pouvez. La Guinée était dans des conditions difficiles. Mais vous, vous êtes venus, qu’avez-vous apporté de plus depuis quatre ans.  Quand on demande à ce gouvernement de faire un bilan de la gestion d’Alpha Condé on vous dira  qu’on a passé le temps sur la macro-économie. Qu’est ce qu’on a obtenu sur le plan macroéconomique ? C’est un taux de croissance de 2 %. C’est aberrant, sur ce point  on a obtenu qu’un faible taux de croissance de 2 et demi pour cent, pour une inflation à plus de deux chiffres, un budget en déséquilibre.

Pendant ma primature, moi j’avais une inflation inférieure à  2 %, une croissance de plus de 5%  et des réserves à  la Banque Centrale qui couvrait plus de six mois et en plus de tout cela des créations d’emplois. Parlant des infrastructures   il y avait de l’eau  et de l’électricité. Toutes ces choses n’existent pas  maintenant .Si on va dans la politique sectorielle,  j’ai passé la production cotonnière  de 6.000 tonnes à 40.000 en trois ans. Aujourd’hui elle est à 400 tonnes. Alors,  avons-nous détruit ou est-ce que c’est eux qui  n’arrivent pas à construire ce qu’on leur à confié ? Moi je n’étais pas président de la République, j’étais simple Premier ministre. Mais lui (le président Alpha Condé) il est président, il a un premier ministre, qu’ils nous donnent les bilans qu’ils ont en termes chiffré, pas dans le genre des discours oiseux qu’on entend de gauche à droite. Vous ne pouvez pas passer votre mandat à dire que c’est ceux qui étaient là, c’est eux qui ont gâté le pays. J’ai répondu à cette  question, tous les pays qui nous entourent sont gérés par des anciens Premiers ministres (le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Niger). Peut-être qu’ils ont la chance parce que ce sont des gens qui ont appris à gérer un pays. Notre grand problème ici, c’est d’avoir eu quelqu’un qui n’a eu aucun contact avec le fonctionnement de l’Etat et qui veut réinventer l’eau chaude. Il est temps qu’ils arrêtent les discours oisifs et de donner des bilans chiffrés.

Au cours de sa même sortie devant les militants du RPG Arc-en-ciel le chef de l’Etat a promis de publier les résultats des audits sur la gestion des anciens premiers ministres. Votre réaction ?

Allez ! Qu’il publie les audits et qu’on en parle plus !

On  vous entendu s’attaquer au Chef de l’Etat pour avoir  érigé l’île de Kassa en Sous-préfecture. Que reprochez-vous à cette décision ?

J’ai reçu tous nos responsables de toutes les îles, Kassa, Soro, Tamara, Fotoba ainsi de suite. L’objectif est très simple, c’est la répétition du cours de Dubreka, c'est-à-dire  gagner les élections là où sortir des résultats dans les sous préfectures difficiles d’accès. Dans le cas de Dubreka, le sous préfet était venue avec des résultats dans un sac plastic et qui sont évalués aux chiffres de différence qu’il y avait entre vous et le RPG arc en ciel avec mille voix en plus et on vous déclare que nous avons gagné. L’objectif c’est Kaloum, parce que la sous préfecture de Kassa ne veut rien dire. Elle n’est rattachée à aucune préfecture. L’objectif c’est d’y mettre des commissions de centralisation qui permettront  d’inventer les chiffres dans toutes ces îles qu’on viendra pour abonder des chiffres qui n’existent pas dans la commune de Kaloum et prétendre qu’on y a gagné. Mais nous sommes prêts pour ça. J’ai reçu tous les responsables, je les ai averti, nous n’accepterons pas cela à Kaloum et de toute façon, ils nous trouveront sur leur chemin. Il n’y a aucun autre objectif à la création d’une autre sous-préfecture à Kaloum. Administrativement, ça ne se justifie pas sur le plan de la décentralisation. Donc c’est pour cet objectif là. Je vous ai dit que nous sommes dans un système qui politisera tout le débat jusqu’à la fin. Mais comme ce système finira en 2015, nous sommes sereins par rapport à cela.

Parlant 2015, (année prévue pour la tenue des élections présidentielles), l’opposition souhaite ardemment qu’il y ait une alternance. Selon vous comment est-ce que l’opposition devrait s’organiser pour cette échéance ?

Sidya Touré : Est-ce que vous, vous ne souhaitez pas une alternance en2015 ? Ne dites pas vous, ce sont les guinéens qui souhaitent une alternance. Nous avons passé quatre années catastrophiques pendant lesquelles tous les fléaux se sont abattus sur nous. La famine, la misère, les maladies mais également l’exclusion, le problème ethnique, les affrontements, les morts d’hommes à Zogota, partout. Vous croyez que les guinéens ont envi de renouveler cela ? Vous croyez qu’il est encore possible d’imaginer de donner cinq ans à ce régime ? Un régime qui n’aura plus de perspective électorale devant et qui cette fois-ci avec l’âge avancée que Alpha a, aura la possibilité pendant qu’il est plus ou moins grabataire de nous envoyer dans le décor. C’est aux guinéens de réfléchir est-ce que réellement nous devons laisser faire cela ? Si on ne peut pas le faire, je crois qu’il faut rechercher les solutions pour que cela n’arrive pas. L’idée d’une candidature unique qui est débattue au sein de la société civile est une des solutions possibles. Il ne faut pas dire aux gens, non, non, on ne doit pas réfléchir à cela. Il faut y réfléchir. De quelle manière on le fera, le moment venu, les partis politiques décideront.  

Merci beaucoup M. Touré !

C’est moi qui vous remercie !

 

Interview réalisée par Diallo Boubacar &

Bah Boubacar Loudah pour Africaguinee.com

Tel: (00224) 655 31 11 12

 

 

 

Créé le 28 mai 2014 15:10

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