Aliou Bah : « L’appréciation actuelle du franc guinéen…ne peut être liée qu’à des facteurs exogènes »

Aliou Bah, leader du Model

CONAKRY- Le Franc Guinéen gagne-t-il « réellement » de la valeur face à la devise étrangère ? Qu’est-ce qui explique la persistance de l’inflation alors que la monnaie locale s’apprécie ? Dans cet entretien accordé à Africaguinee.com, l’économiste Aliou BAH, également Président du parti MoDeL, livre ses éclairages.

AFRICAGUINEE.COM : Le Franc Guinéen gagne-t-il réellement de la valeur face à la devise étrangère ?

ALIOU BAH : Les indicateurs concrets de performance et le quotidien des citoyens sont loin d'indiquer une meilleure santé économique de la Guinée. La valeur de la monnaie étant directement proportionnelle à celle de la production, alors l’appréciation actuelle du Franc Guinéen vis-à-vis de la devise étrangère ne peut être liée qu'à des facteurs exogènes à notre économie. En clair, ce ne sont pas les efforts internes qui ont créé la situation en cours.

Concrètement qu’est-ce qui pourrait expliquer cette appréciation à votre avis ?

D'une part, la baisse des importations à cause de l'incertitude politique liée à la transition et les difficultés que traversent les agents économiques réels. Étant donné que ce besoin d'importation influence considérablement la demande de devise, il va de soi que sa valeur baisse dans le contexte actuel.

D'autre part, les principales monnaies des transactions internationales sont en situation d'inflation. Pour le cas particulier du dollar américain, il subit une inflation voulue par la réserve fédérale. Elle est la résultante de la masse monétaire fabriquée et distribuée aux ménages et entreprises pendant la situation du Covid 19 pour soutenir le pouvoir d'achat et compenser les pertes liées à l'arrêt des activités.

Mais il faut comprendre que cette approche volontariste de la politique monétaire, pourrait obéir à une planification économique de moyen terme. Elle est fondée sur la relance de l'économie par la consommation jusqu'à ce que le volume de travail croise la courbe de la monnaie. C'est cette atteinte du point d'équilibre qui redonnera au dollar sa véritable valeur.

Autre paradoxe. Bien que la monnaie s’apprécie, mais les prix des produits de grande consommation ne baissent pas. Pourquoi ?

La raison principale est le fait que notre économie n'étant pas diversifiée et compétitive, les paramètres des recettes publiques reposent sur une assiette fiscale très rétrécie au sein de laquelle il y a les droits de douane (DD). Donc la hausse continue des DD dans un contexte de baisse drastique des importations, amaigrit le corps économique qui est la matière imposable, et réduit le potentiel de marge de diminution des prix que les importateurs peuvent se permettre.

D'ailleurs il faut comprendre que dans un pays de chômage massif comme le nôtre, c'est plus la capacité de consommation (pouvoir d'achat) qu'il faut remettre en cause au lieu de questionner le niveau général des prix. Car ce n'est pas dans tous les contextes que la baisse des prix pourrait constituer une solution durable de soulagement des agents économiques.

Qu'en est-il de la compréhension de la dette extérieure en pareilles circonstances ?

En fait, notre capacité d'absorption et de remboursement de la dette extérieure n'a pas connue de progrès significatifs ces dernières années.

Mais dans un contexte où le taux de change varie à la baisse, il est naturel que l'évaluation du stock de la dette extérieure donne un chiffre inférieur à celui initial; c’est ce qu'on appelle le “gain” sur l'écart de conversion.

Donc, contrairement aux prétentions de performances macroéconomiques des autorités, c'est plutôt la réévaluation de la dette au regard du taux de change qui donne un chiffre à la baisse du stock actuel de la dette publique Guinéenne.

Néanmoins, une conjoncture monétaire internationale de cette nature peut être POTENTIELLEMENT favorable pour une économie à trois conditions : si la production nationale augmente en volume et en valeur, si la prévision budgétaire du pays est pertinemment anticipative et lorsque les échéances de paiement de la dette extérieure sont flexibles.

Pour le cas de notre économie, n'ayant ni l'un ni l'autre, l'écart de conversion de la dette ne signifie donc pas une augmentation de notre capacité de remboursement qui dépend surtout de l'état de la production nationale et de la mobilisation de recettes publiques.

En définitive, lorsque dans un pays ce sont les variables exogènes qui orientent les axes principaux de la croissance à la place d'une politique endogène soutenue, il n’y a pas de sécurité économique.

A suivre…

Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Créé le 22 septembre 2022 02:29

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