A la rencontre du doyen Odilon Théa, malade : « Jusque-là, la Guinée me doit 5000 francs suisses… »
NZEREKORE- Né en 1942 à Samoé, une sous-préfecture située à 8 kilomètres du chef-lieu de Nzérékoré, Odilon Théa est l’un des pionniers de la presse guinéenne. Il fait partie des rares journalistes de la voix de la révolution, au temps du premier régime de feu Ahmed Sékou Touré. Après l’école primaire dans son village natal, Odilon Théa a tenté premièrement de devenir prêtre en passant 4 ans à la Haute Volta actuel Burkina Faso. En vain. Il retourne au pays et regagne Conakry où il continue ses études secondaires jusqu’en 1963, année à laquelle il a passé l’examen du baccalauréat au lycée classique de Donka.
Il fait partie des tout premiers jeunes journalistes de la voix révolution choisis par le gouvernement. Après 09 mois de formation par des Suisses, il se fait remarquer dans le domaine. Il est sorti major d’un concours qui lui ouvre le chemin des voyages dans le cadre de la formation en journalisme. Après une série de formations dans plusieurs pays, Odilon Théa est nommé correspondant de la voix de la révolution à Moscou, capitale de la Russie en 1970. Au retour au pays, il a servi la nation à travers la RTG avant de s’investir dans la formation des journalistes en qualité de professeur de diction dans plusieurs instituts d’enseignement supérieurs de Conakry.
De nos jours, cette légende est terrassée par une maladie dont lui-même ignore le nom. Rencontré à son domicile au quartier Kpama 2, dans la commune urbaine de N’Nzérékoré, le doyen Odilon Théa est revenu sur son parcours et a énuméré plusieurs points qui ont marqué sa vie après plus de 60 ans de service rendu à la nation.
Comment j’ai commencé le journalisme ?
Un jour, on était en vacances à Nzérékoré, on était en plein recensement dans un petit village lorsque j’ai reçu un message du gouverneur me demandant de me rendre à Conakry. Arrivés, nous sommes partis au lycée et avons rencontré le ministre Béhanzin. On était une quinzaine de jeunes gens sortant du lycée. On nous avait dit qu’à compter de ce jour, nous devrions être des journalistes. Moi je n’avais pas le choix je me suis donc intégré dans le groupe. On a créé une école de journalisme à Conakry au centre franco- guinéen actuel Tombo. Nous avons reçu des professeurs venant de la Suisse et d’autres pays. Nous avons été formés pendant 9 mois. Nous avons fait les premières tâches de journalisme.
Voyage en Suisse, en Chine et en Russie
On a fait une évaluation et je suis retenu pour la Suisse. Nous sommes donc allés en Suisse où nous avons été admis à l’Université de Fribourg. C’est là où j’ai terminé et je suis rentré en Guinée. J’ai commencé à travailler à la voix de la révolution en 1964. Peu après on m’a encore envoyé en Chine pour un an, toujours dans le domaine du journalisme. J’ai fait un an à Pékin et quand je suis rentré, j’ai commencé à travailler à la radio. Je faisais partie de l’équipe de la rédaction et je faisais partie des présentateurs du journal parlé sur les ondes de la voix de la révolution. C’est là où on nous a vraiment remarqués. On était trois présentateurs assez renommés. Les gens disaient qu’on faisait très bien le boulot. Il y avait Diallo Tahiti, Amadou Kenema et Odilon Théa. On était régulièrement à l’antenne. J’ai aimé le métier qui m’a pris et s’est accaparé de moi. Je me suis engagé et j’y ai foncé. J’ai progressé ainsi jusqu’en 1970, année à laquelle on m’a nommé correspondant de la voix de la révolution à Moscou où j’ai fait 3 ans. Je connais très bien le pays.
Retour en Guinée, naissance de la télévision Guinéenne et retraite
De retour à Conakry j’ai réintégré le groupe de la rédaction de la voix de la révolution, à travers l’équipe de présentation. En 1978 nous avons déménagé là où il y a la police actuellement dans la zone de Nafaya avant de déménager à Boulbinet. C’est là que nous avons vu la venue de la télévision le 14 mai 1977. C’est là où j’y ai évolué, j’ai été rédacteur en chef, ensuite j’ai été directeur des programmes de la radiotélévision guinéenne et puis j’ai fini par être le directeur du centre de formation du studio école. C’est de là qu’on m’a copté pour une formation à Kamsar pour la première radio communautaire de la Guinée, Radio CBG Kamsar. C’est à Kamsar que j’ai pris ma retraite après 33 ans de service dans l’administration guinéenne en 1996.
Nouvelle aventure en tant que formateur…
Quand j’ai été appelé à faire valoir mes droits à la retraite, je ne savais pas quoi faire. Un jour, j’ai rencontré le ministre Eugène Camara, il m’a demandé : qu’est-ce que tu fais actuellement ? Je lui ai dit que je ne fais rien, je suis à la retraite. Il m’a dit qu’ils viennent de créer une école de genre à Dubreka avec Siba Fassou. Il m’a dit d’aller le voir et lui demander s’il pouvait me prendre là-bas. J’ai été voir Siba Fassou, on est tombé d’accord, j’ai intégré le groupe de formation de Dubreka. Mais j’étais contractuel avec 450.000 gnf le mois. Cela ne m’a pas affecté j’étais très enthousiaste et engagé. Je suis resté. Lorsque les facultés de journalisme ont été créées dans les universités guinéennes, j’ai été aussi sollicité et engagé.
A l’ISIC de Kountia, à l’Université Barack Obama, à Cheikh Modibo Diarra, à l’UCAO de Coleah. J’ai été sollicité dans d’autres universités mais je ne pouvais pas me diviser en mille. Je me suis abstenu. Chemin faisant, quelques anciens journalistes que nous sommes ont été appelés au palais du peuple, où une radio parlementaire a été créée. Arrivé on nous a demandé ce qu’on pouvait faire. J’ai été retenu pour servir là-bas en tant que consultant et formateur. C’est là où je suis resté jusqu’ en mars 2023 pour définitivement faire valoir mes droits à la retraite. Donc j’ai passé tout mon temps, 60 ans de carrière en tant que journaliste et formateur.
Je suis très fier de ce que j’ai fait, parce que je l’ai fait avec amour et engagement. Je me suis senti très bien. Une fois, quelqu’un m’a dit mais tu n’as plus de maison, si ce n’est pas à la radio ? Parce que j’étais constamment à la radio. Quand je restais à la maison sans aller à la radio j’étais malade. Ça s’est emparé de moi et je suis fier de ce que j’ai fait. Je n’ai pas honte aujourd’hui je suis satisfait. Actuellement je ne sais même pas si j’ai quitté la radio. Je porte encore mon tricot du 32eme anniversaire de la RTG de temps en temps et j’en suis très fier.
Début de la maladie
Ma maladie, il y en a qui disent que c’est une maladie de la vieillesse. Je suis d’accord, mais je ne suis nullement angoissé, je ne suis pas stressée. Cela ne fait pas un an que je suis comme ça. Ça a commencé petit à petit, finalement, on a essayé de me traiter ça n’a pas encore réussi. Mais j’ai toujours de l’espoir, je crois qu’un jour, je vais recouvrer ma santé. Il y a un de vos camarades journaliste, Lamine Guirassy qui voulait m’envoyer en Turquie pour me soigner. Quand on a fermé son média, le programme a pris fin. Sinon, ils m’ont même fait prendre mon passeport, j’étais prêt à partir. On était maintenant au stade de Visa. C’est la seule tentative que je connaisse pour mon traitement. A Conakry, j’étais à l’hôpital Ignace Deen, où j’ai fait tout un bilan, on a trouvé que c’était la goutte et beaucoup de petites maladies. Ils m’ont prescrit une ordonnance, j’ai pris les médicaments. J’ai beaucoup dépensé mais pour le moment ça n’a pas donné. La maladie m’a un peu secoué, vous sentez même dans ma voix. Mon tremblement est même dans mon faciès. Mon articulation est devenue pire maintenant. Et moi j’étais professeur de diction, maintenant je me force à articuler, il ne faut pas vous moquez de moi(rire). Ce n’est pas grave, je ne suis pas affecté hein…
Situation matrimoniale et appel
Pour le moment, je ne sais pas ce que l’état a fait pour moi. La seule chose que je retiens encore, après 60 ans de carrière, Média Award Guinée a fait un jubilé pour moi au palais du peuple, ils m’ont fait vraiment cet honneur-là. Ils m’ont rendu hommage.
Pour ceux qui peuvent m’aider je suis à Nzérékoré, à Kpama 2 et j’attends leur assistance pour un examen complet de ma situation pour un diagnostic complet, parce que personne ne l’a encore fait. Même si j’ai fait mon bilan, je suis passé au scanner mais on n’a pas dit encore quelque chose. Donc je demande s’il y a des personnes de bonne volonté qui peuvent s’occuper du vieil Odilon Théa, je les remercie d’avance. Et je pense que ce sera bon pour moi et pour ma femme.
J’ai une seule épouse qui s’appelle Germaine Lamah, qui s’occupe bien de moi. C’est elle qui fait tout pour moi, qui me donne à manger, puisque je ne peux pas tenir la cuillère. J’ai 9 enfants, dont un en Suisse qui vient de temps en temps me voir. J’ai fait cet enfant quand j’y étais allé étudier. Je n’étais pas allé pour ça mais c’est arrivé quand-même.
La Guinée me doit 5000 francs Suisse
J’ai été lauréat d’un concours international de reportage lors de la Conférence Internationale des Radios Divisions, Télévision des Versions Françaises dont le siège est à Genève. La Guinée est membre. Le sujet était comment on vieillit en Europe ? Un journaliste Suisse est venu en Guinée, moi je suis parti en Suisse. Mon reportage a été retenu comme premier avec une enveloppe de 5000 francs suisses. Mais moi je n’ai jamais reçu cet argent parce que le secrétaire général de l’information à l’époque au ministère aurait donné cet argent comme la cotisation de la Guinée à la Conférence Internationale des Radios Divisions, Télévision des Versions Françaises comme s’il fallait attendre un concours pour payer cette cotisation. C’est comme ça que j’ai interprété. C’était en 1987. Quand on m’a informé, j’ai dit d’accord jusque-là, la Guinée me doit 5000 francs suisses. Le ministère de l’information me doit 5000 francs suisse. Mais je n’ai jamais réclamé ça.
SAKOUVOGUI Paul Foromo
Correspondant Régional d’Africaguinee.com
A Nzérékoré.
Tél. (00224) 628 80 17 43
Créé le 5 novembre 2024 14:17Nous vous proposons aussi
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