Guinée : Faut-il prolonger une seconde fois le recensement biométrique ?

CONAKRY – Lancée le 15 avril 2025, la campagne d’enrôlement biométrique a déjà bénéficié d’une première prolongation de vingt jours. Ce délai supplémentaire arrive à échéance ce vendredi 20 juin à 18h00, selon le ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation (MATD).
Pourtant, selon plusieurs observateurs, malgré les deux mois consacrés à cette opération, le processus n’a pas atteint ses objectifs, en particulier celui de recenser un nombre représentatif de Guinéens en vue de l’établissement d’un nouveau fichier électoral crédible.
C’est en tout cas l’avis de Dr Lansana Faya Millimouno, président du Bloc Libéral.
« Le processus d’enrôlement, qui prend fin aujourd’hui, n’a pas permis de recenser suffisamment de Guinéens pour organiser des élections crédibles, » affirme-t-il.
Dr Faya Millimouno déplore les nombreuses irrégularités ayant entaché le processus. Il estime qu’une nouvelle prolongation ne peut être envisagée qu’après un arrêt suivi d’un audit rigoureux.

« Cet audit devra passer en revue tout le processus : depuis le choix de l’opérateur, l’achat et la répartition des kits, jusqu’au déroulement même de l’enrôlement. Il faut faire toute la lumière sur les dysfonctionnements constatés », recommande-t-il.
Selon lui, les résultats de cet audit doivent ensuite être analysés collectivement dans le cadre d’un dialogue inclusif, afin d’identifier les correctifs nécessaires.
Il cite plusieurs dysfonctionnements majeurs :
- L’opacité dans la commande et la répartition des kits.
- L’inadéquation des équipements, notamment ceux censés fonctionner à l’énergie solaire, alors que le recensement se déroule en pleine saison des pluies.
- Les difficultés d’enrôlement des Guinéens de l’étranger, à qui l’on exige des pièces déjà présentées lors de l’obtention de leur passeport.
« À l’étranger, moins de 7 % des Guinéens ont pu être enrôlés. À Abidjan, rien n’a été fait. En Sierra Leone, selon le dernier rapport, à peine 1 200 personnes ont été enregistrées alors qu’ils sont des centaines de milliers à y vivre », déplore le leader du Bloc Libéral.
Pour Dr Faya, un arrêt immédiat du processus, un audit indépendant et un dialogue politique sur ses résultats sont incontournables, si l’on veut garantir des élections paisibles et crédibles.
« L’état actuel du fichier ne permet pas d’envisager des élections sérieuses », insiste-t-il.
Des voix opposées à toute prolongation
Cet avis n’est pas partagé par Dr Ben Youssouf Keita, ancien député de l’UFDG et président du parti Alliance pour le Changement et le Progrès (ACP). Il estime, au contraire, que le gouvernement a fait suffisamment d’efforts, et que le recensement doit désormais prendre fin pour respecter le chronogramme de la transition.
« Le Guinéen est souvent un finaliste, il attend la dernière minute. Mais ceux qui avaient la volonté de se faire recenser et qui détenaient les bons documents l’ont fait dès les premières semaines », estime Dr Keita.
Dr Ben Youssouf souligne que l’État a mené une large campagne de sensibilisation, aussi bien à travers les médias qu’au sein des communautés religieuses.
« À mon humble avis, les 65 jours accordés, y compris le délai additionnel, sont largement suffisants. Tous ceux qui voulaient se faire enrôler l’ont été. On ne peut pas réveiller quelqu’un qui ne dort pas », a-t-il dit.
Il plaide donc pour mettre fin au processus, ne pas envisager une nouvelle prorogation et passer à l’étape suivante du calendrier, en l’occurrence le référendum constitutionnel prévu en septembre.
« Il ne serait pas responsable de continuer à rallonger ce recensement. Le temps file, il ne reste que deux mois », a-t-il ajouté.
Alors qu’il ne reste que quelques heures avant la clôture officielle du processus, toutes nos tentatives pour obtenir une position actualisée du MATD sont restées sans réponse.
À suivre…
Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
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