Rhume, Covid-19, maladies hydriques : les conseils utiles du Dr Sory Condé , DG de l’ANSS (Entretien)

CONAKRY – L’arrivée de la saison des pluies suscite la crainte d’une recrudescence des maladies hydriques et respiratoires. Récemment, de nombreux citoyens ont déjà développé un rhume sévère. Faut-il redouter un nouveau variant de la Covid-19 ? Est-ce une autre forme de virus ? Comment se prévenir des maladies en cette période ? La Guinée dispose-t-elle d’un dispositif sanitaire efficace pour y faire face ?
Le Dr Sory Condé, Directeur général de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSS), fait le point dans cet entretien exclusif accordé à Africaguinee.com.
AFRICAGUINEE.COM : Ces derniers jours, beaucoup de personnes ont développé un rhume très sévère. Beaucoup ont redouté un nouveau variant de la Covid-19. Y a-t-il à s’inquiéter ?
Dr SORY CONDE : Il y a effectivement des cas sporadiques de Covid-19 qui sont détectés, mais ce sont généralement des cas mineurs. Nous n’avons pas démantelé tout notre système de surveillance de la Covid. Nous disposons encore de sites sentinelles, mis en place avec l’INSV. Il y en a actuellement dix pour la surveillance des maladies grippales, auxquelles nous avons associé d’autres pathologies, comme celles causées par les filovirus — c’est-à-dire des virus transmis par vecteur, comme la dengue.
Un site est installé au CMC de Matam, un autre à Kissidougou, et nous prévoyons d’en ouvrir deux autres à Forécariah et à Koundara. En plus de cela, nous effectuons une surveillance des eaux usées. Certaines maladies peuvent en effet être détectées dans les eaux de ruissellement ou les eaux de toilettes. Cela nous permet de suivre la circulation des agents pathogènes.
Au cours des deux dernières semaines, nous avons enregistré quatre cas confirmés de Covid-19. Encore une fois, il s’agit de cas mineurs. La circulation du virus a été confirmée par l’analyse des eaux usées.
Les tests de diagnostic rapide restent disponibles dans les centres de traitement des épidémies et dans les centres de santé. Le vaccin contre la Covid-19 est lui aussi toujours disponible. Depuis août 2023, les autorités ont décidé de passer à une « routinisation » du vaccin, qui est désormais intégré au Programme Elargi de Vaccination (PEV). Il est administré dans les mêmes conditions que les vaccins classiques, comme ceux contre la polio, la rougeole, la méningite ou la fièvre jaune.
Cependant, contrairement aux autres, le vaccin Covid n’a pas de calendrier de vaccination fixe. Il est administré à la demande, notamment lorsque les citoyens viennent dans les centres de santé pour d’autres prestations.
En France, on parle d’un nouveau variant du Covid-19, le NB.1.8.1, qui serait responsable de plusieurs cas graves. Avez-vous détecté un variant similaire en Guinée ?
Non, nous n’avons pas détecté de nouveau variant en Guinée. Les séquençages effectués montrent qu’il s’agit toujours des anciens variants que nous connaissons déjà. C’est vrai qu’en France, de nouveaux variants ont été identifiés. En Chine, je n’ai pas d’information confirmée sur ce point.
Mais lorsqu’on parle de « nouveau variant », on évalue toujours certains critères pour adapter les mesures de riposte : sa virulence, sa létalité, sa capacité à se propager rapidement ou à résister à l’immunité existante. Pour le moment, à l’échelle mondiale, aucun variant détecté récemment n’est plus virulent ou plus létal que les précédents.
Dans tous les pays, y compris la Guinée, la stratégie repose donc sur le renforcement de la surveillance. Cela ne se limite pas à la détection de cas dans les structures sanitaires, mais inclut aussi le séquençage génétique dans les laboratoires afin d’identifier rapidement toute mutation du virus.
C’est pourquoi, bien avant la Covid-19, nous avions déjà mis en place six centres sentinelles pour la surveillance des maladies grippales. Car la grippe n’est pas une maladie unique : elle regroupe plusieurs virus qui, comme le SARS-CoV-2, mutent rapidement. Ces dispositifs nous permettent de suivre l’évolution des virus circulants et de déterminer s’il s’agit d’un nouveau variant ou non.
En parlant de grippe, plusieurs citoyens affirment avoir été touchés par une forme particulièrement sévère ces dernières semaines. Avez-vous été saisi officiellement pour enquête ?
Oui, nous sommes au courant et nous en parlons pour rassurer la population. Pour l’instant, aucune situation inhabituelle ou inquiétante n’a été détectée. Il s’agit de cas classiques de grippe saisonnière.
Lorsque des personnes présentent des symptômes grippaux, elles ne peuvent pas savoir si c’est la grippe, la Covid ou autre chose. Mais en se rendant dans les structures équipées, des examens permettent de distinguer un simple virus grippal d’un agent pathogène comme le coronavirus.
À ce jour, les analyses ne montrent rien d’inhabituel. Ce sont des virus que nous connaissons. Et selon le Code de la santé publique, lorsque nous sommes face à une épidémie reconnue, l’État prend en charge l’ensemble des coûts liés à la maladie.
Mais lorsque nous ne sommes pas en situation épidémique, la prise en charge devient individuelle : ce sont les patients ou leurs familles qui paient les soins. Cela dit, les tests de diagnostic rapide (TDR) et les vaccins Covid-19 restent gratuits, comme toujours.
En revanche, si c’est une grippe saisonnière ordinaire, le médecin émet une ordonnance, et les médicaments sont à la charge de la famille. C’est cette distinction qui est importante à comprendre.
En cette saison des pluies, quelles sont les maladies les plus à risque en Guinée ?
Les principales maladies à risque sont les maladies diarrhéiques, notamment les maladies hydriques, dues à la consommation d’eau contaminée. Nous travaillons actuellement à réactiver nos sites sentinelles de surveillance du choléra, car c’est la maladie hydrique la plus redoutée.
Chaque année, à partir du mois de juin, nous intensifions la surveillance dans les zones les plus exposées, en particulier les zones côtières comme Forécariah, Boffa, Boké, mais aussi les campements de pêche.
À Conakry, le débarcadère et l’île de Mayibé, située dans la commune de Ratoma, font partie des points sensibles. Je précise que sur le plan sanitaire, nous fonctionnons toujours avec les cinq anciennes communes, car les directions sanitaires des nouvelles communes issues du dernier découpage ne sont pas encore opérationnelles.
Sur l’île de Mayibé, il existe un campement de pêche qui abrite l’un de nos sites sentinelles. Nous y renforçons les dispositifs de surveillance pour garantir une détection précoce de toute suspicion, lancer rapidement les investigations et éviter autant que possible une confirmation de cas.
Parallèlement, nous insistons sur les mesures d’hygiène, comme le traitement de l’eau et le lavage des mains. Grâce à cette stratégie, aucun cas de polio n’a été enregistré depuis 2012 en Guinée. Mais comme le pays reste exposé, notamment en période de pluies, nous réactivons les systèmes de surveillance pour anticiper tout risque.
À date, quelles sont les épidémies ou les virus actuellement en circulation en Guinée ?
Actuellement, plusieurs maladies à potentiel épidémique sont actives sur le territoire national.
Nous avons d’abord la poliomyélite, détectée principalement dans les régions de Kankan (notamment dans les préfectures de Kankan, Siguiri et Kouroussa) et de Faranah, plus précisément à Kissidougou.
Nous faisons également face à un foyer de rougeole à Conakry et ses environs, ainsi qu’à des cas sporadiques de Covid-19, signalés à Conakry, Dubréka et Coyah.
Concernant la diphtérie, la situation semblait stabilisée à Siguiri, mais au cours des deux dernières semaines, deux nouveaux cas y ont été confirmés.
Nous suivons aussi de près les cas de rage humaine, qui surviennent en raison d’agressions perpétrées par des chiens infectés. Il faut savoir que nous avons également enregistré plusieurs cas de rage canine, ce qui accroît les risques de transmission à l’homme.
Pour ce qui est de la MPOX (variole du singe), elle n’est pas active actuellement en Guinée. Toutefois, par mesure de précaution, nous avons renforcé notre dispositif de veille dans les préfectures frontalières avec la Sierra Leone, à savoir : Forécariah, Mamou, Faranah, Kindia et Guéckédou.
Des mesures spécifiques sont en place à ces frontières : surveillance renforcée aux points d’entrée, screening des voyageurs, supervision des structures de santé, et une communication permanente avec les autorités sanitaires de la Sierra Leone pour un partage rapide d’informations sur tout cas suspect se dirigeant vers la Guinée.
À ce stade, il n’y a pas de danger immédiat, mais nous restons extrêmement vigilants, car le nombre de cas augmente dans les pays voisins.
Quel message souhaitez-vous adresser à la population face à ces différents foyers épidémiques ?
Le plus important, c’est de ne pas céder à la panique. Il n’y a pas feu en la demeure. Le ministère de la Santé, à travers l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSS), l’Institut National de Santé Publique (INSP) et d’autres directions spécialisées, met en œuvre toutes les mesures nécessaires pour assurer une détection rapide et étouffer les épidémies avant qu’elles ne prennent de l’ampleur.
Si vous constatez qu’il n’y a pas de grande communication autour des épidémies ces derniers temps, c’est justement parce que les foyers détectés sont maîtrisés très tôt, ce qui évite les flambées majeures.
Mais pour maintenir cette dynamique, la population doit continuer à respecter les mesures de prévention :
- Le lavage régulier des mains ;
- Le traitement de l’eau avec des solutions chlorées ;
- Une collaboration active avec nos équipes de terrain, surtout pendant la saison des pluies, propice aux maladies hydriques.
Quand nos équipes viennent pour des enquêtes sanitaires, il s’agit d’activités communautaires cruciales. Si les populations ne coopèrent pas, cela peut freiner la collecte d’informations utiles et retarder la réponse sanitaire. Donc j’en appelle à la responsabilité collective.
En résumé :
- Ne paniquez pas : nous assurons la surveillance sanitaire de façon continue.
- Collaborez pleinement avec nos équipes sur le terrain.
- Respectez les mesures de prévention : lavage des mains, traitement de l’eau, hygiène de vie.
- Signalez rapidement tout cas suspect à l’établissement de santé le plus proche.
Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com