Kamara, district de Faranah : les habitants dénoncent l’impact destructeur d’un projet ferroviaire

FARANAH– Les habitants du district de Kamara, situé à 15 km de la commune urbaine de Faranah, tirent la sonnette d’alarme. Ils dénoncent de graves préjudices causés par les travaux de construction de rails menés par une société chinoise. Ces activités, qu’ils percevaient au départ comme un levier de développement local, ont rapidement viré à la désillusion.
Selon les populations, les travaux en cours ont engendré d’importants dégâts environnementaux et socio-économiques. Les forêts sont détruites, les sources d’eau sont polluées, et l’écosystème local est gravement perturbé.
Présent à Kamara à l’occasion de la fête de Tabaski, Sayon Oularé, porte-parole des ressortissants du district résidant à Conakry, se dit choqué par la situation :
« L’environnement est agressé. Les forêts sont détruites, les points d’eau sont pollués. L’environnement est dans un état déplorable à cause des activités dévastatrices de la société chinoise », déclare-t-il.
Inquiet, il en appelle à l’intervention urgente de l’État et à l’appui des ONG pour sauver ce qui reste de l’écosystème local.
« Dans ma propre famille, cinq enfants souffrent aujourd’hui de pathologies causées par la pollution de l’eau », déplore-t-il.
La colère est également palpable chez Mamady Keïta, surnommé « Vieux », président de la jeunesse du district. Il s’insurge contre le non-respect des engagements pris par la société :
« Lors des premières négociations, la société chinoise avait promis de construire des infrastructures sociales de base comme une école, un forage et un dispensaire. À ce jour, seules six salles de classe sont en construction, et le chantier est loin d’être achevé », explique-t-il.
Pire encore, selon lui, la pollution a causé la mort de dizaines de bœufs, empoisonnés après avoir bu l’eau du marigot de Friko, une source essentielle pour les habitants :
« Nous avons perdu au moins 75 têtes de bétail. Depuis l’arrivée de cette société, les maladies liées à la pollution ne cessent de se propager. Les Chinois ont creusé des fosses septiques et orienté les tuyaux d’évacuation vers le marigot. L’eau est souillée », dénonce-t-il.
Malgré les constats alarmants faits par les autorités locales, la situation reste inchangée.
« Le sous-préfet de Nialia et le maire sont venus constater les dégâts, mais jusqu’ici rien n’a été fait », regrette le président de la délégation spéciale.
Sur le plan de l’emploi, la frustration est tout aussi grande.
« Lors du recrutement, seulement deux de nos jeunes avaient été embauchés. Très vite, ils ont été remerciés au profit de travailleurs venus du Liberia et de Sierra Leone. Nous demandons aux autorités d’intervenir pour faire respecter les droits de notre communauté », lance-t-il comme appel.
Les femmes aussi en première ligne
Saran Kandé, présidente des femmes de Kamara, dépeint une souffrance quotidienne :
« Les puits ont été asséchés ou pollués. Nous sommes obligées de marcher plusieurs kilomètres pour trouver de l’eau potable. C’est une corvée pour nos enfants et nous-mêmes. »
Elle appelle à la solidarité des autorités sanitaires et des organisations humanitaires pour soulager les femmes et les familles.
Un climat de rupture entre la société et la communauté
Sékouba Oularé, qui servait d’interface entre la société chinoise et les habitants, se dit désormais marginalisé :
« On ne m’écoute plus. Mes tentatives de médiation sont ignorées, et la communauté me prend pour un traître. Chaque jour, l’étau se resserre autour de moi », déplore-t-il.
Il dénonce également la non-application des promesses de recrutement local :
« Il nous avait été dit que 70 % des postes seraient réservés aux jeunes du district. Cela n’a jamais été respecté. Aujourd’hui, nous sommes devenus des étrangers chez nous. »
Un besoin urgent de dialogue et de réparation
Face à cette situation jugée intenable, les populations de Kamara réclament une révision des termes de l’accord avec la société, et l’exécution immédiate des engagements sociaux. Elles appellent les autorités guinéennes à assumer pleinement leur rôle de protecteurs des droits citoyens.
Le cas de Kamara sonne comme une alerte : il est urgent de concilier progrès et respect des populations.
Affaires à suivre
Depuis Faranah
Alpha Amadou BARRY
Correspondant régional d’Africaguinee.com
Tel : (00224) 622 02 95 19
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