Grève annoncée à la banque centrale : les « dessous » de la crise (entretien)

CONAKRY- Une nouvelle tension sociale secoue la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG). Le syndicat de la première institution bancaire du pays annonce une grève générale illimitée à partir du mardi 27 mai 2025. Les responsables du mot d’ordre disent protester contre ce qu’ils qualifient de remise en cause de certains acquis sociaux et le blocage des négociations avec la direction.

Selon Issa Keïta du bureau syndical de la BCRG, la décision de déclencher cette grève intervient après des semaines de tensions entre le syndicat et la Direction de la Banque Centrale. En exclusivité sur Africaguinee.com, il explique les causes réelles du mouvement. A l’en croire, une série de revendications portant notamment sur des primes et avantages que le syndicat considère comme des droits acquis, sont aujourd’hui plus que jamais menacés. Dans sa plateforme revendicative, le syndicat dénonce notamment l’application partielle du protocole de 2017 qui liait les primes aux évolutions salariales.  (Interview)

AFRICAGUINEE.COM : Nous avons appris que le syndicat de la BCRG appelle les travailleurs de l’institution à observer une grève générale illimitée à partir de mardi 27 mai 2025. Quels sont les motifs ?

ISSA KEITA : Effectivement, on a lancé un appel à la mobilisation le mardi 27 mai 2025. Déjà la base est informée et je suis même en train de préparer le courrier pour le mot d’ordre de grève qu’on va certainement déposer ce lundi 26 mai 2025 à l’attention des autorités de la banque centrale, on va faire des copies à la FESABAG et à l’Inspection Générale du Travail. Donc, s’il plaît à Dieu, la grève sera effective à partir du mardi, pour une durée illimitée.

On a déposé une plateforme revendicative au titre de cette année. C’est une plateforme qui comprend deux parties. Les préalables et les points à négocier. Les préalables à la négociation concernent essentiellement les acquis que la Direction a confisqué. Ces acquis doivent être rétablis. Et cela concerne les douze premiers points de la plateforme.

Maintenant, il y a d’autres points à négocier. Pour eux, on va s’asseoir autour de la table. Ce qu’on décidera ensemble, on va signer un protocole. Or, les douze premiers points sont des acquis qui ont été remis en cause, ou boycottés. Nous avons demandé au gouverneur de la BCRG de les rétablir.

Pourtant on accuse aussi le syndicat de la BCRG d’avoir violé le protocole du 31 décembre qui stipulait notamment qu’il y aurait une « trêve syndicale » où aucune négociation ne serait menée sur les points traités à l’Article 7 (les réaménagements des primes) jusqu’en décembre 2027. Que répondez-vous ?

Justement, il y a un protocole qui a été signé en décembre avec l’équipe sortante et nous nous sommes une nouvelle équipe, nous avons été élus le 27 février 2025. Mais en décembre 2024, ce protocole a été signé. Donc à l’article 7 de ce protocole, ils se sont entendus avec le bureau sortant d’observer une trêve pour trois ans. C’est-à-dire qu’on ne reviendra pas sur les primes. Mais le problème c’est qu’au même article 7, il y avait déjà un autre protocole de 2017 qui alignait toutes les primes sur le salaire. Donc ça veut dire que quand le salaire augmente, les primes doivent normalement suivre.

Certaines dispositions du protocole de 2017 respectent ces primes, mais d’autres primes ont été fusionnées. Ce que nous avons considéré comme étant une violation de nos acquis. Par le passé les deux parties avaient chacune constitué une équipe ; on s’est retrouvé mais nos représentants avaient dit qu’il était hors de question de remettre en cause les acquis. Le camp d’en face a dit non venez avec vos arguments c’est juste pour vous écouter.   On est donc venus, je crois qu’on avait eu trois séances de concertation. Le premier jour, nous avions démontré qu’en fait les acquis, on ne les remet pas en cause parce que c’est protégé par la loi. Ni le code du travail dit que ni une décision unilatérale, ni un protocole bipartite, ni un contrat ne peut remettre en cause les acquis. Ce sont les articles 11 et 12 du code du travail qui le stipulent.

Donc les acquis sont protégés et les pratiques de l’entreprise, les usages aussi sont protégés. Donc le code dit, lorsque l’employeur a accordé un avantage plus favorable que le code, c’est cet avantage-là qui est appliqué. Et dès que cet avantage devient acquis, on ne peut plus le remettre en cause. C’est vrai, avec le bureau sortant un protocole avait été signé, mais il a été violé. Et les dispositions du code du travail sont d’ordre public. Le code dit que les droits, c’est-à-dire les avantages acquis doivent continuer.

Donc un protocole d’accord ne peut pas remettre ça en cause un acquis et une décision unilatérale ne peut pas également remettre cela en cause. Donc l’article 10 de ce protocole violait les acquis. Et nous, on n’est même pas allé dénoncer ce protocole, parce qu’on avait la possibilité de le dénoncer, mais on ne l’a pas fait. Nous, on a tout simplement demandé le rétablissement de nos acquis. Comme ça, s’ils sont d’accord, lors de la signature du prochain protocole, on va juste réviser cette disposition du protocole d’accord qui viole nos acquis.

Là, on a fait la démonstration devant leurs conseillers dans la salle. Nous avons lu les dispositions du Code du Travail qui parle de la protection des usages et pratiques d’entreprise et les avantages acquis. Ils n’ont plus rien dit, ils avaient leurs conseillers juridiques dans la salle, on avait démontré devant eux, parce que l’inspecteur général du Travail s’est impliqué dans ce conflit, bien avant même que nous lancions le préavis. Donc quand on est allé voir l’inspecteur général du Travail, on lui a expliqué. Il a écouté les deux parties, on a parlé de nos acquis. L’inspecteur lui-même a dit qu’on ne peut pas remettre les acquis en cause. Ils ont quitté chez l’inspecteur, pour aller voir le ministre du Travail. Le ministre du Travail nous a convoqués, on est allés. Lui aussi a dit allez négocier, discutez à l’interne, mais ne remettez pas en cause les acquis parce qu’il savait de quoi il parlait. Il a dit ne remettez pas en cause les acquis, si le protocole n’est pas bon, essayez de le réviser et l’adapter par rapport au contexte. C’est l’actuel ministre du Travail, François Bourouno.

Donc nous on est revenus, on a entamé cette discussion. Et ces derniers jours il a saisi encore le président du Conseil National du Dialogue Social. On est allés là-bas aussi et on a donné nos explications. Dr Alya a dit la même chose. Il a dit qu’on ne remet pas en cause les acquis. Il dit s’il y a d’autres points, on peut parler de ça, mais les acquis, on ne les remet pas en cause. Le contrat ne peut pas violer la loi. Parce qu’en fait, la loi sociale, ce sont des dispositions de tort public qui fixent le minimum inviolable. Maintenant, lors de nos discussions, comme il y avait plusieurs points déjà qui concernaient les acquis, on leur avait dit maintenant ce qu’on va faire, nous on vous montre notre bonne foi. Remettez en place ne serait-ce que deux acquis seulement, puis nous on revient sur la table des négociations, on continue à négocier les autres points.

Il n’a pas accepté et qu’est-ce qu’il fait ? La semaine passée, celui qu’il a désigné, celui qui présidait son équipe de négociation qui trouve être son conseiller principal, les deux ils ont voyagé, je ne sais même pas s’ils sont encore revenus. C’est ainsi que les négociations se sont arrêtées.

Donc comme nous notre préavis doit normalement expirer aujourd’hui, on avait organisé une assemblée le vendredi passé, et on a demandé aux travailleurs et aux travailleuses de rester à la maison, à compter du mardi 27 mai 2025. Donc, là ils sont déjà informés et je suis même en train de préparer le mot d’ordre de grève et on va le leur adresser. Donc demain on va déposer le mot d’ordre de grève et mettre la FESABAG et l’IGT en copie. Donc s’il plaît à Dieu, la grève sera effective le mardi.

Quelles vont être les conséquences de cette grève ?

Ah, vous posez une question embarrassante. Parce que là on est dans un secteur très stratégique, très sensible quand même. Ce n’était pas quand même notre souhait, mais on est obligé de faire comme ça. On verra, peut-être demain on va discuter sur comment mettre en place un service minimum. Je ne sais pas si cela pourrait passer. Mais de toute façon, nous comptons exercer ce droit-là parce qu’on ne nous écoute pas.

Est-ce que cette grève touchera également les banques privées ?

Peut-être, je ne sais pas s’ils vont nous accompagner ou pas, mais ils n’ont pas l’obligation. Mais de toute façon, nous, nous irons quand même en grève. Mais ce qui reste clair, nous sommes une section syndicale de la FESABAG, donc je ne sais pas quelle va être la décision de la FESABAG par rapport à ça. Mais nous, en tout cas, nous comptons aller en grève et je crois que la FESABAG est quand même de notre côté. Mais à ma connaissance, ils n’ont pris aucune décision par rapport à ça.

Dans le courrier de préavis qu’on lui a adressé, on a même parlé de pétition. Donc, nous allons carrément vers un durcissement du ton.

Interview réalisée par Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 666 134 023

Créé le 25 mai 2025 13:08

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