Transition guinéenne : constats et recommandations de l’ONU pour désamorcer la crise…

CONAKRY-En novembre 2024, une mission d’évaluation des besoins électoraux a été déployée en Guinée par l’ONU (Organisation des Nations Unies), à la demande du Gouvernement guinéen. Conduite par Simon-Pierre Nanitelamio, elle avait séjourné à Conakry du 04 au 15 novembre 2024. Objectif, évaluer notamment l’environnement institutionnel, politique, sécuritaire, juridique et technique, dans la perspective du retour à l’ordre constitutionnel, ainsi que le potentiel de violences liées aux élections. Le 10 janvier dernier, elle a rendu son rapport. Un document de cinq pages que Africaguinee.com a pu feuilleter. Que contient-il ? Votre quotidien électronique vous donne les points saillants.
Des Constats sur le climat sociopolitique
Dans son rapport, la mission onusienne mentionne avoir noté un « effritement grandissant et inquiétant de la cohésion sociale dans un contexte croissant de tendances des autorités militaires de la transition perçues comme autoritaires par les acteurs nationaux rencontrés et de détérioration des conditions de vie des populations ». Elle note aussi une forte crispation au sein de la classe politique, une détérioration de l’espace démocratique, ainsi qu’un rétrécissement de l’espace civique et de l’état de droit.
« Les étapes clés de la transition politique ne sont toujours pas respectées, tandis que les droits civils se sont érodés depuis le coup d’État du 5 septembre 2021. Le manque de clarté sur le calendrier de retour à l’ordre constitutionnel, la participation potentielle des dirigeants de la transition à une future élection présidentielle, l’absence de consensus autour de la nouvelle constitution et les défis socio-économiques alimentent le mécontentement social », lit-on sur le document.
Les émissaires des nations-unies pointent également la dissolution d’une cinquantaine de partis politiques ainsi que la suspension et la “mise sous observation” de dizaines d’autres, au nom de la conformité avec les lois sur les formations politiques. Ce qui fait craindre une re-fermeture de l’espace politique que le coup d’État de 2021 avait momentanément rouvert, lit-on
Ils soulignent enfin une recrudescence de la répression de la dissidence depuis le début de la transition. « Ceci exacerbe les tensions politiques ainsi qu’un recours excessif et disproportionné à la force par les forces de sécurité. L’augmentation des violations du droit à la liberté d’opinion et d’expression, la fermeture des principaux médias audiovisuels privés, la recrudescence des arrestations et des disparitions forcées des voix dissidentes ont fini par créer un climat de peur généralisé au sein des acteurs politiques et de la société civile », mentionne la note.
Recommandations
Nonobstant les risques politiques, financiers, techniques et opérationnels auxquels le processus de sortie de la transition est confronté, les émissaires de l’ONU considèrent qu’un engagement des Nations Unies présente de nombreux avantages. « Les Nations Unies ont la possibilité de contribuer à atténuer ces divers risques. La fourniture d’un soutien ciblé pourrait constituer une contribution significative à la résolution des principaux défis auxquels le pays est actuellement confronté », ont-ils estimé. A cet égard, ils formulent les recommandations suivantes :
Au Système des Nations Unies
La mission recommande une approche en deux volets pour soutenir le processus de transition, en conformité avec les efforts entrepris par la communauté internationale et notamment les organisations sous-régionales (CEDEAO, AU, UE, OIF) avec d’une part un engagement politique.
« Afin de faciliter le dialogue politique entre les acteurs nationaux et de promouvoir un climat plus favorable à des processus référendaire et électoral pacifiques et inclusifs, la mission recommande que le Représentant Spécial du Secrétaire Général (RSSG) des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, avec l’appui de la Coordinatrice Résidente du Système des Nations Unies en République de Guinée, joue un rôle de premier plan dans la mise en œuvre de son mandat de bons offices pour la facilitation du dialogue politique », recommandent la mission.
Un engagement technique
A cet effet, l’ONU devrait fournir un appui technique et opérationnel ciblé et limité dans un premier temps, à travers le déploiement d’experts au niveau du RAVEC et aussi auprès du CNT pour appuyer la rédaction des différentes lois organiques ayant des implications sur le processus électoral. À l’échelle nationale, l’équipe pays, y compris le PNUD, le bureau du Haut-Commissariat aux Droits de l’homme et le bureau de la Coordonnatrice Résidente, devrait renforcer l’assistance technique de l’ONU en mettant également l’accent sur des activités de prévention des conflits liés aux élections, suggère l’équipe onusienne.
Elle recommande en outre que la Coordinatrice Résidente, en collaboration avec le PNUD, UNOWAS et la division régionale de DPPA-DPO, procède à des évaluations régulières de l’environnement politique et électoral, ainsi qu’à des revues des progrès et des défis, et partage, à travers la Division de l’Assistance Électorale, ces informations avec la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, en sa qualité de point focal pour l’assistance électorale au sein du système onusien.
« Pour garantir la cohérence et la coordination des messages et l’approche de la communauté internationale concernant le soutien au processus de transition, la (mission) recommande également que la Coordonnatrice Résidente maintienne une communication coordonnée et conjointe avec les principaux ambassadeurs et représentants des organisations régionales telles que l’UA, la CEDEAO, l’OIF et l’UE en Guinée. Ce mécanisme de coordination informel assurerait la diffusion d’un message unifié lors des interactions avec les parties prenantes nationales. De plus, UNOWAS pourrait apporter un soutien supplémentaire à la Coordonnatrice Résidente en engageant la CEDEAO afin de tirer profit de ses bons offices dans le pays ».
Afin d’assurer la cohérence et la consistance des actions, la mission recommande aussi que la Coordonnatrice Résidente coordonne les travaux des agences, fonds et programmes des Nations Unies dans le pays qui pourraient avoir un impact sur le processus électoral
« Il est conseillé de promouvoir les synergies entre les projets et programmes des Nations Unies qui soutiennent la gouvernance démocratique dans le pays, notamment dans les domaines d’appui au CNT, de la promotion du genre, de la consolidation de la paix, de la cohésion sociale, des droits de l’homme et de l’état de droit. Cette coordination devrait être facilitée par des mécanismes réguliers de partage d’informations, de coordination et de coopération, comme le groupe de travail interagence sur la Guinée (IATF Guinea) », suggèrent-ils.
Le cas échéant, l’équipe des évaluateurs de l’ONU préconisent de faire une réévaluation à mi-parcours, possiblement après le référendum constitutionnel, pour faire le point sur les progrès réalisés et réajuster les éventuels domaines supplémentaires de soutien aux élections présidentielle et législatives, ainsi que pour s’assurer de la mise en œuvre des différentes recommandations.
A la partie nationale
La mission suggère au Gouvernement de « prendre en urgence des mesures de décrispation et de renforcement de la confiance, notamment en apportant des clarifications sur le calendrier de la transition et sur les disparitions forcées d’activistes de la société civile ; en levant les restrictions sur l’espace civique et politique, y compris les médias, en promouvant d’autres mesures susceptibles de créer la confiance telles que le jugement ou la libération des dignitaires en prison ou en résidence surveillée, le retour des personnalités politiques en exil volontaire, etc. »
Dialogue politique
Dans ce cadre, le gouvernement devrait également améliorer sa stratégie de communication publique au sujet de la gestion de la transition et de l’organisation des élections, recommande la mission. Et d’ajouter : « Pour mettre fin au climat politique actuel, les acteurs socio-politiques doivent s’engager sans conditions préalables dans un dialogue politique qui permettra de purger les questions qui pour le moment sont source de tension, afin d’éviter de retomber dans un nouveau cycle de crise politique et de recourir à la recherche permanente du consensus au détriment du respect de la légalité et du droit », préconisent-ils, suggérant aux autorités nationales de considérer sérieusement l’option de la révision de l’ancien fichier électoral ou l’option de faire un nouveau fichier. L’avantage de cette option serait de permettre la tenue du référendum et des élections générales dans des délais raisonnables, selon les émissaires de l’ONU.
« Au regard des risques inhérents à la situation politique, surtout en cette phase de transition, la mission suggère aux autorités nationales de créer un cadre de concertation pour : sensibiliser les partis politiques et autres acteurs nationaux sur la nécessité d’éviter des comportements, discours et autres à même de susciter des conflits voire de la violence ; faciliter le règlement de tous différends relatifs au processus de transition. Dans la perspective d’une communication stratégique, une telle démarche devrait faire l’objet d’une communication conséquente pour renforcer la confiance des citoyens dans ces institutions ainsi que le processus de transition », conclut la mission d’évaluation dans son rapport.
Africaguinee.com
Créé le 23 janvier 2025 11:22Nous vous proposons aussi
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étiquettes: dialogue politique, diplomatie, ONU, Transition