Révélations de Moussa Solano : « Pourquoi la Guinée ne doit jamais renoncer à Yenga… »

Moussa Solano

CONAKRY- L’ancien ministre de l’administration du territoire, de la décentralisation et de la sécurité, au temps du Général Lansana Conté, vient de briser le silence alors que le différend frontalier entre la Guinée et la Sierra Léone, dans la zone de Yenga, rafait surface. Dans cette interview, Moussa Solano revient sur l’origine de ce conflit et fait des révélations. Il prévient que la Guinée ne doit jamais renoncer à Yenga, qu’il décrit comme une zone stratégique.

AFRICAGUINEE.COM : Un différend frontalier latent oppose la Guinée à la Sierra Léone. Le président léonais a interpellé la CEDEAO la semaine dernière par rapport aux incursions répétées des forces armées guinéennes dans la localité de Yenga. Qu’est-ce que vous savez de ce conflit ?

MOUSSA SOLANO : Je pense que pour le temps que j’ai mis au ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation et de la sécurité à l’époque, nous avons eu plusieurs rencontres. Mais le problème de Yenga n’est pas nouveau. C’est un problème qui a été vécu sous la première république. Le président Ahmed Sékou Touré a traité de cette question longuement, même le premier Lansana Béavogui avait été dépêché sur les lieux. Yenga se trouve dans la zone de Guékédou et précisément sur une petite colline qui se trouve à l’intérieur du fleuve, mais du côté guinéen. Le fleuve Makona est la limite entre la Guinée et la Sierra Léone. Dans les lieux où cette rivière fait de séparation, le centre est la limite. Ça été respecté jusqu’à un certain moment. Il est arrivé même des moments où des gens de la première république ont dépassé à des endroits donnés, le fleuve Makona et sont venus s’installer sur les rives du fleuve, mais du côté guinéen.

A l’époque, le président Ahmed Sékou Touré, comme c’était loin de Guékédou, pratiquement en pleine brousse, a été touché par cette question. Et il a demandé de les laisser là. Mais est-ce que ces gens-là ont prospérer à ce niveau ou se sont-ils dispersés ? Là, reste la grande question. Mais le problème là est un problème qui résiste parce que nous avons essayé d’apporter une solution. J’avais rencontré le président Tijane Kaba, ainsi que la présidente Hélène Johnson Sirleaf à l’époque pour que nous puissions discuter de cette question. J’ai été mandaté par le président Lansana Conté. Mais avant de les rencontrer, nous avions eu des réunions préliminaires à Nongowa avec le ministre de l’administration du territoire de Sierra Léone. Avec ce dernier, nous nous sommes expliqués avec les différents dossiers, parce qu’il y a des interprétations différentes sur les différentes cartes établies par les colons anglais et français. Alors on s’était convenu que ça devenait difficile et on avait proposé qu’il fallait que ces deux colonies essayent de nous aider et à nous départager sur cette question. Mais les discussions que j’ai eues avec le ministre sierra léonais à Nongowa avaient abouti au fait que le ministre sierra léonais était d’accord et avait reconnu que Yenga appartient à la Guinée. Parce que la position de Yenga est une colline et c’est une position stratégique.

Est-il envisageable que la Guinée renonce à Yenga ?

La Guinée ne renoncera jamais à Yenga parce que moi je peux dire :  c’est presque un observatoire. Si vous vous perchez là-haut de la colline, vous pouvez voir jusqu’à une très grande distance aussi bien du côté de la Sierra Léone que de la Guinée. Je dois rappeler que le ministre sierra léonais qui avait reconnu l’appartenance de Yenga à la Guinée, dès son retour en Sierra Léone, lorsqu’il a dit ça sur les ondes des radios là-bas, on l’a limogé. Et celui qui l’avait remplacé m’avait invité à une réunion à Freetown, au terme de notre réunion le président Tidiane Kaba m’a demandé qu’est-ce qu’on devait faire réellement ? Je lui avais dit ce que nous devions faire, c’était de porter le problème au niveau du sommet de la CEDEAO afin qu’on puisse nous envoyer deux experts :  un expert français et un expert anglais. Pour faire une très bonne interprétation des cartes que nous avons et qui situent carrément le problème. Si nous avons ces experts, ils feront l’interprétation ensuite en session des chefs d’Etat le problème sera définitivement clos. Parce que le rapport des experts sera lu et il sera entendu, les chefs d’Etat vont en discuter et ils vont faire la part des choses. Après cette rencontre, j’avais fait le compte rendu au président Lansana Conté qui m’a dit qu’il n’y avait pas de problème. C’est ainsi que moi j’ai quitté le gouvernement.

Pendant que j’étais en dehors du gouvernement, mon successeur, Kiridi Bangoura avait annoncé que Yenga appartenait à la Sierra Léone. Maintenant, cette annonce avait-elle fait l’objet d’une communication en conseil des ministres ? Il a fait l’annonce mais il n’a jamais été contrarié, le gouvernement n’a jamais fait un communiqué contraire pour dire que ce qu’il a dit n’était pas vrai.

Du point de vu l’armée, il ne sera pas question de renoncer à Yenga parce qu’il faut traverser le fleuve avant d’arriver à Yenga. Donc ça veut dire que la frontière qui est le milieu du fleuve à ce moment est déplacée. Si Yenga reste la partie appartenant à la Sierra Léone ça veut dire que le fleuve n’est plus la frontière et que le fleuve même appartiendra à la Sierra Léone. Ce qui n’est pas une réalité si on regarde les cartes telles qu’elles ont été élaborées au départ.

Est-ce qu’il est vrai que les forces armées guinéennes ont occupé cette zone au moment de la rébellion ?

Bien-sûr. Vous savez Nogowa est une frontière donc le problème Yenga existe depuis la première république. Mais pour les Léonais, il faut qu’ils soient en possession de Yenga. Or, Yenga est sur le territoire guinéen. Donc, les militaires sont toujours restés là. Yenga est une zone stratégique pour la Guinée. S’en défaire veut dire qu’on donne le contrôle d’une bonne partie du notre territoire à la partie adverse. Et aussi ça veut dire que nous renonçons au fait que l’on nous a donné le milieu du fleuve comme la frontière entre nos deux pays.

Pensez-vous que la solution que vous aviez proposée à l’époque soit toujours à l’ordre du jour pour résoudre ce différend ?

Moi je pense que c’est ça la solution. C’est la solution durable. C’est la solution qui va imposer l’ordre. Même si après les forces armées des deux pays s’affrontent là-bas, mais finalement ils n’auront pas raison parce que les chefs d’Etat auront tranché. Puisqu’aux indépendances, les frontières héritées de la colonisation ont été considérées comme les frontières légales. C’est ce qui avait été arrêté. Donc, toutes les frontières qui ont été héritées de la colonisation sont considérées comme les frontières légales. Maintenant la frontière entre la Guinée et la Sierra Léone, à ce niveau, c’est le milieu du fleuve Makona.

Est-ce qu’à l’époque où vous étiez ministre vous avez eu à gérer un conflit similaire parce qu’il n’y a pas que cette zone où la Guinée se dispute des portions avec ses Etats voisins ?

Oui, avec le Mali on a des situations comme ça dans la zone de Mandiana, des zones aurifères où souvent, il y a des incursions militaires de ce côté. Les maliens pénètrent le territoire guinéen mais les autorités préfectorales qui sont sur place, jusqu’au moment où je quittais avaient réussi à régler les conflits, ça faisait des morts par fois mais au finish, on arrivait à s’entretenir et à s’accorder sur quelque chose. Mais les problèmes ne sont jamais résolus définitivement parce que les problèmes de frontières ne seront résolus définitivement que lorsqu’ils sont portés devant les hautes instances. Tant qu’on ne les enverra pas devant les hautes instances, ce sera des problèmes que l’on mettra toujours en cause parce que les gens considérant, que la frontière n’est pas à sa place.

Vous savez, la frontière c’est toujours deux villages qui partagent les mêmes familles. A Guékédou, il y a le fleuve, à cause des crus centenaires et millénaires le fleuve peut gonfler. Donc, à cause de ça les villages sont loin de la rive, puisque ça va faire des dégâts monstrueux. Sinon, dans les autres cas les villages sont proches, pratiquement il n’y a que le poste de frontière de la douane qui fait constater la frontière.

Qu’en est-il du cas de Kpeaba entre la Guinée et la Côte d’Ivoire ?

Nous avons beaucoup des conflits comme ça, mais c’est toujours les autorités frontalières qui règlent le problème. Le seul problème qui a été porté au niveau du gouvernement est celui de Yenga. Ça ne veut pas dire que le gouvernement ne soit pas informé des autres cas. Yenga est plus emblématique parce que ce problème a fait l’objet d’un débat au niveau du gouvernement. On a envoyé des délégations pour aller voir d’autres chefs d’Etat. J’étais obligé d’aller voir le président Tidiane Kaba sur instructions du chef de l’Etat et en accord avec la présidente du Libéria Hélène Johnson. Donc, c’était déjà trois chefs d’Etat qui s’étaient accordés sur la nécessité de régler le problème de Yenga.

A suivre…

Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Créé le 28 janvier 2021 11:29

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