Retour au pays natal : constats, amertumes et recommandations de Docteur Loua André…

Vue panoramique de l'avenue de la République à Kaloum

Parti de la Guinée en novembre 2012 après mon limogeage de la Direction du Centre National de Transfusion Sanguine de Conakry, j’ai exercé pendant 10 ans les fonctions de Conseiller Régional pour la sécurité du sang, des dons et des transplantations d’organes au Bureau Régional de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’Afrique à Brazzaville au Congo. Ayant bénéficié par la grâce de Dieu à faire valoir mes droits à la retraite au sein de cette organisation internationale, j’ai donc regagné le pays il y a de cela quelques jours.


De l’arrivée à l’Aéroport International rebaptisé Ahmed Sékou Touré

Les formalités de santé, de police et de douanes se sont déroulées à peu près normalement que d’habitude. Toutefois, le bus de transport du tarmac à la salle d’arrivée, qui datait d’un certain âge en plus de la chaleur qu’il y avait à l’intérieur, devrait être remplacé par des modèles de bus beaucoup plus modernes et luxueux, à l’image de ceux d’autres aéroports de la sous-région.  A la sortie de l’aérogare, j’ai été ensuite accueilli par mon épouse qui m’a conduit à mon domicile sis au quartier Tombolia, Secteur Mandafil, dans la commune de Matoto.

Du départ vers le quartier Tombolia

Sur le parcours de l’aéroport vers le quartier Tombolia par l’autoroute, j’ai été agréablement surpris de voir des ronds-points aménagés au camp carrefour, à la tannerie et au marché de Matoto ; mais aussi de constater l’implantation par le régime en place de nouveaux poteaux électriques conventionnels pour l’éclairage public, même si ceux-ci étaient toujours entremêlés de poteaux à lampadaires solaires qui avaient été mis en place par le régime précédent. Ces derniers, en plus de leur non fonctionnement, étaient implantés dans un désordre qui détériorait sensiblement la beauté de l’alignement harmonieux des poteaux conventionnels susmentionnés.

Malgré les efforts d’assainissement, les bordures de route des zones traversées présentaient un environnement globalement malpropre et désordonné. En effet, les emprises de ces rues étaient encombrées soit par des garages de mécaniques automobiles ou d’ateliers divers, soit par des parkings de véhicule, ou encore par des kiosques ou par des étalagistes. A chacun des ronds-points non aménagés (Sangoya, Kissosso, Enta-Marché et Tombolia), des embouteillages monstres étaient observés. Tout le long du parcours, l’encombrement des emprises qui rétrécissaient les routes couplées à l’indiscipline des usagers de la route (conducteurs de voitures, de camions, de motos, et piétons, etc.) qui ne respectaient aucunement le code de la route, aggravaient ces embouteillages. Les piétons en particulier refusaient d’emprunter les passages piétonniers aériens construits à cet effet. Au niveau des marchés de Matoto et de d’Enta, les étalagistes avaient même débordé les barrières en béton pour vendre directement sur la rue. Un autre fait notoire observé était que les conducteurs de motos taxis, circulaient en zigzag entre les voitures, ce qui présentaient des risques hautement probables d’accidents de circulation. Aussi, à partir du carrefour de Kissosso jusqu’à celui de Tombolia, j’avais noté une rareté des poubelles le long de la route pour recueillir les ordures pouvant provenir des quartiers longeant ces routes. Du reste, je voyais dans la circulation, des véhicules personnels immatriculés soit avec les anciennes plaques de fond rouge, soit avec les nouvelles de fond blanc alors j’avais appris qu’une date butoir avait été donnée pour que tous les véhicules aient la même immatriculation.

De l’arrivée au quartier Tombolia

En arrivant dans mon secteur au quartier Tombolia, j’avais noté avec satisfaction l’implantation de poteaux électriques en béton avec des câbles de gros calibre répondant visiblement aux normes et des lampadaires fixés à chaque 3 poteaux de distance, même si ces derniers ne sont pas encore fonctionnels. J’ai aussi noté avec satisfaction, la nette amélioration de la desserte en électricité. Toutefois, le secteur semblait toujours être l’un des moins viabilisés et en outre l’un des plus sales de la commune de Matoto. En effet, les routes du quartier étaient en très mauvais état, et la plupart semblait n’avoir connu aucune couche de bitume, ni même un reprofilage depuis que la planète terre existe. Ces routes étaient en outre soit barrées par des constructions anarchiques, soit jonchées d’ordures de tout genre et permanemment inondées d’eaux usées venant des ménages, des lavabos, des égouts de toilettes et de WC. Je me suis interrogé de voir que ces eaux usées venaient parfois de concessions pourtant très bien bâties dont les propriétaires devraient par conséquent être à mesure de creuser des fosses septiques, à moins qu’ils le fassent délibérément pour gêner leur voisinage.

Une fois arrivé à mon domicile, et à quelque 5 mètres en face de là, j’ai trouvé un monticule d’ordures sur lequel pullulaient les mouches et moustiques et qui dégageait une odeur vraiment nauséabonde. Ces ordures provenaient d’individus ou de familles vivant dans le secteur qui avaient refusé obstinément de s’abonner à des petites et moyennes entreprises (PME) de ramassage des ordures au prix pourtant modique de 30 000 GNF par mois. J’ai dû me résoudre à payer de ma poche 200 000 GNF à Mr Alsény SOUMAH, un chef de famille de mon voisinage, pour dégager ce monticule. Mais non contents de cette propreté pourtant à la portée de tous, des individus et familles continuent toujours d’y déposer leurs ordures soit très tard la nuit, soit au petit matin de bonheur. Les autorités du quartier et du secteur semblaient manifestement, impuissantes d’interdire ces comportements inciviques qui exposent pourtant les populations à des risques sanitaires et à des effets climatiques néfastes. 

Toutefois, j’étais heureux d’apprendre de mon voisinage que le Gouvernement avait engagé un vaste programme de construction de routes dans les quartiers, mais ma joie était de courte durée car mes interlocuteurs ne savaient pas si notre secteur était ciblé ou non par ce projet. J’espère de tout cœur que les autorités communales et du quartier entreprendront toutes les démarches nécessaires afin que les populations du quartier Tombolia en général et du secteur Mandafil en particulier puissent bénéficier de cet important projet gouvernemental d’investissement.

Un petit tour en ville

Au lendemain de mon arrivée, j’ai décidé de faire un tour en ville pour le renouvellement de mon permis de conduire, en empruntant cette fois la route le Prince à l’aller et celle de Sonfonia au retour. Contrairement à Matoto, la Commune de Ratoma possédait une voirie urbaine remarquablement aménagée et bien entretenue. J’ai bien apprécié les passages piétonniers aériens de Simambossia, Koloma et Dixinn avec les barrières métalliques merveilleusement embellies de statuettes nationales. J’ai aussi découvert des ronds-points bien aménagés aux ronds-points de Belle Vue, Hamdallaye, Enco-5, T6 et Sonfonia. Cependant, comme sur l’autoroute, le non aménagement des ronds-points de Cosa et de Lambanyi couplé à l’occupation anarchique des emprises de cette route obstruaient considérablement la circulation. Le prix Nobel d’obstruction des voies et de circulation en zigzag devrait être attribué aux motos tricycles communément appelés "Bonbon Na" qui circulaient sur l’axe Dixinn-Sonfonia.

En outre, j’ai observé que beaucoup de gens portaient des masques faciaux dans les rues et je me suis posé la question de savoir s’il y avait une réémergence de la pandémie de COVID-19 dans le pays. La réponse à mon interrogation était que la poussière étant en suspension dans l’air ambiant comme si la Guinée était un pays sahélien, le port de ces masques faciaux était donc la mesure barrière la plus appropriée à appliquer. Par ailleurs, j’avais trouvé à Prima Center le système informatisé de gestion de permis de conduire (SIGPC) impeccablement organisé, contrairement au processus d’obtention des extraits de naissance et de cartes d’identité biométriques qui est plus ou moins bien organisé en fonction des communes.

Quant au quartier administratif de Kaloum, il n’existait que de nom tant il présentait un visage dégradé et misérable qui n’honore pas la capitale Conakry, notamment les quartiers de Tombo et Corontie portes d’entrée dans cette commune.

Quelques recommandations

De ce qui précède, si j’ai hautement apprécié et salué les efforts louables du comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), dirigé par le Colonel Mamadi Doumbouya, et du gouvernement pour l’amélioration du cadre de vie des guinéens, je déplore cependant, l’absence de l’autorité de l’Etat notamment dans la gestion de la ville de Conakry tant au niveau du gouvernorat que dans les communes et quartiers, en raison des dysfonctionnements décrits ci-dessus.

Très bientôt je vais me rendre à N’Zérékoré ma ville natale. Vu l’inexistence d’aéroports régionaux et de compagnie aérienne nationale, de trains et d’autobus de transport interurbains confortables pour les voyages à l’intérieur, je vais me résoudre à emprunter les moyens de transport disponibles dans le pays, avec la conséquence d’aller et de revenir couvert de poussières ou de boues comme un exploitant artisanal de mines d’or ou de diamant. 

En attendant, et à l’instar des nombreuses voies silencieuses du pays, je suggère au CNRD et au Gouvernement les mesures ci-après :

  1. La délocalisation du centre administratif de la commune de Kaloum, qui ne répond plus à cette dénomination.
  2. L’allègement de la procédure d’obtention des cartes d’identité biométriques, au moins pour les détenteurs de permis de conduire ou de passeports biométriques, si possible par échange de fichiers entre le SIGPC ou le Ministère de la sécurité et les Commissariats de police en charge de l’établissement de ce document d’identification, à moins qu’il existe plusieurs biométries pour un individu donné
  3. Le déguerpissement des occupations anarchiques des emprises tant des grands axes routiers de Conakry que dans les rues des quartiers, et leur aménagement en pistes cyclables exclusivement réservées aux Moto Taxis et aux piétons
  4. La construction des barrières au niveau de tous les passages piétonniers aériens à l’image de celles de Dixinn, Koloma et Simambossia, et à l’effet d’obliger les piétons à emprunter ces passages chèrement construits par le Gouvernement
  5. L’aménagement, au bénéfice de l’urgence, des ronds-points de Cosa, Enta Marché, Kissosso de Sangoya, et de Tombolia, ou l’implantation des feux tricolores fonctionnels pour réduire les embouteillages récurrents à ces niveaux.
  6. Mettre en place au niveau des quartiers et secteurs des brigades pour la surveillance du cadre d’hygiène et de vie des populations.
  7. L’interdiction de la production et de la vente des eaux en sachet et de l’importation de sachets plastiques sur toute l’étendue du territoire, pour prévenir la pollution de l’environnement par des déchets plastiques ; la production et la promotion de l’utilisation de sacs recyclables.
  8. Le renforcement des capacités de collectes et de ramassage des ordures, et l’installation des poubelles de collectes d’ordures le long de tous les grands axes routiers, ainsi que l’obligation d’abonnement de tous les ménages aux PME de ramassage d’ordures.
  9. L’instauration et le prélèvement de taxes sur les revenus des fonctionnaires et des ménages pour le financement de l’assainissement des villes et communes du pays.

Dr André LOUA

Ancien Fonctionnaire de l’OMS

Email : [email protected]

Créé le 5 février 2023 16:16

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