Pourquoi Dr Bano a fondu en larmes ? Les révélations du ministre de l’Education…

Dr Alpha Amadou Bano Barry, Ministre de l'Education Nationale

CONAKRY- Qu'est-ce qui a fait pleurer le ministre de l’Education nationale ? Dans un entretien accordé à Africaguinee.com, Dr Alpha Amadou Bano Barry a fait des confidences. Il répond aussi à ses détracteurs qui critiquent le calendrier des examens nationaux.

 

AFRICAGUINEE.COM : Dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, on vous a vu pleurer à chaudes larmes. Dites-nous pourquoi ?  

DR ALPHA AMADOU BANO BARRY : Ces larmes étaient des larmes patriotiques.  J’ai voulu faire passer un message aux enseignants, aux parents, mais également aux candidats. C’était de cette façon que je pensais ma communication. J’ai commencé par les enseignants, j’en suis un. En fait, je ne connaissais pas les enseignants du pré-universitaire, j’avais, jusque-là, travaillé avec ceux du supérieur. La réalité des enseignants du supérieur est que chacun de nous est autonome intellectuellement et économiquement. Cela sous-entend que nous avons développé une expertise et une compétence qui nous permettent de générer des ressources sans compter exclusivement sur notre salaire ou sans se mêler à des magouilles de gauche à droite. Aujourd’hui, ça fait déjà un an que je suis à la tête de ce ministère, j’ai eu le temps de parler avec les enseignants du pré-universitaire, j’échange avec eux sur beaucoup de sujets.

A mon arrivée, la première action que j’ai voulue, c’était vraiment d’assurer la formation, le renforcement des capacités des enseignants. Mon idée était de développer cette logique, un enseignant bien formé devient honnête parce qu’il est compétent. Il devient productif parce qu’il a la capacité de vendre son savoir pour générer de l’argent propre. Mais, j’ai été étonné de constater que quand je ne leur donne pas de l’argent,  ces enseignants peuvent refuser d’aller en classe pour recevoir une formation juste parce qu’ils n’ont pas reçu d’argent. Je peux vous garantir que cela m’a peiné. C’est de là qu’est partie mon émotion parce que, pour moi, un enseignant doit privilégier sa formation sachant que s’il est formé, il cesse d’être pauvre.

Depuis que je suis à la tête de ce ministère, je me prive de tout y compris de mes propres droits, je n’utilise jamais l’argent du MENA pour des besoins personnels. Même les frais de mission qui relèvent de ma souveraineté, je n’en touche pas, je les utilise pour améliorer le système. Je me rends compte qu’en dépit de tout, je vois que les enseignants, en tout cas certains, préfèrent que je prenne de l’argent dans les caisses de l’État pourvu qu’ils le reçoivent. On m’appelle pour me demander de l’argent ou pour d’autres services alors qu’en réalité, moi-même, je ne vis que de mon salaire. Je prends l’argent de ma propre poche, je donne à des enseignants, mon salaire que je partage. Lorsque je demande des travaux, je n’ai pas d’argent, je prends mon propre salaire que je distribue. En dépit de tout cela, je me rends compte qu’ils auraient préféré probablement que je sois quelqu’un qui détourne  pour distribuer l’argent et cela m’a fait très mal.

Je me suis dit comment ils peuvent se comporter de cette façon? Comment ils ne peuvent pas comprendre que le souci premier de quelqu’un qui a l’avenir du pays, c’est d’abord les enfants ? Comment un enseignant peut accepter d’organiser la fraude systématiquement alors qu’en réalité, moi, j’ai été surveillant pendant des années, j’ai été correcteur, je n’ai jamais négocié avec quelqu’un ? Je me demande si je peux réaliser quelque chose pour obtenir un résultat. Est-ce que je peux changer parce que l’unique raison pour laquelle je suis venu au MENA c’est pour améliorer la Guinée. Aujourd’hui, j’ai honte, j’ai honte quand j’écoute la radio, j’ai honte quand on m’envoie des messages, des sms, j’ai honte lorsque je me rends compte que dans toutes les écoles privées, on fait amener des étrangers pour devenir chefs d’établissements, directeurs et on fait la publicité pour recruter des étrangers alors que je sais que les Guinéens sont intelligents capables de réussir.

Sincèrement, ça me fait très mal et dès que je réfléchis à ça, je me demande : comment ce pays va s’en sortir lorsque ceux qui sont censés inculquer la morale n’ont aucun souci dans ce sens ? Il y a deux catégories dans une société qui ne peuvent pas tricher. Ce sont les enseignants et les médecins. Ils ne peuvent pas et ne doivent pas tricher parce que s’ils le font, ils détruisent l’avenir. Le médecin tue en trichant, une personne morte ne revient pas sur terre. Un enseignant qui détruit des élèves c’est définitif on ne peut pas corriger. Ces élèves détruits vont détruire d’autres et la chaine sera longue. Avec ça quand est-ce qu’on va devenir un pays émergent ?

Comment faire pour que le savoir, la compétence interne soient utilisés pour changer la donne et que ce ne soit pas des étrangers qui viennent faire cela à notre place ? Les plus belles maisons de Guinée sont construites par des étrangers. Quand est-ce que nous allons comprendre que l’éducation est un sacerdoce, une vocation, ce n’est pas un emploi où on vient pour chercher de l’argent. Un enseignant vieillit pauvre avec la reconnaissance des uns et des autres. Je sors dans la rue avec des tenues qui ne sont pas belles c’est quelqu’un qui dira, je suis devenu quelqu’un à cause de lui. Comment se fait-il que nos enseignants ne peuvent pas penser à ça ?

 Un poste, pour moi, ce n’est pas pour m’enrichir, c’est espérer pouvoir changer quelque chose pour faire des performances et diminuer les magouilles. Donc, si je vois les enseignants, je suis parfois très attristé. Certains font un travail encourageant c’est vrai, mais ils méritent une remise à niveau. L’autre catégorie, c’est les  enseignants qui  espèrent avoir de l’argent avec toute personne qu’ils ont en face. C’est une chose qui va prendre du temps pour être corrigée. Pourtant, seule la formation et la compétence rapportent de l’argent. Finalement, je trouve que je suis le plus triste. C’est ce qui explique ces larmes.

Le calendrier des examens nationaux suscite des commentaires. Dites-nous qu'est-ce qui a prévalu à son choix ?

Le 15 novembre dernier, un calendrier a été élaboré et envoyé dans toutes les écoles du pays et on a demandé  à donner à tous les enseignants. Ce calendrier indiquait la période des examens, des évaluations et le nombre d’évaluations. Ce calendrier s’il est exécuté jusqu’au 31 Juillet, il est censé faire 100% du programme d’enseignement. Jamais dans l’histoire d’un pays, on réalise 100% du programme. A 85% du programme, il est autorisé de faire les évaluations. Aujourd’hui, quand vous regardez le niveau, allez dans toutes les écoles, vous vous rendrez compte que les matières les plus difficiles ou les plus longues ont déjà dépassé les 85%. C’est sur la base d’une évaluation objective qu’il a été décidé d’organiser les évaluations dans la dernière semaine du mois de juillet.

Ensuite on s’est rendu compte qu’il y a eu un changement au niveau de la pluviométrie en Guinée. L’année dernière, si vous vous rappelez, on avait fait les examens au mois d’Aout, ça avait commencé au milieu du mois d’Aout. A Kassa, ils ont été incapables de tenir les examens à cause de la marée haute, nous avons été obligés d’envoyer une équipe d’évaluation à Kassa parce que les enfants ne pouvaient pas venir à Conakry pour participer aux examens. Vous pouvez vérifier à Gaoual, il y a eu des écoles qui n’ont pas pu faire la composition parce qu’ils sont derrière le fleuve Komba. Ils ne pouvaient pas traverser certaines parties de Bantala. Il a fallu attendre que l’eau baisse pour faire une évaluation spéciale.

Voilà pourquoi il a été décidé d’utiliser la dernière semaine  du mois de juillet pour organiser les examens parce que nous avons atteint un niveau de progression dans les programmes. Donc, connaissant le niveau du programme avec les inspections, nous savons comment sélectionner les sujets qui seront donnés. Pour rien au monde, une évaluation se fera toujours sur la base de ce qu’on a fait et non sur ce que vous n’avez pas fait, il n’y a aucune aucune inquiétude.

Le problème en Guinée, si on organise au mois d’Aout, il y aurait eu des critiques, au mois de juillet déjà les critiques sont là, on va en septembre il y aura eu des critiques. Parce qu’en Guinée tout le monde est ministre de l’éducation, les 12 millions de guinéens sont des ministres de l’éducation. Tout guinéen a un point de vue sur l’éducation nationale, tout le monde a un emploi du temps, a des sujets qu’il faut donner et qu’il ne faut pas donner. Pourtant, il y a service spécialisé pour les examens en Guinée derrière lequel il faut s'aligner. Pourquoi ils n’ont pas parlé avant? C’est comme l’équipe nationale de foot, tous les guinéens sont  entraineurs.

 

Entretien réalisé par Alpha Ousmane Bah (AOB)

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224)664 93 45 45

Créé le 4 juillet 2021 04:27

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