Pendaisons de Janvier 1971 : Témoignage de l’ex ministre Boubacar Barry…

Boubacar Barry

CONAKRY- C’est l’une des pages sombres de l’histoire de la Guinée. Les pendaisons de janvier 1971, sous le régime de Sékou Touré. Ce jour près cent guinéens avaient été pendus en public à travers le pays. A Conakry, les scènes d’horreur ont été vécues au pont 08 novembre.

Les victimes étaient composées de hauts cadres, des fonctionnaires. Cette semaine, l’Association des Victimes du Camp Boiro (AVCB) a commémoré dans la sobriété le 52ème anniversaire de ces évènements tragiques.

Que représente cette journée ? Que réclame l’AVCB ? Comment l’absence des autorités à cette commémoration est-elle perçue ? Africaguinee.com a interrogé l’ancien ministre Boubacar Barry, membre de l’AVCB.

AFRICAGUINEE.COM : L’Association des Victimes du Camp Boiro (AVCB) a commémoré les pendaisons du 25 janvier 1971 sous le régime de Sékou Touré. Parlez-nous de cette journée ?

BOUBACAR BARRY : C’est un souvenir extrêmement vivace dans ma tête à chaque fois que l’anniversaire arrive. J’étais au lycée du 02 août. Quand nous sommes arrivés le matin, tout d’un coup on nous a dit qu’il n’y a pas classe aujourd’hui et que tout le monde doit se rendre au pont du 08 Novembre. Du lycée 02 août, on est passé par Donka, d’autres par l’autoroute. En se rapprochant, on voyait des silhouettes qui parlaient. Ça été un véritable choc parce que c’était totalement inédit. Il y avait beaucoup d’attroupements. Je me souviens, il y avait même un air festif. En se rapprochant, on voit de plus en plus de personnalités pendues.  On les connaissait plus ou moins.

Je connais personnellement Baldé Ousmane, Barry III, Magassouba Moriba qui était ministre. On connaissait leurs familles. Leurs enfants sont venus constater cela. Vous imaginez bien le choc que cela produit. Cela ne s’est pas passé qu’à Conakry. Dans toutes les préfectures de la Guinée, deux ou trois personnes ont été pendues au même moment. Cette aberration n’est même prévue par le code pénal. C’était un choc qui a marqué durablement plusieurs générations et qui montrait la barbarie et l’atrocité du régime de Sékou Touré.

Que symbolise pour vous cette date ?

Ce que nous pouvons faire à ce stade, c’est toujours rappeler que cette question est en suspens. Elle dépasse l’AVCB en tant que telle parce que cette pratique de disparitions forcées et de fausses communes se généralise de régime en régime. Le dernier cas a été observé notamment à N’Zérékoré. Donc, c’est une question hautement morale, religieuse qui permet à des familles d’avoir un lieu de recueillement sur une tombe identifiée avec l’aide des autorités et leur faire bénéficier d’une sépulture. C’est de cette faire qu’on pourra solder cette question douloureuse des fausses communes.

Nos pauvres mamans pour la plupart qui sont décédées n’ont pas pu se recueillir sur la tombe de leurs maris. C’est une question hautement morale, religieuse et sociale, elle n’est pas politique.

Nous continuons à mener des démarches, des plaidoyers. Nous mettons sur la table ces revendications de manière permanente. Nous espérons que tôt ou tard, elle sera réglée. Je rappelle que le rapport de la commission provisoire sur la réconciliation nationale, le dernier rapport de la commission nationale des assises sous le thème réconciliation et pardon, tous ces rapports ont recommandé véritablement l’identification et la mise à la disposition des familles des fausses communes. Ce sont les autorités qui manquent de volonté politique pour traiter cette question.

L’année dernière le Gouvernement et le CNRD étaient représentés au plus niveau pour commémorer ce douloureux anniversaire. Est-ce que ça été le cas cette année encore ?

Non, ça n’a pas été le cas. Comme vous l’avez si bien dit, l’année dernière, on avait connu la présence de l’ancien du Premier ministre Mohamed Béavogui, celle du ministre Secrétaire Général de la Présidence, le colonel Amara Camara, il y avait aussi le ministre Directeur de cabinet de la présidence. Cela donnait une orientation des autorités quant à la préoccupation de l’AVCB (association des victimes du camp Boiro). Cette année, malheureusement, nous n’avons pu voir la même disponibilité de quelque autorité que ce soit.

Le contexte aussi lié à l’interdiction des manifestations de rue ne nous ont pas permis de commémorer comme d’habitude. C’est-à-dire à partir du pont 08 novembre, puis marcher au niveau du camp Boiro suivi d’un recueillement dans l’enceinte du camp, notamment à l’espace carcéral. Tout cela n’a pas pu se faire. Nous avons retenu un espace clos qu’est le domicile de feu Diallo Telli où nous avons officié toute la partie religieuse et de discours.

Selon vous qu’est-ce l’absence des autorités traduit ?

On ne peut que prendre acte. Notre association est la plus ancienne de toutes les associations de défense des droits de l’Homme en Guinée. Elle a été créée en 1985. Nous avons l’habitude de voir ce type de comportements quelque peu erratique des autorités. Parfois elles accompagnent, parfois elles stigmatisent.

Nous avons vu récemment des actes comme la rebaptisation de l’aéroport du nom de Ahmed Sékou Touré. Parallèlement, nous avons vu un mémorial au nom du colonel Kaman Diaby, un des victimes de Sékou Touré. On est toujours dans cette approche diversifiée. On aurait pensé qu’une approche plus structurée dans le d’un processus de vérité, de justice et de réconciliation aurait permis de traiter ces questions mémorielles avec l’implication de l’ensemble des parties prenantes, avec un consensus. Si par la suite, on décide d’honorer certains responsables ou des personnalités, cela émanerait d’un consensus plutôt que des décisions arbitraires.

Mais tout ça ne nous fera pas changer de conduite. Nous continuerons notre lutte. Nous sommes convaincus que tôt ou tard, notre voix sera entendue parce que c’est une voix de la raison.

A suivre…

Africaguinee.com

Créé le 26 janvier 2023 14:33

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