La France, Tinubu, la Cedeao et les putschistes : Baadiko met les pieds dans le plat…

Mamadou Bah Badiko leader de l'UFD

CONAKRY- La France est en train de perdre son influence dans ses anciennes colonies en Afrique à un rythme accéléré. C’est une vérité de La Palisse. Comment expliquer cette situation ? Dans un entretien accordé à Africaguinee.com, Mamadou Baadiko Bah a livré une analyse pertinente sur cette actualité. Le leader du Parti Union des Forces Démocratiques (UFD) revient également sur l’origine de la résurgence des coups d’Etat en Afrique, mais aussi les accords de défense entre la France et ses anciennes colonies.

AFRICAGUINEE.COM : Quelle analyse faites-vous sur la position de la junte guinéenne par rapport au dossier nigérien ?

MAMADOU BAADIKO BAH : Je ne voudrais pas être en ce moment à la place de la junte guinéenne sur ce dossier nigérien ! Tout montre qu’ils sont pris entre l’enclume et le marteau ! En effet, ils sont tenaillés entre leurs confrères putschistes maliens et leurs amis français. Face à cette position ambigüe, vous avez vu comment le Mali a pris une décision qui ressemble fort à des représailles, en bannissant récemment sans explication, l’importation de farine de blé et de pâtes alimentaires de la Guinée…

A votre avis si l’option diplomatique échoue, la CEDEAO doit-elle engager une action militaire ?

A mon humble avis, compte tenu de tous les enjeux, l’option militaire ne peut pas et ne doit pas être retenue. Ce n’est pas par hasard si le nouveau président du Nigéria, Bola Tinubu, après avoir proféré des menaces d’intervention et envoyé même un ultimatum qui a expiré depuis très longtemps, n’a rien fait. Sa crédibilité est déjà fortement entamée. Mais en fait, les choses sont beaucoup plus compliquées que cela. Le mieux serait que la CEDEAO accentue la pression pour imposer une solution pacifique qui ne passerait pas forcément par le retour de Mohamed Bazoum au pouvoir. D’un autre côté, tout montre que ces sanctions ont déjà des effets très négatifs sur la vie des larges populations nigériennes. C’est assez préoccupant. Une solution négociée doit intervenir sans plus tarder.

D’après vous comment sortir de cette spirale de coups d’Etat en Afrique de l’Ouest ?

Le problème qui est posé à la Guinée est, à quelques nuances près, le même que celui qui se pose à tous les Etats d’Afrique noire issus de la colonisation européenne. Pire encore, ces micros Etats, résultant de la balkanisation de l’Afrique après les indépendances, ne sont pas viables. Un responsable français anonyme avait très justement décrit en 1991, nos Etats comme étant des « républiquettes veinardes et clochardes, sans avenir ». Imaginez-vous une cinquantaine d’Etats ayant chacun son roitelet, sa cohorte de ministres, son armée pléthorique, ses innombrables fonctionnaires, ses milliers de kilomètres de frontières à garder, ses douaniers, ses ambassadeurs partout dans le monde. C’est insupportable ! Si nous avions des fédérations d’Etats, tout ce fardeau aurait été bien réparti et l’essentiel des ressources serait enfin affecté au développement. Ce n’est pas pour rien que les colons français et anglais pour qui la colonisation devait être rentable, avaient créé partout des fédérations : Afrique occidentale française (AOF), Afrique équatoriale française (AEF), Fédération de Rhodésie-Nyassaland et Fédération des pays d’Afrique de l’Est. Mais justement, sachant que c’est la seule voie de salut pour nous, les puissances coloniales font le maximum pour empêcher ces regroupements salutaires.

Souvenez-vous de l’éclatement de la Fédération du Mali (Sénégal et Soudan) et l’élimination du Président Kwame Nkrumah, le plus grand homme d’Etat de l’Afrique depuis nos ancêtres les pharaons d’Egypte ancienne, celui-là qui, justement se battait de toutes ses forces, pour l’unité de l’Afrique. Plus près de nous, voyez cette affaire de monnaie commune de la CEDEAO, l’Eco, en panne depuis plus de 15 ans à cause de l’opposition farouche de la France qui contrôle le Franc CFA. Là aussi, c’est incontournable. Sinon nos Etats moribonds vont se traîner de crise plus ou moins sanglante en crise, en aggravant tous les jours un peu plus la misère ou même la famine des populations, surtout les jeunes, jusqu’à ressembler à Haïti, qui après 200 ans d’indépendance doit s’en remettre à des forces de police de l’ONU pour régler la circulation dans leur capitale Port-au-Prince ! Dans ces conditions, les putschs, une clique remplaçant une autre, le narco trafic, feront partie du quotidien de nos Etats.

On a tendance à croire que la France est conspuée, la Russie adoubée par certains putschistes. Quelles conséquences d’après vous sur la stabilité des États africains ?

Ce sont les jeunes dans leur détresse qui pensent que tout est toujours la faute de quelqu’un d’autre, la France par exemple. Nous devons nous mettre en cause. Les élites africaines, les dirigeant ont été des acteurs et complices de la traite négrière qui a coûté très cher et qui a énormément retardé l’Afrique. Les troupes coloniales qui ont vaincu les résistants africains et permis l’installation des colons, étaient nos frères. Ce sont les élites africaines aliénées qui ont pris le contrôle des Etats africains après les indépendances octroyées, pour continuer à servir les intérêts de leurs maîtres. Il faut plaindre l’esclave qui, plutôt que de lutter pour se libérer, va plutôt trouver que tel maître vaut mieux que tel autre.

Aujourd’hui l’Etat français récolte les fruits de sa politique de domination du pré-carré. Sauf qu’aujourd’hui, en ces temps de mondialisation, la concurrence est très rude entre les puissances économiques du monde pour s’emparer de nos richesses et transformer nos pays en déversoir pour leurs produits. L’impérialisme français est très affaibli et n’a plus les moyens de sa politique. Mais il est très important de souligner que le peuple français ne peut pas et ne doit pas être notre adversaire. Nous autres y avons été formés et savons que c’est un peuple généreux qui souffre beaucoup aujourd’hui de leur système en crise.

D’après vous la présence française dans certaines de ses anciennes colonies pose-t-elle problème ?

La présence de bases militaires françaises en Afrique découle des accords secrets imposés aux nouveaux Etats en 1960. Soyons clairs : ces bases répondent à des intérêts stratégiques de l’ancienne puissance coloniale et en aucun cas à celui des peuples africains. Rappelez-vous qu’en 1964 c’est l’armée française basée à Libreville qui avait rétabli au pouvoir Léon Mba renversé par l’armée gabonaise, de loin inférieure en nombre aux soldats du contingent français. La plupart des coups d’Etat en Afrique sont commis à l’instigation ou avec la bénédiction des puissances extérieures disposant sur place de bases militaires et ou/ de conseillers étrangers.

Souvenez-vous des dirigeants africains récalcitrants vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale renversés par les services secrets français : Sylvanus Olympio en 1963 et Modibo Keïta au Mali en 1968. L’avenir de l’Afrique ne peut se concevoir avec la présence de bases militaires étrangères, quelles que soient les puissances concernées. Nous devons désormais veiller à ce que jamais plus, des éléments extérieurs viennent arbitrer nos conflits, car ils le feront toujours à leur profit, comme ce fut le cas dans les deux Congo.

Comment les pays africains devraient-ils repenser leur partenariat de défense vis-à-vis des pays occidentaux ?

Il faut d’abord que les Etats africains aient en commun une politique de défense. Dans la réforme profonde de nos institutions, il faudra repenser de fond en comble la place et le rôle des services de sécurité. A quoi servent ces armées en surnombre, qui absorbent inutilement les maigres ressources de nos pays. Comment expliquer que malgré la présence de ces grosses armées, des narco-jihadistes terrorisent les populations et qu’il faille faire appel à l’extérieur pour les contenir ? Comme disait un Camerounais : « Que voulez-vous faire de ces hauts gradés au gros ventre et au coup plié ? ». Ils ne sont pas là pour défendre le peuple, les institutions démocratiques, l’Etat de droit et pour sécuriser et assister les populations en cas de besoin.

Fin!

Propos recueillis par Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : 00224 666 134 023  

Créé le 7 septembre 2023 18:40

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