Dr Makanéra Kaké parle : « Le Budget de souveraineté n’est prévu nulle part dans la Loi… »

Dr Alhassane Makanéra Kaké

CONAKRY- Les Lois guinéennes prévoient-elles le budget de souveraineté ? Comment doit-on utiliser un budget dit de souveraineté ? Africaguinee.com a interrogé Dr. Al-hassan Makanéra Kaké, Professeur de droit et finances publiques. L’universitaire parle sans détours.

AFRICAGUINEE.COM : Dans le sillage de l’annonce des charges retenues contre l’ancien Premier ministre Kassory Fofana, ses avocats ont indiqué que les 81 milliards GNF qu’on lui reproche relève de son "budget de souveraineté" dont l’utilisation n’est soumise à aucune justification. Quelles sont les dispositions légales qui encadrent le budget dit de souveraineté ? 

Al-HASSAN MAKANÉRA KAKÉ : Dès qu'on parle de loi des finances ou du budget, la constitution financière, c'est la loi organique relative aux lois des finances, et le règlement général sur la gestion budgétaire et de la comptabilité publique. C'est sur ces deux piliers que reposent les finances publiques de l'Etat. Maintenant quand on lit ce document, le budget de souveraineté n'apparaît nulle part. Normalement, c'est la traduction de la loi organique relative aux lois des finances qui est la constitution financière. Toute loi de finances ou autre cible d'argent de l'Etat devrait être conforme à ça. Or, le budget de souveraineté n'est prévu nulle part dans ce document. Et malheureusement, dans la répartition du budget de l'Etat à travers les lois de finances, on voit sur certaines rubriques, un budget de souveraineté. Il viole déjà la loi organique relative aux lois des finances. Donc, cette disposition quand on l'attaque, elle n'a plus de valeur parce qu'elle doit respecter la loi organique relative aux lois des finances. Ça, c'est le premier aspect. 

Il n'est dit nulle part que ce budget dit de souveraineté appartient à quelqu’un ou qu’il est exécuté sans aucun contrôle. Le principe est que, l'utilisation de l'argent de l'Etat est strictement soumise à une série de contrôles. Donc, même si on parle du budget de souveraineté, avec le principe de spécialité du budget qui est le cadre général de la répartition des crédits, le budget de souveraineté doit suivre une ligne et cette ligne doit être l'objet de contrôle puisque c'est l'argent de l'Etat. On ne donne pas l'argent de l'Etat à un individu. L'argent de l'Etat c'est pour financer les missions spécifiques ou une dépense spécifique.  Donc, on ne l'attribue pas à quelqu'un. 

Quelle est alors l'origine du budget de souveraineté ? 

J'ai cherché la cause ou l'origine du budget de souveraineté et je l'ai retrouvé dans les dépenses militaires. Et l'emploi pour les militaires était de telle sorte qu'on ne doit pas les contrôler. La pratique n'est écrite nulle part. Celui qui parle, demandez-lui de vous montrer un texte qui dit que le budget de souveraineté ne doit pas être contrôlé. Le budget, c'est l'ensemble des lois et des opérations, les finances. C'est l'ensemble des règles… c'est-à-dire les lois qui régissent la manière de faire. Tout est réglementé.

Quand quelqu'un dit que c'est un budget de souveraineté, la loi guinéenne ne définit pas ce qu'on appelle budget de souveraineté, ça c'est un. Deuxièmement : où est-ce que c’est écrit qu'on fait de ce budget ce qu'on veut ? Ce n'est écrit nulle part. Donc, si ce n'est pas écrit cela signifie que le budget qu'on dit de souveraineté doit être exécuté conformément à tout chapitre ou ligne budgétaire. 

Maintenant l'armée, quand on ne voulait plus que l'armée soit contrôlée, on dit que c'est un budget de souveraineté. Ce qui a fait que le budget de l'armée ne passait même pas à l'Assemblée nationale. Les militaires ne venaient pas à l'Assemblée pour défendre leur budget pour deux raisons. D'abord ils ne voulaient pas et deuxièmement c'est le président de la république qui était ministre de la Défense. Quel député pouvait convoquer le Général Lansana Conté à l'époque de venir s'expliquer à l'assemblée nationale sur ce qu’il va faire avec l'argent qu'on a mis à sa disposition ? Donc cette barrière a fait que c'est devenu une culture pendant tout son temps. L'armée ça passe vite, c'est un budget de souveraineté. Donc, les plus malins aussi ont pris ça pour mettre dans le cas des civils pour échapper au contrôle. 

Concrètement, la constitution financière ne parle pas de budget de souveraineté parce que c'est totalement en contradiction avec les principes budgétaires. On ne finance pas un groupe on met les moyens à la disposition des agents pour réaliser une mission. Mais on ne met l'argent à la disposition des agents pour les enrichir. 

Que risque celui qui a utilisé ce "budget de souveraineté" pour des fins personnelles et sans justification ? 

En Guinée il y a trois types de responsabilités qui pèsent sur les ordonnateurs. Il y a la responsabilité pénale, c'est-à-dire la prison. Il y a la responsabilité civile, c'est de rembourser l'argent qui a fait l'objet de détournement ou du vol. Et si l'intéressé n'est pas ministre, c'est la responsabilité disciplinaire ça veut dire qu'il va subir des sanctions disciplinaires. Ensuite, s'il est ministre en fonction, il doit démissionner de cette responsabilité politique. Ça c'est pour les responsabilités qui pèsent sur les ordonnateurs. Maintenant s'il est comptable, il y a la responsabilité disciplinaire, la responsabilité pénale, la responsabilité civile et la responsabilité personnelle et pécuniaire.

Autrement dit, quand un comptable recouvre une requête irrégulière ou effectue des dépenses irrégulières sur sa propre initiative ou sur l'ordre de son supérieur hiérarchique, le comptable engage sa propre responsabilité parce qu'il peut démissionner. Il n’est protégé que sur la base d'une réquisition écrite et que l'ordonnateur l'oblige à payer sur réquisition. Il peut payer et transmettre la réquisition au ministre des finances, en ce moment tout retombe sur l'ordonnateur (…). Si cela est fait, il faut immédiatement transférer la copie de la réquisition, la comptabiliser et procurer le payement.

Entretien réalisé par Oumar Bady Diallo 

Pour Africaguinee.com 

Tel : (00224) 666 134 023

Créé le 23 juillet 2022 12:58

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