Damantang Albert Camara révèle : « Des policiers et gendarmes nous ont réclamé des armes… »

Damantang Albert Camara, Ministre Porte-Parole du Gouvernement guinéen

CONAKRY-Le ton est ferme ! Le Ministre Damantang Albert Camara a pris de nouveaux engagements ce jeudi 2 mars 2017 sur les cas d’assassinat survenus pendant la grève déclenchée par les syndicats du secteur de l’éducation. Au nom du Gouvernement guinéen, le Ministre Damantang a donné des informations sur la procédure judiciaire qui a été enclenchée pour retrouver les auteurs de ces crimes. Des regrets, le Chef du Département de l’Enseignement technique, de la formation professionnelle et de l’emploi, a également exprimé. Damantang Albert Camara qui s’est confié en exclusivité à notre rédaction, est revenu sur le contenu de l’accord signé la semaine dernière entre les syndicats et le Gouvernement.

 

AFRICAGUINEE.COM : Monsieur le Ministre bonjour ! Le Gouvernement guinéen a conclu la semaine dernière un accord avec les syndicats. Sur quoi les deux parties se sont entendues ?

DAMANTANG ALBERT CAMARA :  Sur le point le plus important à savoir le maintien de la valeur monétaire du point d’indice dans la nouvelle grille indiciaire, nous nous sommes mis d’accord pour reporter cette question au mois de septembre 2017; et dans l’intervalle de mettre en place une commission tripartite . Cette commission  va analyser toutes les conséquences possibles de ce maintien et toutes les solutions techniques et administratives possibles pour aménager cette grille indiciaire de manière à ce que les travailleurs n’aient pas l’impression qu’ils ont été lésés dans leurs droits. Je crois que c’était l’élément le plus important de l’avis de grève qui avait été lancé par les syndicalistes. Je crois que c’est cet accord que nous avons trouvé.

Sur les autres points, nous avons convenu ensemble qu’il n’y avait pas eu de baisse de salaire en tant que tel en tout cas aucune n’avait été démontrée à date, ni de rétrogradation, mais nous avons quand-même admis le principe qu’une commission travaille sur les éventuels recours qui seraient déposés par ceux qui estimeraient que leur salaire a baissé ou que leur situation administrative a été rétrogradée. Ce sont les points principaux qui concernaient la grille indiciaire. Sur les autres points, notamment en ce qui concerne les primes, nous avons procédé à la revalorisation d’un certains nombres de primes dans le secteur éducatif (…), c’était quelque chose qui était dans les droits des syndicalistes  et donc nous avons procédé à cette revalorisation ensemble en tenant compte de nos contraintes budgétaires, nous avons géré la question des contractuels en proposant une formule à partir de laquelle ceux qui avaient fait déjà cinq ans pouvaient être admis directement dans l’administration pendant que ceux qui n’avaient pas fait cette période en classe vont  être admis dans les ENI (Ecoles Normales des Instituteurs, Ndlr) pour suivre une formation qualifiante sanctionnée par une évaluation. Je crois ce sont là les principaux acquis qui ont été obtenus par les syndicalistes et qui ont permis de lever cette grève.

De l’avis de certains observateurs, cette grève aurait pu être évitée d’autant plus que l’avis de grève a été déposée bien avant que tous les membres du Gouvernement ne se rendent à Kankan pour participer à la réception du Président Alpha Condé. Qu’en dites-vous ?

Cette grève aurait pu être évitée si on s’était référé à l’accord que nous avions signé avec les syndicalistes. Pour une fois, on n’a pas compris le caractère brutal de cet avais de grève dès l’instant que dans le protocole d’accord que nous avons signé ensemble et qui mettait en place la commission et la nouvelle grille indiciaire il était clairement indiqué qu’à la fin de la transposition de cette grille indiciaire, les parties allaient se retrouver pour évaluer son impact et procéder à des mesures correctives. En lieu et place nous avons eu droit à un avis de grève. Pendant ce temps il y avait une commission qui était mis en place au niveau de la Fonction Publique et qui travaillait sur les différentes réclamations qui étaient faites. C’est d’ailleurs cette commission qui avait constaté qu’il n’y avait pas de baisse de salaire ni de rétrogradation. Donc effectivement, nous avons été beaucoup surpris par cet avis de grève qui finalement n’avait pas sa raison d’être, dès l’instant nous avions accepté le principe de discuter de tous les aspects liés à la grille indiciaire, qu’il n’y avait pas d’urgence en termes de baisse de salaire ou d’autres avantages qui auraient été floués ou violés. C’est plutôt nous qui avions été surpris et jamais à aucun moment nous n’avons arrêté les discussions, le public n’a eu accès aux discussions formelles que lorsque l’avis de grève a été déposé et que la presse s’est intéressée au cadre de dialogue qui existait. Mais dès l’instant où les premières réclamations sont venues après la transposition, c’est-à-dire mi et fin décembre les discussions ont débuté avec la commission pour voir comment ajuster cette grille indiciaire et comment trouver une solution. C’est pourquoi je vous dis qu’on n’a pas compris cet avis de grève.

Malgré l’implication personnel du Chef de l’Etat, le bras de fer n’a pu être évité entre le Gouvernement et les syndicats. Doit-on parler d’une crise de confiance ?

Le président de la République a un principe très simple. Il veut s’enquérir de toutes les situations et pouvoir avoir la bonne information et de recouper les informations qu’il a. La rencontre qu’il a eue avec les syndicalistes n’était pas une rencontre pour régler la crise, mais pour comprendre la crise. Face aux informations les plus contradictoires possibles qui lui parvenaient et qui étaient distillées dans la presse et même parmi des membres de notre propre camp. Il a voulu en savoir plus, c’est la raison pour laquelle il a invité les syndicats à venir et nous avons eu une explication franche ou au moins les points essentiels ont été clarifiés de manière définitive. C’est ce qui a permis d’ailleurs de trouver la plupart des solutions. En fait, ce que nous avons discuté devant le chef de l’Etat c’est ce qui est convenu dans le protocole d’accord. Ce jour-là, nous avons trouvé les solutions, il s’agissait pour chacune des parties d’aller convaincre sa base. Sur les autres points, le président avait donné des instructions pour que les parties se rencontrent et négocient par exemple sur les primes et sur la question de l’ancienneté.  Rien de différent n’est sorti du protocole d’accord qui n’ait pas été discuté et convenu devant le président de la République. C’est pour cela là qu’effectivement là aussi nous pensions qu’à ce moment-là il aurait été opportun de lever cet avis de grève puisque à la fin c’est sur cette base que nous nous sommes entendus.

Seriez-vous d’accord si on vous disait que l’élément déclencheur de cette crise c’est ce concours de recrutement qui été lancé en pleine année scolaire ?

Là encore nous sommes victimes de notre volonté d’aider les syndicalistes et de comprendre leurs préoccupations. Dans le même protocole qui dit que les parties devaient se retrouver après la transposition de la grille salariale pour discuter d’éventuelles corrections, dans ce même protocole le Gouvernement a accepté une doléance des syndicalistes qui demandaient à ce qu’on prolonge la période d’inscription des contractuels pour leur permettre de passer au concours de recrutement, c’était en février. Vous comprenez que la période en question a pris du temps et c‘est seulement 21  août que les examens se sont déroulés, donc en pleines vacances scolaires. Bien entendu il a fallu du temps pour corriger plus de 50.000 copies ; cela nous a amené en décembre. Donc c’est une question d’appréciation, on aurait peut-être pu s’organiser pour que les résultats ne sortent pas en pleine année scolaire, caler les travaux de secrétariat et être sûrs que chaque correcteur serait disponible à temps. Mais comprenez que c’est une machine qui est très lourde à mettre en œuvre. Si vous vous souvenez, lorsque nous avons passé l’examen et nous nous apprêtions à proclamer les résultats, personne n’a dit qu’on n’aurait pas dû organiser ces examens en pleine année scolaire. C’est lorsque, au bout de plusieurs semaines de contestation que ce type d’argument est ressorti. En toute franchise, je ne crois pas que le problème soit sur la période d’organisation du concours en tant que tel dès l’instant où il y a une urgence à doter nos écoles d’enseignants puisque beaucoup de nos écoles n’ont pas d’enseignants et qu’on ne pouvait pas prendre le luxe d’attendre encore pour programmer ces résultats. Ce qui en plus aurait suscité beaucoup de suspicions sur la sincérité de ces résultats. Imaginez qu’on passe des examens en août et qu’on proclame les résultats plus d’un an après, je crois que cela aussi aurait suscité assez de polémiques.

La grève est levée mais certaines écoles manquent toujours d’enseignants…

Ceci met encore plus l’accent sur cette nécessité d’adresser en urgence cette question du manque d’enseignants. Le concours budgétairement était prévu pour environ 5000 enseignants pour le pré-universitaire et 500 enseignants pour l’enseignement technique, visiblement si ça ne suffit pas, il faudra procéder à d’autres recrutements. Il y a encore une masse d’enseignants potentiels qui est recrutable sur la base de la prise en compte de tous ceux qui sont entrain de rouspéter, qui ont des arrêtés d’engagements de la fonction publique qui ne sont pas pris en compte. C’était un autre front qui existait également au niveau de la fonction publique. Nous avons prévu que ceux là seraient prioritairement orientés vers les écoles (…), donc ça devrait pouvoir combler le gap et les classes qui n’ont pas d’enseignants.

Comment comptez-vous combler le vide laissé par ces nombreux jours d’école perdus à cause de la grève ?

C’est à ce niveau-là que je suis obligé de reconnaître que nous avons perdu la bataille de la communication à ce sujet-là (…), parce que quand vous prenez les faits en tant que tel, il n’ y a pas lieu de s’inquiéter. Ce n’est pas la première fois que les élèves guinéens et l’école guinéenne sont soumis à des périodes de suspension de cours pour une raison ou une autre. Il y a eu les évènements de février 2006-2007, il y a eu l’Etat de siège, il y a eu Ebola, nous avons attendu quatre mois avant de faire la rentrée et pourtant les programmes ont été complétés à temps. En tout cas l’enseignement pré-universitaire avait un matelas de plus de 400 heures sur lesquels il pouvait rattraper son retard. Puisqu’elle a compressé ses programmes depuis plusieurs années. Des programmes qui prenaient plus de 1000 heures pour être complétés sont faits entre 600 et 800 heures. Toujours est-il qu’il y a plus de 400 heures de battements qui peuvent être utilisés pour rattraper les cours perdus. Nous sommes donc loin d’avoir utilisé ce potentiel et cette réserve. Donc là aussi, il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure, malheureusement peut être que ça n’a pas été suffisamment expliqué et suffisamment tôt, à ceux qui s’inquiétaient et on a assisté à cette inquiétude de la part des élèves et des parents d’élèves.

La grève des syndicats a été émaillée de violences. Huit personnes ont perdu la vie et plusieurs dizaines de blessés ont été enregistrés. Quel est l’engagement du Gouvernement pour mettre fin à ces violences en identifiant les auteurs de ces crimes ?

J’aimerais tout d’abord présenter les condoléances du Gouvernement comme nous l’avions fait au moment des décès. Nous le renouvelons et regrettons ces morts tragiques (…) et surtout dissocier ce qui s’est passé ce fameux lundi là, de la grève. Quelque soit la force des syndicalistes, ils n’auraient jamais pu organiser ce qui s’est passé ce lundi. Il faut faire quand-même faire preuve de beaucoup de lucidité et d’éviter de faire peser sur un mouvement de grève, un mouvement de protestation qui est légal (…), qu’on pourrait même qualifier de légitime à ces violences innommables qui se sont passées ce jour-là. Maintenant il y a eu mort d’hommes et quelle que soit la circonstance dans laquelle elle intervient la lumière doit être faite dessus. En conseil des ministres, le Premier Ministre a encore rappelé aux différents services concernés, que ce soit les services de sécurité que ceux de la justice, que la lumière devait être faite. Le ministre de la justice a tenu plusieurs réunions avec ses cadres (…), la dernière en date c’était hier (Mardi 28 février 2017, Ndlr), dans l’attente des résultats ou d’un certain nombre d’informations qui doivent provenir de la police, le ministre a instruit ses services d’ouvrir des informations judiciaires. Je crois qu’en début de semaine prochaine une communication sera faite là-dessus pour expliquer les premiers résultats des enquêtes et quelles sont les dispositions prises pour la suite.

Ce n’est pas une première fois qu’on annonce des enquêtes mais généralement il n’y a pas de suite…

Oui malheureusement je vous le concède. Ça c’est un des plus gros regrets que moi-même j’ai. A un moment donné que vous annonciez qu’il y a eu des morts, que vous dites que vous les regretter et que êtes en train de faire des enquêtes, vous aimeriez pouvoir revenir quelques jours après, même si c’est un mois après, annoncer que le coupable a été pris. C’est quelque chose que je regrette profondément. Cela n’a pas pu être fait jusqu’à présent mis à part l’avant dernière manifestation où un policier a été pris pour avoir tiré et causé la mort d’un jeune sur son balcon. Mais face à toutes les autres victimes, c’est vraiment un coup d’épée dans l’eau et je vous le concède, il faut qu’on arrive à savoir un jour qui tire. Nous avons été soumis à une très forte pression des policiers et des gendarmes sur le terrain pendant les évènements, qui à un moment donné ont réclamé des armes parce qu’ils déclaraient qu’ils se faisaient tirer dessus au calibre 12. Il y a eu des informations concordantes qui donnent des indications (…), mais c’est quand-même une enquête judiciaire où l’on parle de meurtre, on ne peut pas s’amuser à accuser qui que ce soit sans avoir des éléments probants et incontestables. Que ce soit donc des gendarmes ou des policiers ou toute autre personne qui ce soit rendue coupable de ces meurtres et quelque soit les conditions dans lesquelles cela est arrivé, il faut que la justice arrive à trouver les coupables. Je regrette qu’à date ça n’a pas été suffisamment fait.

 

Entretien réalisé par SOUARE Mamadou Hassimiou

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 655 31 11 11

Créé le 2 mars 2017 13:15

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