CRIEF : voici « pourquoi » Francis Kova Zoumanigui a débouté et condamné Kassory Fofana…

CONAKRY- L’ancien Premier Ministre guinéen, Ibrahima Kassory Fofana a essuyé une double défaite cette semaine qui s’achève, à la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF).

Le mercredi 15 janvier 2025, l’ex chef du Gouvernement d’Alpha Condé, déchu en septembre 2021, a d’abord été débouté puis condamné à payer une amende suite à sa requête de récusation de deux magistrats en charge d’instruire son dossier. Ensuite sa demande de renvoi de son procès a été rejetée par la chambre spéciale de jugement qui, dans la foulée, a clos les débats et ordonné l’ouverture des plaidoiries et réquisitions le 20 janvier prochain. Ce sont là les derniers développements d’un bras de fer judiciaire à rebondissements qui dure depuis trois ans.

Des faits…

Dr Ibrahima Kassory Fofana, ancien premier ministre de Guinée

Poursuivi pour détournements présumés de deniers publics, enrichissement illicite, corruption et blanchiment de capitaux, le prévenu-malade Ibrahima Kassory FOFANA, alité depuis plus d’un an, a saisi le 03 janvier dernier, le Président de la CRIEF, sollicitant de lui, la récusation du magistrat Lansana SOUMAH, désigné pour le juger. Il reprochait à ce magistrat (Lansana SOUMAH, ndlr) d’avoir violé la loi contre ses intérêts, notamment :

-Par une abréviation du délai de comparution, alors fixé au 06 janvier 2025, par la chambre de jugement (…),

-Par une inobservation de la décision d’évacuation sanitaire rendue à cette même occasion par la chambre de jugement, laquelle devrait en principe et à bon droit, recevoir exécution avant tout examen du dossier au fond ;

-Par un déni de justice, en gardant le silence devant la requête aux fins de rectification des omissions matérielles, en date du 16/12/2024 ;

-En décidant d’ordonner sa comparution personnelle alors qu’il est malade.

Des griefs qui n’ont pas prospéré. Africaguinee.com qui a consulté l’ordonnance rendue par le Président de la CRIEF, Francis Kova ZOUMANIGUI, lève le voile sur les raisons que ce haut magistrat a invoqué pour débouter et condamner le requérant (Kassory Fofana).

Que dit la Loi ?

Le magistrat Francise Kova Zoumanigui rappelle tout d’abord dans son ordonnance que l’article 740 point 9- du code procédure pénale-, dispose que « tout juge, conseiller ou président de chambre peut être récusé s’il y a eu entre lui ou son conjoint et une des parties toutes manifestations assez graves pour faire suspecter son impartialité ».

En outre, il souligne qu’aux termes du point 5 du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial. L’exigence d’impartialité doit s’apprécier objectivement ». De l’analyse combinée de ces textes, il résulte que toute personne a droit à ce que sa cause soit examinée par une juridiction impartiale.

Du fond…

Par l’organe de ses conseils (avocats), explique-t-on dans l’ordonnance, Ibrahima Kassory FOFANA récuse le Président Lansana SOUMAH et son assesseur Monsieur Fodé Kadjaly KEITA et sollicite qu’il soit ordonné un sursis à continuation des débats de la cause l’opposant au ministère public et l’Etat guinéen, au motif que, selon lui, ces hauts magistrats « ont fait montre de partialité et, partant, ont violé ses droits ». En réplique, les deux magistrats accusés rejettent ces demandes, arguant de ce qu’ils ont veillé au respect des droits du requérant.

« L’impartialité objective légalement exigée du juge consiste dans les signes apparents de neutralité assurant aux parties que leurs arguments feront l’objet d’un examen objectif. Cette impartialité objective n’est violée, aux termes des dispositions conjointes ci-dessus, que dans la mesure où le juge, en charge d’entendre la cause, fait montre de tous signes de manifestations assez graves faisant suspecter une rupture d’égalité dans le traitement des droits des parties en présence », observe le magistrat dans son ordonnance de « rejet ».

Plus loin, Francis Kova Zoumanigui mentionne que la programmation (du procès) par les magistrats ne peut s’interpréter comme une quelconque violation des droits de Monsieur Ibrahima Kassory FOFANA par la CRIEF, encore moins une espèce de célérité maladroite de règlement de la cause et/ou une abréviation du délai de comparution tel qu’articulé par ce dernier.

« En qualifiant cette démarche purement légale des magistrats susnommés comme traduisant une connivence entre la CRIEF et les autorités de la transition, Monsieur Ibrahima Kassory FOFANA, par l’organe de ses conseils, fait preuve de fabulation et/ou d’imagination d’une légèreté qu’il n’a étayée par aucun fait matériel, exposant ainsi sa demande au rejet », étaie le président de la Cour Anti-Corruption, ajoutant qu’il en ressort que les magistrats du siège concernés ne peuvent être récusés pour ce motif et le requérant mérite d’être débouté de ce chef comme « non fondé ».

Également, le prévenu Ibrahima Kassory FOFANA fait grief aux magistrats visés d’avoir ordonné sa comparution personnelle pour audience du 07 janvier prochain, alors que, dit-il, il est présentement dans une incapacité physique absolue, de se tenir débout, de s’asseoir en raison du mal qu’il déclare avoir été diagnostiqué à son niveau (…) et pour lequel son évacuation avait été décidée.

Sur son ordonnance, Francis Kova Zoumanigui admet certes que les rapports médicaux produits au débat font état de pathologie à prise en charge nécessaire en faveur du requérant. Toutefois, fait-il observer, il est autant constant qu’au moyen de l’ordonnance N°011 du 11 décembre 2024, la formation de jugement présidée par Yagouba CONTE a ordonné « le transfert du prévenu Ibrahima Kassory FOFANA dans un centre spécialisé pour une meilleure prise en charge » et qu’il n’en demeure pas moins évident, qu’étant une nouvelle composition, et par obligation de respect des délais raisonnables de traitement de procédure (tel que clamé par le prévenu, lui-même), « les magistrats en charge du dossier de la cause font preuve de professionnalisme et démarche déontologique remarquables en faisant l’effort d’entendre Monsieur Ibrahima Kassory FOFANA au fond, (donc ordonnant sa comparution) ».

Francis Kova Zoumangui ajoute qu’il est utile de rappeler que cette démarche (des magistrats), en plus d’être hautement responsable pour le juge-arbitre (audiencier), elle vise à équilibrer les traitements des droits en présence, à savoir :

-d’un côté, accorder au prévenu la possibilité de bénéficier des soins nécessaires tel que décidé par la précédente formation de jugement ;

-de l’autre, tenir compte des intérêts des poursuivants (ministère public et partie civile) en entendant au fond (d’autant plus évidemment que les circonstances de la cause et les pièces établissent que le prévenu est lucide et conscient), même avec la possibilité de suspendre cette démarche au vu l’état de santé du prévenu ;

En effet, en l’état, rien dans la procédure, ni aucun fait matériel n’ont prouvé une quelconque attitude des magistrats visés, tendant à ne tenir compte des droits du requérant, selon le président de la Crief. « En procédant ainsi, les magistrats visés ont plutôt fait montre d’impartialité et/ou neutralité plus à même de rassurer de la suite du traitement des droits. Dès lors, ce moyen étant infondé, le requérant doit être débouté » dit le président de la Crief.

Francis Kova Zoumanigui, magistrat

S’agissant de la question liée à l’interprétation de l’ordonnance N°011 en date du 11 décembre 2024 rendue par la formation de jugement présidée par Monsieur Yagouba CONTE, Francis Kova Zoumanigui conclut que l’attitude des magistrats visés par les griefs du prévenu, ne traduit nullement une quelconque démarche pouvant s’interpréter comme un silence coupable, ni un déni de justice.

Pour ce qui concerne les griefs liés à « l’inobservation de la décision d’évacuation sanitaire », outre le fait que l’ordonnance N°011 du 11 décembre 2024 ne dit pas « évacuation sanitaire », mais plutôt « transfert… dans un centre spécialisé », M. Zoumanigui souligne qu’il importe de rappeler que de par son statut et sa nature de nouvelle composition, la formation de jugement dont il s’agit n’est :

-ni l’agent ou organe habilité à exécuter une mesure entreprise par une autre formation de nature équivalente ;

-ni responsable de l’exécution et/ou l’inexécution de telle mesure.

En déclarant qu’au vu du « refus par le Procureur spécial d’exécuter l’Arrêt N°011 définitif », il « ne peut plus avoir de force morale de se défendre devant la CRIEF », Monsieur Ibrahima Kassory FOFANA semble confondre, selon M. Zoumanigui, le ministère public, et la formation de jugement. « C’est à bon droit que les magistrats concernés observent leurs devoirs de réserve tel que prévu par le statut des magistrats et le requérant doit être débouté de cet autre chef comme infondé », a tranché le chef de la Crief.

En conséquence de tout ce qui précède, Francis Kova Zoumanigui mentionne qu’il il échoit de dire que les –magistrats ainsi visés n’ont nullement manqué à leur devoir d’impartialité – et d’ordonner la continuation de la procédure par ces hauts magistrats.

« Suivant l’article 745 du code de procédure pénale, toute ordonnance rejetant une demande de récusation prononce la condamnation du demandeur à une amende de 250.000 à 2.500.000 francs guinéens. La demande de récusation de Monsieur Ibrahima Kassory FOFANA ayant été rejetée, il convient de lui faire application de ce texte en le condamnant au paiement de la somme de 250.000 GNF d’amende », indique l’ORDONNANCE N° 004du 15 janvier 2025, consultée par notre rédaction.

Focus Africaguinee.com

Créé le 18 janvier 2025 13:42

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