BTP : La galère des petits apprentis dans les chantiers… (témoignages)
CONAKRY-Orphelin de père, MBB vit chez son oncle paternel dans un quartier de Conakry, sans sa chère maman, établie au village. Faute de moyens, il n’a pas eu la chance d’aller à l’école. Pour l’aider, le jeune frère de son papa l’a amené à apprendre la maçonnerie depuis des années. Son quotidien est tout sauf facile.
« Mon père est décédé ; ma mère est au village. Ici je vis sous le toit de mon oncle paternel. Il m’aime bien et m’aide beaucoup. Il tenait à m’amener à l’école. Faute de moyens, il n’a pu me faire jouir de ce droit. L’alternative était donc de me faire apprendre un métier. Ainsi il a choisi la maçonnerie. J’ai accepté bien que je ne rêvais pas mieux que d’étudier comme les autres enfants de mon âge. Cependant, dans les chantiers, nous vivons des situations difficiles. Certes nous cherchons à apprendre, mais pour dire vrai c’est de l’exploitation ; nous ne mangeons même pas dans les chantiers. Quelques fois, nous venons au travail sans prendre le petit déjeuner et nous restons ainsi toute la journée. Le manger qu’achètent nos maîtres n’est jamais suffisant c’est juste nous mettre du sucre à la langue pourtant les contrats incluent toujours les frais de restauration si le propriétaire du chantier ne trouve pas le moyen d’apporter le manger.
Rarement on nous donne les frais de transport. En lieu et place nos maîtres nous disent de passer la nuit au chantier si nos domiciles sont loin. Ainsi, le matin nous nous réveillons le ventre creux, l’estomac au talon. C’est dans ces conditions que les maîtres nous appellent souvent pour nous dire de commencer le travail en attendant leur arrivée. Voyez-vous ? Ce n’est point facile. Il suffit que nous sollicitions quelque chose pour qu’on nous rappelle que nous sommes venus pour apprendre et non pour chercher de l’argent. C’est vraiment difficile surtout actuellement parce qu’on ne gagne rien, même pas le minimum », se confie-t-il dans un ton pathétique
AOB, apprentis ferrailleur bientôt une décennie vit la même situation. « Moi, je suis apprenti ferrailleur. Depuis 7 ans, je suis avec mon maître. Mais lui qui reste à la maison, c’est lui qui bénéficie de tout. Nous, nous ne faisons que travailler. S’il vient au chantier, c’est juste pour constater l’avancement des travaux. Pourtant il signe régulièrement des contrats de 20 ; 30 ou 40 millions et plus de francs-guinéens. Nous, il nous oriente. Après un mois ou deux mois de travaux, il me donne 300 000 francs guinéens. A mes deux autres collègues, il donne 200 000 francs guinéens chacun. Et pour la plupart de nos chantiers, nous avons une femme qui prépare pour nous. Ils ne nous donnent 20 000 francs guinéens que les samedis pour le repas » renchérit-il.
L.D. lui il apprend l’électricité bâtiment. Son témoignage est tout autre. « Depuis trois ans, je suis dans ce métier, mais pour dire la vérité, nous souffrons énormément avec nos maîtres, parce que, quelquefois, même le transport, ils ne nous donnent pas. Un moment, j’ai voulu me séparer de mon maître mais ma famille m’a déconseillé. J’ai donc informé mon frère qui est en Espagne. Il m’a envoyé de l’argent, j’ai acheté une moto. C’est grâce à cette moto que je me fais un peu d’argent.
Si notre maître décroche un contrat, c’est à bord de cette moto que je me rends au chantier. A mon retour, je fais le taxi-moto ne serait-ce que la soirée afin de gagner un peu d’argent pour ma dépense et pour payer mon loyer. Mais pour vous dire la vérité, nous, les apprentis de tous les métiers que vous connaissez, nous souffrons avec nos maîtres », a-t-il indiqué.
Comme MBB, AOB et LD, plusieurs enfants ayant raté la chance d’aller à l’école pour une raison ou pour une autre, apprennent différents corps de métiers. Les plus prisés sont la maçonnerie, la menuiserie ; l’électricité bâtiment et le ferraillage pour ne citer que ceux-là. Cependant, dans les chantiers, de nombreux enfants se disent exploités et vivent des situations difficiles.
Un maître qui a préféré garder l’anonymat connais mieux quiconque le mauvais traitement que certains maîtres infligent à leurs apprentis mais il trouve les mots justes pour les défendre : « Bien sûr, vous avez raison, il y a des maîtres qui se comportent très mal envers leurs apprentis en ne leur donnant ni le transport ni à manger suffisamment. Mais chacun connaît comment il peut gérer ses apprentis. Personnellement, je condamne fermement ce genre de comportement parce que donner à manger à sa faim et le transport est obligatoire.
C’est un droit absolu pour les apprentis. Si un maître sait qu’il ne peut pas assurer cela, il a l’obligation d’informer les parents des enfants pour que ceux-ci trouvent les moyens d’en prendre en charge, sinon l’enfant est obligé de voler pour vivre, ce qui pose d’énormes problèmes entre les apprentis et leur maître. Les apprentis doivent comprendre qu’ils sont venus pour apprendre et non pour chercher de l’argent d’abord. Mais s’ils placent l’argent devant ils ne pourront rien comprendre dans le métier dans lequel ils rêvent de faire carrière « .
Mamadou Yaya Bah
Pour Africaguinee.com
Créé le 12 décembre 2024 12:48