Affaire sacs de riz, ses projets pour les artistes : les confidences du ministre Alpha Soumah…

Alpha Soumah, Bill de Sam ministre de la Culture, du Tourisme et de l'artisanat

CONAKRY-Des artistes en colère ont pris d'assaut, mardi 19 avril 2022, les locaux du Ministère de la Culture, du Tourisme et de l'Artisanat pour réclamer, selon eux, leur part de riz offert par le président de la transition, colonel Mamadi Doumbouya. Cette actualité inédite largement commentée en Guinée a été relayée, non sans humour, dans les médias de certains pays voisins.

Quelle est l’origine de cette grogne ? Comment en est-on arrivé là ? Qu’est-ce qui a été fait pour calmer les grognons ? Africaguinee.com a interrogé Alpha Soumah " Bill de Sam", ministre de tutelle. Dans cet entretien, le ministre de la Culture, du Tourisme et de l'Artisanat revient en détail sur cette affaire. M. Soumah fait également plusieurs annonces sur les réformes engagées par son département pour améliorer les conditions de vie des artistes et hommes de culture.

 

AFRICAGUINEE.COM : Des artistes ont envahi votre ministère pour réclamer leur part de riz offert récemment par le président de la transition. Selon vous quelle est la genèse de cette grogne ?

ALPHA SOUMAH : Le président de transition a demandé à ce que les artistes guinéens viennent le rencontrer pour qu'il leur fasse un cadeau. Donc, c'était une surprise pour tout le monde. J'ai fait venir mon conseiller culturel pour qu'il appelle les différentes associations d'artistes et hommes de culture. La rencontre avait connu la présence des artistes connus et moins connus. De même pour les hommes de culture. Les associations sont venues avec leurs membres, il n'y avait pas mal de monde. D'autres personnes qui n'étaient pas membres des associations sont venues par la suite. D'ailleurs, elles étaient plus nombreuses que les membres des associations.

Finalement, le président a accepté de recevoir tout le monde dans la salle des Congrès. Il a tenu un discours de remerciement pour avoir répondu à son appel, il les sensibiliser par rapport aux assises nationales en cours. Il a demandé leur implication effective. Il leur a dit : « à l'occasion du mois saint de Ramadan, je vais vous faire un cadeau ». Puis, il s'est penché vers moi pour me dire : tu annonceras que chaque artiste ici présent dans la salle a droit à dix sacs de riz

Par la suite, il a aussi demandé d’établir une liste de ceux qui sont gravement malades, de Conakry à l'intérieur pour qu'il voit dans la mesure du possible, comment est-ce qu'il va venir en aide à certains. C’est ce message que j'ai transmis au micro après son départ. Donc, il y avait de la joie, les gens étaient contents d'avoir un sac de riz en ce mois saint de Ramadan. Sauf que trois jours après, d'autres artistes ont commencé à revendiquer leur part. 

Comment l’expliquez-vous ?

Apparemment les structures associatives n'avaient pas pu mobiliser tout le monde. Ceux qui étaient absents ont voulu se faire entendre pour réclamer leur sac de riz. Chose que je comprends parfaitement. Par contre, ils n'ont pas pu s'entendre entre eux. Mais je suppose quand on vient en tant qu'association et qu'on gagne dix sacs de riz, avec un peu d'humanisme on devrait partager avec nos frères qui n'ont pas pu faire le déplacement. Ils n'ont pas pensé à cela. Donc, ça a créé un mouvement au sein des associations. Au moment où on cherchait à les rencontrer pour leur expliquer réellement de quoi il s'agit, moi j'étais au conseil interministériel quand j'ai entendu qu'ils sont dans l'enceinte de mon département. Ça aussi, quelque part ce n'est pas mauvais en soi. Sauf que ça dérangé un peu les travailleurs.

Sinon, le ministère de la culture, du tourisme et de l'artisanat est quand-même la maison des hommes de culture et des artistes. Je préfère qu'ils viennent s'assembler dans la discipline pour qu'on se parle plutôt qu'ils aillent dans la rue. Je pense que ce n'est pas une mauvaise chose. Au lieu d'aller casser dans la rue ou aller vers la présidence, je préfère qu'ils viennent s'assembler dans la cour. 

Qu'est-ce qui a été entrepris par la suite pour soulager les grognards ? 

Après le conseil, je suis venu trouver que mon cabinet leur avait demandé de désigner six personnes parmi eux. Ces six personnes ont eu des discussions avec mon cabinet. Le secrétaire général s'est attelé à leur expliquer comment ça s'est passé, il leur a expliqué certaines projections en cours. Un compte-rendu leur a été fait dans la cour et ça a coïncidé à mon arrivée et j'ai reçu aussi les six personnes. 

Je leur expliqué comment ça s'est passé, les six personnes m'ont fait savoir qu'elles sont très satisfaites d'avoir entendu ça de moi-même. Mais que malgré tout, eux-aussi ont droit d'avoir leur cadeau venant du président de la République parce qu'ils se considèrent tous comme des artistes. Il ne faut pas qu'ils soient exclus de ce cadeau. J'ai dit, je prends notre de leurs doléances et de me faire un mémo. Ils ont fait ça sur place et m'ont donné la liste des personnes qui étaient présentes dans la cour ce jour. Ces doléances et cette liste je vais voir qui de droit pour lui expliquer la situation. Mais au-delà, cette revendication de sacs de riz, pose la condition des artistes guinéens. 

Qu’envisage votre département pour changer la donne ?

J'ai expliqué aux artistes présents ce jour le chantier énorme ouvert ici au département. J'ai commencé par le tourisme et l'artisanat. Eux au moins, le terrain était plus ou moins propice, il y avait des projets à réactiver. Au niveau de la culture, le problème est très profond, le malaise aussi. Des artistes ont souvent été utilisés ici pour des fins politiques. Donc, on leur a souvent habitué à de l'argent alors que c'est une activité libérale. Plutôt que de les former à gérer leur carrière, les mettre dans les projets d'industrie culturelle pour qu'ils aient des financements, on les entretient comme ça et quand on a besoin d'eux, on va les chercher et quand on n'en veut plus, on jette. Je pense que ce malaise vient de là. Et moi, j'ai expliqué à ces représentants ce jour-là, que je suis sur des projets concrets. 

Pourriez-vous nous en citer quelques-uns ?

Premièrement, pour l'effectivité des droits d'auteur. J'ai réactivé le décret pris par l’ancien président Alpha Condé en 2019 concernant l'effectivité des droits d'auteur. C'est-à-dire les droits voisins, la copie privée et les droits sur des supports numériques qui participent à la propriété privée mais aussi les droits liés à l'utilisation des musiques par les téléphonies et autres. Ce décret donne la possibilité avec les arrêtés conjoints de résoudre tout ce problème de droit d'auteur. 

Je suis en train de travailler sur un projet que je vais proposer au président sur le statut même de l'artiste, de l'homme de culture. Les hommes de culture ont quand-même besoin d'un certain privilège tel que le statut du travailleur. Aujourd'hui, ils n'ont pas de bulletin de paie parce que justement rien ne les amène vers ça mais on devrait travailler à ce que les artistes ou les travailleurs dans les domaines culturels puissent être payés comme tous les employés guinéens. Même si c'est un spectacle par semaine, qu'ils puissent avoir un bulletin de paie qui leur permet de cotiser à la CNSS et en ce moment-là, quand ils sont malades, ils sont pris en charge y compris des pensions de retraite pour ceux qui ont beaucoup travaillé. J'ai des projets dans le domaine des industries culturelles. Alors je leur ai demandé qu'on se retrouve. Ma priorité c'est de les aider à se fédérer.

Dans le domaine du tourisme, vous avez des professionnels qui se battent pour créer une seule faîtière. Pourquoi pas dans le domaine de la culture et de l'artisanat ? Il existe des faîtières qui sont quand-même représentatives mais il serait bien qu'on les aide à créer une faîtière unique qui aura un seul porte-parole plus le bureau qui représente toutes les tendances en termes de culture. Ils ont trouvé l'idée géniale. Donc, dans les jours à venir nous allons travailler sur cela. Vous voyez que ce n'est pas seulement un problème de riz mais c'est vraiment la situation des artistes qui sont dans la précarité.

 

Siba Guilavogui

Pour Africaguinee.com

Créé le 21 avril 2022 14:32

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