Guinée : ces diplômés contraints de réapprendre la vie autrement

En Guinée, l’inadéquation entre la formation académique et les besoins du marché de l’emploi, combinée à une pénurie d’opportunités professionnelles, contraint de nombreux jeunes à se reconvertir dans d’autres métiers appris sur le tas. À travers ce reportage, trois jeunes aux parcours singuliers partagent leurs expériences, entre difficultés d’insertion et espoirs d’une meilleure intégration dans la fonction publique guinéenne.
Ce mardi matin, nous avons rencontré Tamba Fodé Oliano, diplômé en Histoire des Relations Internationales de l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia. Faute de débouchés, il a dû mettre de côté son rêve de diplomatie pour devenir instituteur ordinaire dans une école privée de Conakry.
« Un diplomate devenu instituteur, c’est la réalité de la vie. J’ai frappé à toutes les portes sans succès. Finalement, j’ai choisi d’enseigner pour subvenir à mes besoins. Aujourd’hui, je rends grâce à Dieu car cette nouvelle voie, associée à d’autres activités, me permet de m’en sortir », témoigne-t-il, avec une certaine résilience.
Alpha Oumar Kourouma, du rêve diplomatique à la décoration artisanale
Diplômé en 2017 du Centre Universitaire de Kindia dans le même domaine, Alpha Oumar Kourouma s’est heurté à une dure réalité à son retour à Conakry. Malgré ses efforts pour décrocher un stage dans les ministères, il n’a obtenu qu’un stage non rémunéré, qu’il a dû abandonner par manque de moyens pour couvrir les frais de transport.
Refusant d’être un fardeau pour sa famille, il s’est tourné vers le secteur du bâtiment, où il a appris la décoration, le staff et la peinture. « Après mes études, je rêvais de devenir un grand diplomate. Mais la réalité en Guinée est tout autre. Aujourd’hui, je suis devenu chef d’équipe avec 15 apprentis. Je gagne ma vie grâce à cette activité et j’en suis fier. J’appelle l’État à offrir des contrats aux jeunes, et j’invite les universités à proposer des formations adaptées aux besoins du pays. Certains départements ne devraient même pas exister », affirme-t-il avec conviction.
Ousmane Camara a du se réinventer dans le e-commerce
Après son baccalauréat, Ousmane Camara est venu à Conakry pour poursuivre ses études supérieures. Cependant, sa formation universitaire ne l’a pas préparé aux réalités du marché de l’emploi. Confronté au manque d’opportunités, il s’est réorienté vers le commerce en ligne.
« Lors de ma recherche d’emploi, j’ai vite constaté que mon diplôme de licence ne suffisait pas. La majorité des offres exigeaient un master, et les profils techniques ou professionnels étaient les plus demandés. J’ai alors décidé de me lancer dans l’entrepreneuriat. Aujourd’hui, je suis mon propre patron. Mais pour aller plus loin, un soutien financier est indispensable. L’État doit accompagner les jeunes, non seulement par des aides financières, mais aussi à travers des formations pratiques en montage de projets et en entrepreneuriat », plaide-t-il.
À travers ces témoignages, c’est toute une génération de jeunes guinéens qui exprime un mal-être, mais aussi une grande capacité d’adaptation. Si l’État ne peut absorber toute la demande d’emploi, il lui revient toutefois de créer un cadre favorable à l’épanouissement des initiatives privées, notamment en repensant les formations universitaires et en soutenant les projets porteurs.
Sayon Camara
Pour Africaguinee.com