Tabaski 2025 à Conakry : la flambée des prix du bétail met les familles à rude épreuve

CONAKRY – À moins de 24 heures de l’Aïd el-Kébir, également appelée Tabaski, de nombreux fidèles musulmans se heurtent à la flambée du prix du bétail, jugé excessif par beaucoup. Au parc à bétail de Simbaya Gare, Camara Mohamed Lamine, rencontré ce mercredi 4 juin 2025, estime que les prix sont tout simplement inabordables.
« Je suis venu avec mon père. Nous avons pu acheter un mouton à 2 millions, certains vont jusqu’à 5 millions de francs guinéens. Il faut reconnaître que les prix sont vraiment élevés. Nous avons constaté qu’il y a plus de spectateurs que d’acheteurs. En fonction de votre budget, vous êtes vite limité dans le choix. Un petit mouton coûte au minimum 1 500 000 GNF. Pour espérer un gros mouton, il faut venir très tôt avec 3 à 4 millions en poche. C’est comme si vous cherchiez un bœuf ! C’est vraiment difficile. J’interpelle les autorités pour qu’elles s’impliquent afin de rendre les prix plus accessibles, surtout à l’occasion de la Tabaski, comme le font le Sénégal et le Mali qui prennent des dispositions pour aider leurs populations. Sinon, un jour viendra où ceux qui veulent sacrifier un mouton ne le pourront plus. » a-t-il confié.
Des prix toujours jugés élevés, entre rareté du bétail et coûts de transport
Diaboula Oumar Diallo, conseiller chargé des questions de tourisme au ministère de la Culture et du Tourisme, abonde dans le même sens que les acheteurs.
« Le marché est un peu cher, mais on comprend, dans la mesure où les animaux sont rares. Il y a une vraie cherté, et les commerçants évoquent de nombreux problèmes qui expliquent ces prix exorbitants. Mais dans l’ensemble, ça va. Le prix des bœufs varie entre 6, 7, 8, 11 et jusqu’à 12 millions de francs guinéens. Mais ces prix-là ne sont pas à la portée du Guinéen lambda, il faut se dire la vérité. Cela dit, comme ce sacrifice nous est prescrit, si nous en avons les moyens, nous sommes tenus de l’accomplir. C’est pourquoi nous sommes venus nous acquitter de ce devoir », déclare-t-il.
À Simbaya Gare, dans la commune de Lambanyi, les vendeurs confirment la tendance.
Amadou Diarouga Diallo, marchand de bétail, détaille les prix :
« Le prix des vaches dépend de leur taille. Il varie entre 3 et 8,5 millions de francs guinéens. Les vaches maliennes coûtent plus cher que celles d’ici. Celles venues de Bamako se négocient entre 12 et 15 millions. Pour les moutons, on est entre 1,5 million et 3,5 millions GNF, selon la taille. Cette année, nous avons rencontré moins de problèmes sur la route. Les policiers, gendarmes et douaniers ne nous ont pas fatigués. Mais les clients sont moins nombreux que l’année dernière. J’espère qu’ils viendront acheter », se plaint ce vendeur de bétail.
Autre vendeur sur place, Thierno Abdoulaye Diallo se veut rassurant :
« Vous savez, si chacun fait ce qu’il peut, personne ne souffrira. Comme les années précédentes, les marchands ont sillonné le pays pour ramener des bêtes et éviter une pénurie en cette période de fête. Nous sommes là pour vendre tout ce que nous avons pu réunir. On ne peut pas donner un prix exact, mais sachez qu’il y en a pour tous les budgets. Côté difficultés, on peut dire que ça va. Ce n’est pas une seule personne qui les affronte. Et les choses commencent à s’améliorer en ce qui concerne les routes et les tracasseries. »
À Tanènè, les prix du bétail en nette hausse
Sur les étals du principal marché de Tanènè, dans la commune de Matoto, les vendeurs affichent des tarifs en nette augmentation. Pour un mouton local, il faut désormais débourser entre 1 700 000 et 2 000 000 GNF, contre 1 500 000 à 1 800 000 GNF l’an dernier. Quant aux moutons importés du Mali, les prix ont grimpé, passant de 2 000 000 à 3 000 000 GNF.
Selon Ousmane Diallo, bouvier, cette hausse s’explique principalement par l’augmentation du coût du transport et des droits de passage.
« Nous payons davantage de taxes routières, or il faut rentabiliser nos tournées », explique-t-il.
Des clients comme Aliou Barry quittent le parc à bestiaux les mains vides, la mine serrée.
« J’étais venu pour acheter un mouton à 1 800 000 GNF, mais on m’a proposé des bêtes à 3 000 000 voire 3 500 000 GNF. Mon budget ne me le permet pas », confie-t-il.
Crise sociale et appel à la régulation avant la Tabaski 2025
Dans les quartiers populaires, l’inquiétude grandit. De nombreuses familles craignent de ne pas pouvoir accomplir le sacrifice traditionnel, pilier fondamental de leur foi. Les revendeurs, de leur côté, promettent une trêve dans la spéculation, à condition que le flux des clients se maintienne jusqu’à la veille de la fête.
À l’aube de la Tabaski 2025, le marché de Tanènè fait face à une crise de l’offre et à une spéculation qui fragilisent le pouvoir d’achat des ménages. Face à cette situation, les autorités municipales ainsi que les associations de consommateurs sont vivement appelées à encadrer les prix afin de garantir un accès équitable à ce rite religieux, pour que la dimension spirituelle ne soit pas étouffée par les contraintes économiques.
Un reportage de Mamadou Yaya Bah et Haoussa Bah (Stagiaire)
Pour Africaguinee.com