PN-RAVEC à Nzérékoré : quand les communautés comblent les manquements de l’État dans certaines localités 

NZÉRÉKORÉ – Lancé le 15 avril 2025 sur l’ensemble du territoire national, le Programme National de Recensement Administratif à Vocation d’État Civil (PN-RAVEC) ne se déroule pas sans difficultés. Entre défis logistiques, corruption et coupures fréquentes d’électricité, les habitants de certaines localités de la région forestière sont contraints de mettre la main à la poche pour une opération pourtant annoncée gratuite par le gouvernement guinéen.

Dans cette région située au sud du pays, 526 kits d’enrôlement ont été répartis à travers les différentes localités. Mais leur fonctionnement normal reste compromis dans plusieurs zones dépourvues d’électricité. C’est le cas notamment dans la préfecture de Macenta, plus précisément dans la sous-préfecture de Koyamah, où les autorités locales se voient contraintes de recourir à des groupes électrogènes qu’elles doivent alimenter à leurs propres frais pour faire fonctionner les appareils.

Composée de 22 districts, la sous-préfecture de Koyamah n’a reçu que 7 kits d’enrôlement, accompagnés de 3 groupes électrogènes, selon des sources locales.

« Dans toute la sous-préfecture de Koyamah, nous n’avons reçu que 7 kits. Ils ont envoyé 3 groupes électrogènes. Franchement, nous manquons de moyens. Le superviseur sur place propose aux présidents de district de chercher eux-mêmes des groupes électrogènes, et de faire tout leur possible pour fournir le carburant, afin d’aider la communauté, car c’est la nôtre. Les kits, nous les branchons la nuit pour les recharger, et le matin, nous utilisons cette énergie. Vers midi, on allume le groupe. Les présidents de district ont beaucoup fait. Dès le premier jour, c’est même eux qui s’occupent de la nourriture », témoigne un agent recenseur de Koyamah.

image d’archives

Guilavogui Emmanuel Oua, ancien maire de la commune, dénonce quant à lui une charge excessive sur les communautés locales :
« Il y a de réels problèmes sur le terrain. On fait porter toute la charge à la communauté alors qu’il s’agit d’une activité étatique, pourtant financée. Aujourd’hui, à Koyamah, c’est la population qui prend en charge le carburant. La nourriture, c’est une autre chose : en Afrique, surtout en Guinée forestière, nous sommes solidaires, quand un étranger vient, on le nourrit. Mais maintenant, prendre en charge aussi le matériel de travail, c’est un vrai problème, d’autant plus qu’il n’y a pas de budget prévu pour cela. »

Des efforts communautaires pour faire face aux défis logistiques

Interrogé, un président de district de la localité de Brébezou a témoigné de l’engagement local :
« Le recensement s’est bien passé ici. Seules quelques personnes ne se sont pas encore fait enrôler. Le kit est resté chez nous au moins dix jours. Pour l’alimentation des machines, nous avons aussi contribué à l’achat du carburant, tout comme les membres des Carles et d’autres personnes de bonne volonté », a-t-il affirmé.

Les mêmes difficultés se retrouvent dans la préfecture de Lola, située à une quarantaine de kilomètres du chef-lieu régional. Cette commune urbaine, composée de 25 quartiers et districts, a bénéficié de 12 kits d’enrôlement.

Un acteur du processus basé à Lola décrit les dysfonctionnements rencontrés :
« Le principal problème vient des panneaux solaires : près de 95 % ne fonctionnent plus. Les groupes électrogènes sont arrivés, mais sans carburant. Ce sont les chefs de quartiers qui s’organisent pour alimenter les machines. La nuit, quand EDG fournit le courant, ils rechargent les équipements pour la journée suivante. Mais EDG fonctionne par rotation : si un quartier n’a pas eu de courant la nuit, le lendemain, c’est un casse-tête pour le chef de quartier. Il doit se débrouiller pour lancer les activités. Les chargeurs tombent aussi en panne à cause de la mauvaise qualité du courant produit par les groupes. Une simple variation suffit à griller un chargeur. On a déjà eu des cas comme ça. Malgré tout, les gens font preuve de résilience, et chaque jour les chiffres sont bons. »

Des citoyens venus se faire enrôler au compte du Ravec

Face à ces réalités, le président de la délégation spéciale de Koyamah, Ndiaye Aboubacar, tient un discours plus rassurant :
« Le processus se déroule très bien chez nous. Grâce à Dieu, nous avons déjà atteint près de 16 000 enrôlés. Il y a un réel engouement. C’est vrai qu’on a plus de monde que de machines — seulement 7 kits — mais d’ici vendredi, on atteindra les 90 % de la population ciblée. Vous pouvez venir voir par vous-même les efforts fournis. Même à l’instant, je viens d’acheter de l’essence pour certains groupes en rupture. Je défie quiconque de dire qu’il n’a pas de carburant ou de moteur. Nous avons dû utiliser des groupes privés pour faire tourner 4 kits. La communauté est motivée : certains viennent même proposer leurs moteurs. Nous avons aussi organisé la restauration pour les équipes, et la commune a pris en charge les fiches qui manquaient. On travaille parfois jusqu’à 20h. Tous les élus locaux de Koyamah se sont mobilisés corps et âme pour le succès de ce programme. À ce jour, la commune a déjà consommé 78 ramettes de papier pour permettre à la population de se faire recenser », indique Ndiaye Aboubacar, président de la délégation spéciale de Koyamah.

Des soupçons de pratiques illicites entachent le processus à Nzérékoré

Au-delà des problèmes logistiques, plusieurs citoyens accusent certains agents du recensement de leur soutirer de l’argent pour l’obtention des documents censés être gratuits. Dans la commune urbaine de Nzérékoré, les témoignages recueillis font état de paiements allant jusqu’à 20 000 francs guinéens pour un simple extrait de naissance ordinaire, ou encore de 10 000 francs pour le remplissage de fiches.

« Quand je suis venu le matin pour un jugement supplétif, l’agent en poste m’a demandé combien j’avais. Je lui ai répondu que ce n’était pas payant. Il m’a dit : “Oui, ce n’est pas payant, mais ce qu’on a à remplir est trop, donc il faut donner quelque chose.” Je lui ai remis 5 000 francs. Il m’a ensuite montré des extraits de naissance vierges qu’il remplissait pour ceux qui voulaient, à 15 000 francs », témoigne un citoyen de la commune urbaine.

Kits d’enrôlement biométrique

Face à ces accusations, le président de la délégation spéciale de la mairie de Nzérékoré, Niankoye Georges Oscar Lamah, se veut ferme :
« Il y avait un jeune qui traînait dans la cour. Quand j’ai appris qu’il extorquait de l’argent aux citoyens, je l’ai immédiatement chassé. » Selon lui, ce sont certains citoyens eux-mêmes qui corrompent les agents pour obtenir rapidement leurs documents.

Interrogé à son tour, le coordinateur régional du PN-RAVEC à Nzérékoré, actuellement en mission à Conakry, reste évasif mais assure que toutes les dispositions nécessaires ont été prises pour garantir la bonne conduite du processus :
« Je suis en mission de travail à Conakry, mais ce que je peux dire, c’est que tous les districts disposent de groupes électrogènes. Il y a un groupe par kit. Nous avons 526 kits et 526 groupes dans la région. Les fonds ont été entièrement remis aux acteurs impliqués, et chacun fait son travail », a déclaré M. Diakité.

Dans un communiqué daté du 28 mai, le Gouvernement guinéen, à travers le ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, représenté par le Général Ibrahima Kalil Condé, a annoncé la prolongation de 20 jours de la campagne d’enrôlement biométrique.

A suivre

SAKOUVOGUI Paul Foromo

Correspondant Régional d’Africaguinee.com

En Guinée Forestière

Tél. (00224) 628 80 17 43

Créé le 31 mai 2025 11:44

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